Commune de Lubilhac

 

Monographie

 

Année 1926

 

 

Jouishomme

 

 

 

 

 

 

 

 

Imprimé par

M & MA BARDEL

13 rue du Mercantour

78310 MAUREPAS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© 2003, Michel et Marie-Agnès Bardel

D'après la

Monographie de Lubilhac,

Manuscrit de Jean Baptiste Jouishomme,

Daté de 1926.

 

Recueilli et conservé par ses descendants jusqu'à ce jour.

 

 


 

 

 

 

 

Présentation

 

Nous devons cette précieuse Monographie sur la Commune de Lubilhac à Jean‑Baptiste Jouishomme, notre grand-père et arrière-grand-père maternel.

Jean‑Baptiste Jouishomme est né à La Chapelle-Geneste (Haute-Loire), le 21 janvier 1861, sixième enfant du charpentier Jean-Jacques Joyeuxhomme (sic), et d'Anne-Marie Grange. Les mystères de l'état civil lui valent d'avoir, à cette occasion, repris le nom de famille de son grand-père, Jean Jouishomme, né en 1788 à Saint-Bonnet-le-Bourg (Puy-de Dôme) : on ne lui a pas permis de conserver celui que son père avait lui-même repris de son propre trisaïeul (Jean Joyeuxhomme, né vers 1730).

Est-ce la vie dans sa famille de six enfants qui lui a donné sa vocation d'instituteur ou le respect qu'il avait pour son maître, qui l'a poussé à poursuivre ses études ? Est-ce cette incertitude sur son nom qui lui a donné le goût de l'histoire, et qui lui fera tenir le secrétariat de la Mairie, et donc l'état civil, de Lubilhac pendant trente-cinq ans ?

C'est certainement sa jeunesse passée dans l'atelier d'un charpentier qui lui a donné le goût des arbres et de la nature, et une grande habileté manuelle (il faisait tous ses meubles). Sa mère s'occupait de la ferme et de ses animaux. Il en a acquis une excellente connaissance du milieu rural.

Si, comme on va le voir dans cette monographie, la transformation de la société le passionne autant, c'est qu'il a vécu à une période charnière de la vie des campagnes. Son grand-père, menuisier, est né un an avant la Révolution française ; lui, mourra en 1951, après avoir connu un empire, deux républiques et trois guerres. La disparition de certains de ses meilleurs élèves à la Grande Guerre, lui inspirera le discours d'inauguration du monument aux morts (pudiquement signé : discours de l'instituteur).

Son attitude vis-à-vis du progrès est ambivalente. D'une part, il se tient au courant des découvertes de la science et s'intéresse très particulièrement à l'électricité et à la lumière. Il achète pour sa classe une pile au bichromate, une bobine de Rumkopf, un prisme, des lentilles optiques, et présente à ses élèves de nombreuses expériences de physique. La machine à vapeur le captive et la construction de la ligne de chemin de fer dans sa commune sera pour lui un événement marquant. Les orages, nombreux sur les collines de Lubilhac, l'amènent à réfléchir à leurs causes, et à la protection des maisons et des granges. La médecine et les règles d'hygiène vont l'obséder jusqu'à ses derniers jours. D'une santé de fer, marcheur infatigable, il prend encore, tous les matins, une douche d'eau glacée à 90 ans.

Mais, d'autre part, les conséquences de ces progrès sur les modes de vie le perturbent. Il comprend que tout n'est pas bon à prendre, mais ne voit pas comment trier ce qui est bon de ce qui ne l'est pas. Il pense que l'éducation, la connaissance de l'histoire, la maîtrise des techniques sont les seules protections qu'il puisse fournir à ses élèves face à l'évolution brutale du monde, qui provoque notamment ce qu'il va jusqu'à appeler la "loi écœurante de dépeuplement de nos campagnes". Il pense que l'amélioration de la productivité doit freiner l'exode rural, mais accueille avec réticence, voire parfois rejette, certaines innovations comme le téléphone. Lui-même, après sa retraite, nostalgique d'un mode de vie qu'il voit disparaître inéluctablement, refusera que l'électricité "entre" dans sa maison de Lubilhac (alors qu'il possède tout le confort dans sa maison de Brioude) et s'y éclairera, jusqu'à sa mort, à la lampe à pétrole et à la bougie.

Mais ce qu'il faut retenir de sa mission, c'est son sacerdoce d'enseignant. Ce n'est pas un hasard s'il dédie d'abord cette monographie à ses élèves. C'est avec la conviction profonde que l'avenir se bâtit sur la connaissance (celle du passé, mais aussi celle de la technique, et celle des hommes), qu'il écrit pour eux tout ce qu'il sait de Lubilhac, sa commune d'adoption.

Sortant de l'Ecole Normale du Puy-en-Velay, il est nommé Instituteur à Brioude. Il demande rapidement sa mutation pour la campagne, considérant que la ville n'est pas bonne pour sa santé. Il arrive à Lubilhac en 1888, à l'âge de 27 ans. Il y rencontre Eugénie Cornet, qui est née à Sauvagny le 23 mars 1862, et qui dirige l'Ecole de Filles à partir de 1890. Ils se marient en 1891, ont une fille en 1892, qui fera des études d'institutrice. Ils ne quitteront Lubilhac qu'à leur retraite, l'une après vingt et un ans d'enseignement, l'autre trente-cinq. Bien après leur retraite, prise à Brioude, ils feront de très nombreux séjours à Lubilhac, dans la maison qu'ils ont rachetée à la mort de M. Sibaud, trois fois instituteur de ce village. Est-ce un hasard si cette maison est une des anciennes écoles du village ?

La Monographie de Lubilhac est un projet mûri de longue date. Jouishomme, comme il se nomme sur son manuscrit, a réuni beaucoup de documents et épluché les registres de la Mairie. Il a aussi recueilli beaucoup d'information dans ses longues discussions avec les habitants de sa commune. Surtout avec les vieux, comme il les appelle amicalement.

Il termine sa rédaction en 1926, trois ans après sa retraite. Le manuscrit original comporte deux livrets. Ce sont des cahiers verts de 184 pages. L'écriture y est très belle et très régulière. Nous n'avons relevé au long des 331 pages, qu'un seul mot biffé, deux surcharges et deux fautes d'inattention. Les dessins sont à la plume et au crayon de couleur. Il n'y a pas de trace de gomme.

Il se serait assurément donné une très bonne note pour ce travail.

Quand nous avons entrepris cette publication, nous n'avions qu'un seul but, ne pas dénaturer ce travail, ni dans sa forme, ni dans son esprit. L'exploitation du manuscrit a été très simple. Les adaptations ont été les suivantes : le découpage du document d'origine a été respecté, mais des numéros et des titres de parties et de chapitres ont été ajoutés pour faciliter l'accès au document ; les notes écrites en marge ont été transformées en notes de bas de page ; quelques illustrations en marge ont été reportées en fin de document ; les dessins ont été photographiés ; les cartes ne sont pas reproduites à l'échelle exacte ; les photos collées sur les cahiers à la gomme arabique ont été re-photographiées, leur qualité d'origine était médiocre, soit que le tirage ait été sali, soit que l'original ait été découpé d'une revue ou d'un journal, soit que la gomme ait jauni ; un index des noms propres a été ajouté, ainsi qu'une table des matières ; quelques notes signalées "NDLR" ont été ajoutées chaque fois que nous l'avons jugé utile ; les lieux dont le nom varie au long du document (Rouge, Rouges, Le Rouge ; Fraisse, Le Fraisse ; etc.) n'ont pas été modifiés mais se retrouvent tous dans l'index sous une seule orthographe.

Enfin, des photos de M. Charles Dupuy, Député, puis Sénateur de la Haute-Loire, sont collées sur la page de garde de chacun des livrets du manuscrit. Nous les présentons en fin de document sans fournir plus d'explication que l'auteur lui-même. Nous y voyons une marque de son profond respect pour les institutions de la République. Celle-là même qui lui a décerné les palmes académiques dont il était si fier.

En mettant ce document à la disposition du public, nous voulons accomplir ce qu'il n'a pas pu faire.

Nous remercions Marie-Agnès Bardel pour son aide efficace de relecture.

  

Suzanne Bruhat, sa petite-fille,

Michel, Jean-Luc et Catherine Bardel, ses arrière-petits-enfants.


 

 

 

 

 

Fac-similé d'une page du manuscrit de Jean Baptiste Jouishomme


 

 

 

 

 

Préface

 

Nous avons écrit cette monographie spécialement pour nos élèves auprès desquels nous avons consacré trente-cinq ans de notre vie active, mais elle pourra être lue par tous ceux qui aiment l'histoire et la géographie locales, affectionnent la petite patrie, pour, de là, acheminer leur amour vers un plus vaste horizon, vers la France.

Le point important, auquel ont convergé nos efforts, est l'histoire du château féodal de Vernières qui domine la région de sa masse de ruines. Comme on le verra au cours de notre étude à son sujet, nous n'avons pu recueillir qu'une documentation forcément imparfaite, nous permettant toutefois d'en esquisser un résumé sommaire.

Du château, rayonnant vers les diverses localités qui composent notre commune, nous en avons fait la description et l'historique sincères autant qu'il nous a été possible.

Un intérêt particulier à notre point de vue s'attache à la signification des noms des lieux ; nous nous sommes appliqué à en donner l'étymologie exacte.

On a souvent répété que la géographie et la chronologie sont les yeux de l'histoire. Nous inspirant de ce précepte, nous débutons par la première, respectant autant que faire se peut la seconde. C'est d'abord une description topographique suivie d'une étude sur la climatologie, les reliefs du sol, les cours d'eau, les voies de communication, l'agriculture… la population, sa situation économique, etc.

La maison rurale classique est mise en parallèle avec la moderne à l'aide de plans qui en montrent la disposition, les pièces, les dépendances avec leurs avantages et leurs imperfections. Nous abordons ensuite la partie historique inséparable des personnes qui y ont joué le principal rôle, c'est-à-dire le curé, le maire, l'instituteur. Et notre travail se termine par les copies de documents anciens conservés à la mairie et au presbytère, sans oublier le témoignage de reconnaissance dû à la mémoire de l'honorable M. Sibaud, ex‑instituteur, dont nous avons consulté le manuscrit écrit en 1880, et au sympathique et bienveillant inspecteur primaire, M. Fousson, dont l'activité, la vigilance, la foi pédagogique communicative ont donné une si vive impulsion à l'œuvre de l'enseignement dans la région, lequel nous a grandement aidé de ses conseils et de ses encouragements.

Puissent nos campagnards goûter un réel plaisir à nous lire, et puisse cette lecture faire fructifier en leur âme ce sentiment naturel d'attachement à la terre natale propre à enrayer l'exode vers la ville, le mal, le fléau actuel de la population rurale.

 



 

 

 

 

 

PARTIE I  

 

 

 

 

 

Géographie de la commune


 

I - Plan de la Commune de Lubilhac

 

Chapitre II 

Description topographique

La commune de Lubilhac est située dans le canton de Blesle, et son chef-lieu est à dix kilomètres de cette petite ville, à quinze kilomètres de Brioude, et à quatre-vingts kilomètres du Puy.

Elle est bornée à l'est par les communes de Saint-Beauzire et de Saint-Just-près-Brioude ; au sud, par les communes de Mercœur (Haute-Loire) et de La Chapelle-Laurent (Cantal) ; à l'ouest, par la commune de Massiac (Cantal) ; au nord, par les communes de Grenier-Montgon et de Saint-Beauzire.

Son territoire présente la forme d'un polygone allongé dans le sens sud-ouest à nord-est, terminé en pointe à chaque extrémité. La ligne enveloppante se courbe et se retourne en une série d'angles rentrants et convexes, s'adaptant autant que possible aux sinuosités des cours d'eau qui en sont les limites naturelles. C'est un plateau ondulé, mamelonné, creusé de cuvettes, de combes, de ravines, en même temps que hérissé de collines et de coteaux, accidenté entre tous. Il s'incline du sud au nord avec une pente moyenne donnée par les deux altitudes de Gliseneuve, neuf cent quatre-vingts mètres et des Martres, sept cent vingt mètres, distantes de sept kilomètres. Ces deux villages étant pris comme points extrêmes de la droite d'inclinaison.

Sa surface relevée sur le plan cadastral, est de deux mille quatre cent huit hectares et est partagée en sept sections dénommées par les sept premières lettres de l'alphabet, lesquelles sections portent numérotés les immeubles et parcelles des propriétaires, soigneusement figurés et délimités au dit plan cadastral.

Celui-ci fut établi en 1844 par une section technique de géomètres au service de l'Etat et reste déposé à la mairie ainsi que la matrice cadastrale, volume où sont inscrits les noms des propriétaires, des propriétés, avec leur contenance, le chiffre de leurs revenus et leur numéro dans la section.


 

I - Carte géologique et reliefs du sol


Chapitre III 

Nature et Formation du sol

Le sol est en grande partie du terrain primitif avec ses roches de granit, de quartz, de gneiss et de schistes et a été bouleversé de fond en comble par les révolutions géologiques, à tel point que les roches stratifiées affectent toutes les positions : horizontale, inclinée, verticale. Le voisinage des volcans a causé ces bouleversements et l'érosion des eaux de l'époque diluvienne d'abord, continue ensuite jusqu'à nos jours, a contribué à produire ces accidents de terrain si fréquents que nous signalons au cours de notre ouvrage.

Ce terrain porte les bois, les forêts, les prairies en même temps qu'il est la grande part de l'espace cultivable du territoire de la commune. Dans son sein ont été injectés par effets plutoniens les filons métallifères de sulfure et d'oxyde d'antimoine dont sont très riches les sections de Daü, Fraisse, Cistrière et Lafage, et qui ont fait à certaines époques l'objet d'une exploitation intensive.

Au point de vue agricole, il est moins estimé que son voisin le terrain volcanique, et porte en dialecte local le nom de "varenne" par opposition à celui de "chausse" donné au premier, bien plus productif.

L'autre partie de la surface de la commune est d'origine volcanique. Des coulées successives de lave émanant du volcan du Mirial, commune de La Chapelle-Laurent (Cantal) ont édifié la colline qui, partant du Mirial, traverse en son long presque toute la commune et se ramifie en divers sens pour donner au pays son aspect caractéristique.

C'est là la plus grande phase de l'évolution géologique de la terre de Lubilhac modifiée ensuite par des soulèvements partiels, par l'éruption du volcan voisin du Puy de Tany-Nouveau et par des soulèvements subséquents au cours des périodes géologiques suivantes.

Ainsi observe-t-on partout des roches d'origine ignée, des trachytes, de la lave brûlée, et surtout du basalte.

Celui-ci est employé comme pierre à bâtir et pour l'empierrement des chemins. A la tranchée du Ruisseau-du-Moulin, il se présente en un massif taillé à pic sur l'une de ses faces, composé de prismes juxtaposés et superposés rappelant assez ce que l'on appelle "les orgues basaltiques d'Auvergne". Mais ces prismes sont loin d'être réguliers comme ceux que l'on voit à Espaly près Le Puy-en-Velay. Ils laissent entre eux des vides qui ont dû être des grottes habitées par les hommes primitifs et qui sont actuellement le refuge des blaireaux et des renards.

On a d'autre part essayé d'utiliser la lave fine, choisie à grain fin, peu poreuse en lui donnant le nom de Volvic du pays. Le ciseau en a fait des moellons propres à l'encadrement des ouvertures des édifices. C'est ainsi qu'on en voit au château de Vernières, à l'église et à l'école de garçons de Lubilhac. Mais cette pierre trop tendre, trop fragile n'a procuré que des déboires : elle a cédé à la moindre pression et a dû être abandonnée.


 

I - Relief – Sections verticales

 

Chapitre IV 

Orographie

Bien que nous ayons parlé de la plupart des accidents de terrain, un chapitre spécial doit leur être réservé avec une carte à l'appui et coupes longitudinale et transversale page 14.

Le plus important est la colline du Mirial-Sauvagny-Lubilhac qui forme une crête suivant une ligne irrégulière, depuis le Mirial jusqu'à Lubilhac, le Chausse, la Pyraire, avec quelques solutions de continuité à Sauvagny, Buge-Blanche, au Peu‑de‑Rose. Elle est d'origine ignée, et la lave ou le basalte ont comblé l'ancienne vallée primitive sur laquelle elle repose. La nappe cultivable qui s'étale à droite et à gauche sur ses flancs porte les champs et les prairies et sa crête offre des pâtures aux troupeaux.

Le cratère du Mirial, détruit par les agents atmosphériques est le point culminant à mille cinquante mètres d'altitude et marque l'emplacement du télégraphe de Chappe.

De ce point la colline descend en pente douce jusqu'au Peu-de-Rose, le Chausse, le Peu-du-Cimetière, la Pyraire.

Entre Sauvagny et Lafage, elle se bifurque : une rame de coteaux passe au levant du premier, contourne la Croix-de-Tienne et vient mourir au sud-est de Lachaud à quelque distance du Puy de Tany-Nouveau, un volcan isolé, ayant communiqué au ballon du Chausse dont il est séparé par le ruisselet du Ruisseau-du-Moulin, et au promontoire de Chantelauze.

Les pentes de ce dernier s'étendent sur les propriétés et les bois de Combaneyre, la vallée du Ruisseau-du-Moulin.

Le plateau des Martres est relié à Vernières et aux Granges par un plan légèrement incliné et est limité par les vallées du Ruisseau-du-Moulin, de Violette, de Daü et du ruisselet des Martres, lesquelles le soutiennent au moyen de puissants contreforts trachytiques.

Les localités occupant des éminences à sommet arrondi, mais en terre primitive sont : Cistrière, qui s'appuie sur le massif boisé de Coste-Hubert ; Fraisse, à la limite extrême de la colline de Beaufoy ; Gliseneuve, au haut de la pente rive droite du cours du Ceroux.

Du terrain de Montmège, au nord, s'échappe une butte dont l'extrémité ballonnée domine les ravins du ruisseau de Malpeyre et de son affluent, le ruisselet de la Gazelle. C'est la butte du Roubertet. Ajoutons que les nombreux ruisselets qui sillonnent le terrain sont séparés presque partout par des coteaux escarpés, boisés ou cultivés où le travail du laboureur est particulièrement pénible.

En résumé, le territoire de la commune fait suite au plateau de La Chapelle‑Laurent et constitue un massif à l'altitude moyenne de huit cent vingt mètres, ramassé sur sa base, encadré par les ruisseaux de Ceroux, Malpeyre, Daü à l'altitude moyenne de six cent cinquante mètres. La différence, cent soixante-dix mètres, de ces deux moyennes dénote l'importance du relief qui rappelle la carapace légèrement aplatie de la tortue terrestre.

Chapitre V 

Climatologie

Les vents dominants sont : le sud, l'ouest et le nord.

Le sud seul amène la pluie en se chargeant sur la Méditerranée de vapeur pour la transporter sur le continent où elle se convertit en eau avec accompagnement fréquent d'orages en été.

Le vent d'ouest, le plus redoutable, venant de l'océan, est sec ou humide, mais ne donne pas de pluie notoire. Les nuages qu'il pousse se condensent avant d'arriver dans nos parages, arrêtés qu'ils sont par les montagnes du Cantal et le Luguet.

Le nord est encore moins pluvieux, puisque nous nous trouvons à une distance considérable de la Manche et de la mer du Nord où prennent naissance les nuages qui pourraient nous arriver. Cependant des observateurs vous diront que lorsque le nord donne, la pluie est durable et abondante. Ce qui se passe, le voici : l'air du midi est saturé de vapeur ; si à ce moment sa direction passe au nord, le vent refroidi précipite la chute, amenant une recrudescence de pluie.

Les cours d'eau sont si peu importants et coulent dans un lit si profond qu'ils n'ont aucune influence sur l'état hygrométrique.

Il en est autrement des bois, des arbres, de leurs rameaux et de leurs feuilles qui jouent le rôle de régulateurs hygrométriques et hydrographiques. Tandis qu'en temps de grandes eaux ils préviennent les inondations, ils atténuent l'effet de la sécheresse par leur pouvoir condensateur quand celle-ci sévit avec intensité comme en l'été 1926.

Le territoire, comme nous l'avons dit, est dans son ensemble un plateau ondulé qui fait suite à celui de La Chapelle-Laurent et domine la vallée de l'Allagnon, la plaine de Saint-Beauzire, la vallée du Ceroux, toute disposition favorable à un milieu essentiellement sec. La nature des terres d'autre part à tendance sableuse fait qu'une année pluvieuse est nécessaire à une bonne végétation.

Il faudrait, pour avoir de très belles récoltes, une averse hebdomadaire en quantité suffisante ; et rarement le temps se prête à une telle exigence.

La proximité des montagnes de la Margeride, du Cantal, du Puy-de-Dôme, toujours revêtues de neige l'hiver, refroidit le climat, et le thermomètre accuse les minima de dix, douze degrés au-dessous de zéro.

Les étés sont chauds : en juillet et août on note les maxima de trente, trente-trois degrés à l'ombre.

Il y a d'après les chiffres précédents un assez grand écart entre les maxima d'été et les minima d'hiver, résultant de la pauvreté de l'air au point de vue de la vapeur d'eau régulatrice des températures. La tension électrique, par suite de la conformation du terrain, de sa position élevée ou peut-être des filons métallifères qu'il renferme, est puissante. On compte une moyenne de dix-huit orages annuellement. La foudre a causé quantité d'accidents.

Chapitre VI 

Hydrographie

La commune est arrosée par trois cours d'eau et leurs affluents : le Ceroux, le ruisseau de Daü, un troisième dénommé ruisseau de Cistrière, de Malpeyre, de la Palle et de Violette, des noms des quatre hameaux situés sur son cours ou à peu de distance.

I - Ruisseau du Ceroux

Le Ceroux prend sa source dans le Cantal et délimite sur une faible longueur, environ trois kilomètres, les communes de Lubilhac et de Mercœur. Il fertilise les prairies d'une étroite et profonde vallée que dominent les trois villages, Gliseneuve, Le Monteil, Le Fraisse et alimente les moulins de Rigaud et Combes au hameau du même nom. Ses eaux sont capricieuses : très fortes durant la saison des pluies, elles deviennent faibles aux périodes de sécheresse et mettent quelquefois les minotiers dans la nécessité d'employer des moteurs pour faire mouvoir les meules.

La truite, le vèron et l'écrevisse en sont les hôtes permanents, et leur chair nourrie dans une eau fraîche et limpide de montagne est recherchée par les amateurs de braconnage qui peuvent exercer leur triste métier en toute sécurité dans ces gorges étroites, à travers ces rochers où coulent ses eaux, à une distance considérable de toute brigade de gendarmerie ou de garde-pêche.

II - Ruisseau de Daü

Le ruisseau de Daü prend également sa source dans le Cantal, sépare les communes de Lubilhac et de Massiac, coule du sud-est au nord-ouest suivant l'inclinaison du territoire de la commune.

La vallée qu'il creuse, d'abord à peine sensible, s'accentue rapidement pour devenir profonde à la hauteur de la métairie du Mercœur[1]. Elle est étroite ; les bas-fonds en sont occupés par des prairies, des champs qui jadis étaient autant des chènevières fournissant le chanvre aux nombreux tisserands du pays. Le flanc de la rive gauche porte des bois essence chêne et pin sylvestre. Celui de la rive droite présente aussi quelques bois de même nature, mais on y voit en outre des champs à culture et des vignes : vignes de Combe-Roche, de Charduchy, de Vialle-Vieille.

Ses eaux, après son confluent avec le ruisseau de Violette rentrent dans la commune de Grenier-Montgon pour aller se jeter dans l'Allagnon à Florival (Val des Fleurs).

Son débit est faible en temps ordinaire. Il devient nul en été pour peu que les chaleurs se prolongent sans pluie. Cependant il faisait mouvoir naguère le moulin de Cornet-Péchauzet et plusieurs autres anciennement.

On y rencontre des truites au sortir de l'hiver, bien faciles à prendre par la suite, et qui, on le pense bien, ne tardent pas à disparaître.

Ses affluents de la rive droite sont semblables par leur situation topographique, leur direction, leur débit, leur étiage, la rapidité de leur cours due à la déclivité du terrain, trente-trois centimètres par mètre en moyenne.

Ils naissent dans un cirque ou cuvette, creusent ensuite un vallon dont la profondeur s'accroît extraordinairement jusqu'à leur confluent avec le ruisseau principal. Ce sont les ruisselets de Chadaire, Caireblanc, Garnigoule, Combe-Roche, Mialouze, Vialle-Vieille, les Martres. Sur la rive gauche, le seul affluent remarquable, et qui limite la commune de Massiac, est celui qui prend naissance à Prugne, coule dans un vallon parallèle à celui de Daü dont il est séparé par la crête du Mercœur, et a son embouchure au moulin de Cornet-Péchauzet : son lit demeure à sec une partie de l'été.

III - Ruisseau de Cistrière

Le ruisseau de "Cistrière-Combaneyre-Malpeyre-Violette" a son origine près de la maison Granet à la Gazelle, coule d'abord dans la direction sud-nord en longeant la commune de Saint-Just-près-Brioude, puis dans celle du nord en faisant des incursions successives dans les communes de Lubilhac, de Saint-Beauzire et de Grenier-Montgon, tout en formant leurs limites par endroits. Il converge vers le ruisseau de Daü qu'il atteint un peu au-delà de la pointe extrême de notre commune dans celle de Grenier-Montgon. Il roule beaucoup plus d'eau que ce dernier et fait ou a fait tourner plusieurs moulins comme on peut s'en rendre compte en suivant son cours dans une partie de pêche. Il est encaissé à l'étroit entre divers coteaux, collines ou plateaux dont les pentes sont boisées en chênes ou pins principalement, mais son lit est ombragé par le saule, l'aulne, le hêtre, le frêne et le peuplier, lesquels se disputent la place sur le sable et le gravier entre les roches gigantesques que l'eau a mises au jour.

Il reçoit sur sa rive gauche le ruisselet de Tany qui arrose les prés de Cistrière, de Tany, coule dans un vallon profond du bois de Bouchaud jusqu'à son embouchure située à un kilomètre en aval du hameau de Malpeyre.

Deuxièmement, le petit cours d'eau appelé Ruisseau-du-Moulin, lequel prend sa source au sud-ouest de Sauvagny, arrose les prés de ce village, ceux de Chabonne, du Loubas, du Pré-Clos, passe à quarante mètres de la fontaine de la Frideyre, contourne Chantelauze, entre dans une tranchée qui fut l'écluse du moulin banal, à la suite de laquelle était un étang où aujourd'hui croissent les herbages. De là, après quelques sinuosités décrites parmi les rochers, entre les vignes de la rive gauche et les bois de la rive droite, il se rend à Violette où se termine son cours.

Chapitre VII 

Voies de communication

Les reliefs d'un sol tourmenté comme l'est celui de notre commune ont fait que les grands réseaux des voies de communication ont toujours évité de s'y engager. Seuls, des chemins à peine praticables, des chemins ruraux, des sentiers faisaient communiquer les villages entre eux et avec les communes circonvoisines.

I - Chemin vicinal d'intérêt commun N°17

Ce mauvais état de viabilité était signalé depuis longtemps à l'autorité administrative compétente, laquelle répondait invariablement en demandant à la municipalité de voter les fonds nécessaires à l'ouverture d'une route qui partirait de celle de Saint-Beauzire pour aboutir à la route de Brioude-Saint-Flour, traversant en son long toute la commune en passant par le chef-lieu.

Les études faites, le montant du devis établi, c'était une dépense de quatre-vingt-dix mille francs où la part de la commune était de quatorze centièmes.

Après bien des hésitations le conseil s'engagea à couvrir cette fraction de la dépense au moyen d'emprunts et les travaux commencèrent en 1907 pour finir en 1913, date où la dite route, chemin d'intérêt commun n°17, fut livrée à la circulation.

La marche des travaux fut pénible et rencontra des difficultés nées de l'hostilité de la municipalité de Saint-Beauzire. Le premier lot du chemin, sur une longueur de quinze-cents mètres était entièrement compris dans le territoire de cette commune et faisait l'objet de deux tracés. Le premier débouchait à Saint-Beauzire même, le second plus court de cinq-cents mètres, tombait à quatre cents mètres, à l'est de ce bourg.

Nous faisions le sacrifice d'adopter le premier à la condition que ses habitants prendraient à leur charge une partie de la dépense : "pas un centime à vous donner", il nous fut répondu.

La municipalité par une aberration d'esprit incompréhensible, s'était faussement persuadée que nous étions absolument obligés de passer au bourg de Saint-Beauzire, lequel bénéficierait ainsi d'un important chemin sans bourse délier.

L'Administration nous donna raison et nous suivîmes le second tracé malgré les pétitions, les protestations et résistances de toutes sortes.

En désespoir de cause, les habitants du dit lieu de Saint-Beauzire dont notre chemin traversait les propriétés, refusaient de vendre le terrain à occuper et se laissèrent tous exproprier.

Depuis 1913 notre commune est donc desservie par un très bon chemin qui la met en relation avec Brioude, Massiac, Blesle, La Chapelle-Laurent. Il présente cet avantage de passer à proximité de tous les villages qu'il ne traverse pas et cet autre avantage de se développer en lignes droites et courbes dans une zone essentiellement pittoresque bien propre à attirer l'attention des touristes. Mais en fait de viabilité il n'y a rien de fait puisqu'il reste encore à faire.

II - Chemin de Massiac

Le chemin de Massiac depuis si longtemps projeté n'est pas prêt à entrer en exécution. Il est cependant aussi intéressant que le premier. Son ouverture se heurte à l'opposition de certains villages qui voient dans le tracé qui en a été fait trop d'éloignement pour les uns, trop de rapprochement pour les autres.

Ici les querelles intestines, la haine, la jalousie qui sont entrées dans les plus humbles hameaux, une fausse conception des services rendus en détournant le trafic sur la ville de Massiac au détriment des autres sont autant de difficultés ayant rendu effective sa non-exécution.

Nos gens des campagnes semblent ignorer trop souvent qu'un chemin, si utile soit-il, ne peut passer dans tous les villages, que bon nombre d'entre eux doivent regarder sans envie les autres plus favorisés au point de vue viabilité surtout, et que l'argent placé sur des chemins quels qu'ils soient l'est toujours à gros intérêts.

Le chemin de Massiac, dit de "Daü" est d'intérêt commun et donnerait une plus-value considérable aux bois non exploités, au bassin minier abandonné, lesquels livreraient au commerce et à l'industrie une source inépuisable de richesses.

III - Route de Brioude-Saint-Flour

La route départementale de Brioude à Saint-Flour traverse le lambeau oriental de la commune sur une longueur de deux kilomètres cinq cents mètres parallèlement à la ligne de chemin de fer située un peu plus à l'est. Elle profite directement à tous les villages du sud-est à partir de Sauvagny pour écouler leurs produits à Massiac, La Chapelle-Laurent, Brioude.

Si à cette route et au chemin d'intérêt commun n° 17 on pouvait ajouter le chemin de Daü, la commune serait considérée comme assez bien dotée en fait de voies de communication.

IV - Chemin de fer de Brioude à Saint-Flour

La voie ferrée "Brioude-Saint-Flour" traverse à l'est la partie extrême du territoire sur une étendue de deux kilomètres, passe à proximité des hameaux de Fraisse, le Monteil, Gliseneuve par la remarquable tranchée du Monteil et le beau tunnel de Gliseneuve long de cinq cents mètres. Tranchée et tunnel furent le théâtre de bien des accidents d'ouvriers, mortels pour quelques uns, durant la période de construction 1907-1910.

Cette ligne n'intéresse la commune qu'indirectement puisque les trains ne s'y arrêtent pas, selon ce que nous rapportons aux chapitres : "Labaraque, le Monteil".


Chapitre VIII 

Agriculture, commerce

L'agriculture est prospère et absorbe les forces vives de tous les habitants. Elle le serait davantage si les champs moins rocailleux, moins hérissés de crêtes et de gradins permettaient aux diverses machines à culture de s'y mouvoir librement. Ce qui n'est point le cas. La motoculture par le fait y est rigoureusement interdite. Seules les moissonneuses et faucheuses mécaniques peuvent y produire un assez bon travail et sont employées par la généralité des exploitants.

Les produits agricoles sont riches et variés. Les céréales sont abondantes. Le blé, le seigle, l'orge, l'avoine sont en partie exportés et sont recherchés aux halles de Brioude et de Massiac.

Les prairies naturelles et artificielles produisent un excellent fourrage.

Pas de plantes industrielles depuis que les tisserands nombreux naguère ont abandonné le métier ; par suite la culture du chanvre qui occupait les alluvions des bas-fonds a été délaissée et a cédé la place à celle de la betterave fourragère qui entre pour une grande part dans la nourriture des animaux.

Ceux-ci sont une fraction importante de la richesse communale.

Nombreux sont les bovins (race de Salers), les moutons (race du Plateau Central), les chevaux percherons.

Paissant les pelouses et pâtures des collines, les vaches laitières fournissent un lait abondant, opaque, parfumé, propre à donner du beurre et des fromages appréciés des consommateurs en même temps qu'elles livrent à la boucherie une chaire nourrissante au déclin de leur vie.

L'élevage des jeunes, des veaux que l'on livre au troisième mois à la consommation, des poulains que l'on écoule aux foires de novembre à Brioude et à Saint-Flour, à des acheteurs italiens et espagnols, est la grande préoccupation de l'agriculteur après le labeur des champs.

La ménagère s'occupe de la basse-cour, en extrait œufs, poules, poulets, qu'elle vend sur les marchés voisins avec son beurre et ses fromages. La chèvre et le porc font partie de ses attributions : la première, après avoir donné ses chevreaux, allaite le jeune veau ; le second de race commune, est comme on le sait bien la base de l'alimentation chez l'homme rural. Aussi est-il l'objet de soins assidus, tant pour son entretien que pour sa reproduction. Les petits porcelets sont vendus à deux ou trois mois. Ceux que l'on engraisse le sont à huit ou dix mois et constituent un appréciable rendement.


 

I - Carte agricole

 


II - Statistique agricole

Les terres de labour ont une surface de quatre cent quinze hectares. On cultive le blé, le seigle, l'avoine et l'orge. La production année moyenne se chiffre par un rendement moyen à l'hectare de dix-huit quintaux de blé, dix-sept quintaux de seigle, cinq quintaux d'avoine, sept quintaux d'orge.

La pomme de terre réussit très bien partout et fournit cinquante-cinq quintaux à l'hectare. Les variétés habituelles sont les jaunes rondes et les rouges. Les violettes délicieuses et délicates, fournissant des récoltes graduellement pauvres, ont été définitivement abandonnées. La saucisse rouge est cultivée exclusivement dans les jardins.

Depuis quelques années on a remarqué un fléchissement dans la production de ce tubercule dont la cause est inconnue et que l'on cherche à enrayer par l'emploi de tubercules exotiques que se procurent les syndicats agricoles pour les livrer aux exploitants. Ce changement de semence a donné toute satisfaction et se pratique annuellement.

Les fourrages sont excellents et abondants, la rave, la betterave constituent une réserve en grange.

Il y a cent soixante-treize hectares de prairies naturelles, vingt-cinq de prairies artificielles, trèfle, luzerne, sainfoin, lupuline. Le navet est cultivé comme plante oléagineuse, et la vesce et la jarousse d'Auvergne pour l'alimentation du colombier et de la basse-cour.

Le sarrasin occupe ça-et-là quelques parcelles mais ne doit pas compter comme récolte importante.

Le cheptel, d'après la statistique annuelle dressée durant la semaine qui précède le vingt-cinq novembre se dénombre ainsi :

        Cinq cents vaches laitières ou de travail ;

        Quarante-cinq génisses ;

        Trente-cinq bœufs de labour ;

        Quatre taureaux.

L'espèce chevaline, d'après le dernier tableau de recensement comprend :

        Quarante-huit juments poulinières ;

        En outre, il y a une mule au moulin de Ceroux.

Sur ce nombre, la commission de l'armée a classé :

        Huit juments ;

        Une mule.

On compte :

        Cent cinquante béliers ;

        Sept cent cinquante brebis ;

        Deux cents agneaux et agnelets ;

        Cent cinquante chèvres ;

        Un bouc ;

        Cent soixante-dix porcs à l'engrais ;

        Trente truies ;

        Deux verrats.

Chaque village possède un ou deux colombiers ; chaque maison, un poulailler. Les oiseaux aquatiques, oies et canards ne se montrent qu'à la Palle ou à Ceroux, rarement à l'intérieur de la commune où les mares sont rares et toujours sèches l'été.

Chapitre IX 

Sylviculture

Les taillis et forêts produisent en excès le combustible, le bois de charpente et de menuiserie. Le chêne, le hêtre, le frêne, le châtaignier, le noyer, le saule, le peuplier, le bouleau sont utilisés à cet effet et alimentent les foyers, les ateliers, non seulement de la commune, mais de Massiac, Blesle et Brioude.

Les bois occupent la surface de trois cent quatre-vingt-dix hectares et se développent en une zone qui enserre la commune de tous côtés pour s'ouvrir au midi par une trouée de deux kilomètres sur La Chapelle-Laurent.

La zone s'élargit et se rétrécit, empiétant plus ou moins sur les terres des communes limitrophes. Chacune de ses sections a un nom propre. La plus grande, l'immense forêt druidique de Bouchaud est à essence de chêne, mais les hêtres et les pains sylvestres se groupent en divers lieux pour occuper de vastes espaces. Le frêne, le saule, l'aulne, le peuplier se dessinent en lignes bordant les ruisselets des bas-fonds.

Les bois de Daü, de la Combe-Noire, le Bois-Grand, ceux de Violette et de Beaufoy portent les mêmes essences.

On rencontre du bouleau à Garnigoule, à Rouges, à Lafage. M. Forqueray implanta à Malpeyre le mélèze et l'épicéa dont les tiges s'élèvent en touffes imposantes formant nuances parmi les arbres indigènes.

Ainsi le ligneux serait un facteur important de richesse si son exploitation était facile et s'il était moins éloigné des bonnes voies vicinales, mais le plus souvent, il est à peine abordable à cause des accidents de terrain, dépérit et meurt pour se convertir en tourbe, sans profit pour l'industrie et le chauffage.

Il n'est pas cher, le bois, à Lubilhac : pour cinq francs vous pouvez choisir un chêne d'un demi-mètre cube. La difficulté est de le prendre et le voiturer jusqu'au chemin d'intérêt commun.

Certains négociants achètent sur place à un prix forcément dérisoire, prix qui deviendrait rémunérateur s'il existait des chemins d'exploitation praticables. Et à ce sujet l'on se demande pourquoi le chemin de Massiac, objet de tant de vœux présents et à venir, continue à rester à l'état de projet !

Les propriétaires retirent des bois le combustible, la boiserie, et la menuiserie de leurs demeures.

A cet effet des ouvriers scieurs de long, venant du Gévaudan, de la Chaise-Dieu, débitaient les arbres en plateaux, planches, panneaux, poutres, chevrons, madriers. Ce soin actuellement incombe à Cornet Pierre, de Vernières qui possède une scie circulaire mue par une locomobile.

Le combustible marchand est dirigé sur Brioude et se vend non au poids ou au volume, mais à la capacité du char que l'on peut évaluer à un mètre cube et demi ; son prix sur le marché de la ville varie de quarante à soixante francs ; et ce prix à l'époque de cherté de vie que nous parcourons ne paraît pas encourageant au vendeur puisque rarement il se livre à ce genre d'opération.

Bompard Etienne et d'autres avant lui pour tourner la difficulté du transport en allégeant le poids, transformaient le bois en charbon ; lequel par sacs de cinquante kilogrammes à dos d'âne ou au moyen d'une charrette rudimentaire, allait chauffer le citadin au prix de soixante francs le quintal.

Avec Bompard s'éteignit définitivement la meule que l'on voyait fumer dans la solitude de la Combe-Noire.

Chapitre X 

Arboriculture

L'arboriculture est suffisamment développée dans une contrée où les arbres fruitiers trouvent un terrain et une température favorables, c'est-à-dire dans la partie nord du territoire. On cultive le noyer, le châtaignier, les diverses espèces de pommiers, de poiriers, de pruniers, le cognassier et le cerisier.

Seules la noix et la pomme sont l'objet d'un commerce lucratif. Les habitants gardent pour leur consommation les autres fruits en totalité. L'excédent des pommes dans les années heureuses est utilisé à la fabrication du cidre.

Personne n'ignore que le vieil Etienne Chargebœuf mort il y a quelques années fut le fondé de pouvoir de Pomone pour doter la commune de ses arbres fruitiers. Spécialiste dans l'art, il planta et greffa dans ses propriétés d'abord, puis dans celles de ses voisins et amis. Les plants se multiplièrent, envahirent le territoire et constituèrent des vergers d'un bon rapport.

Chapitre XI 

Viticulture

"Le pampre dont les soldats de Probus[2] enrichirent nos coteaux" enrichit Lubilhac ou plutôt la partie basse de son territoire, celle dont l'altitude n'excède pas huit cents mètres, limite de sa culture dans nos climats.

Lubilhac, Vernières, les Martres devinrent des endroits vignobles et les flancs de leurs coteaux à bonne exposition se couvrirent de vignes qui ont produit un excellent petit vin très recherché des montagnards cantaliens, lesquels n'attendaient pas la fin de la vendange pour venir aux cuves remplir leurs demi-muids. C'était le bon vieux temps. Le vin coulait en quantité sur la table champêtre, dans les fêtes, les réunions de travailleurs en commun, vendange, battage des grains, prestations, corvées diverses.

Ah ! Comme il donnait le bon vin qu'on buvait, du nerf aux muscles et de la joie au cœur !

L'adage latin, né des saintes Ecritures "Bonum vinum laetificat cor hominum" a bien raison de le dire : le bon vin réjouit le cœur de l'homme.

Ce temps ne devait pas durer. Depuis 1896 le phylloxera avait fait son apparition à Aurec dans la Haute-Loire et avait successivement ravagé les vignobles voisins. La Limagne fut envahie à son tour par le redoutable fléau. Le canton de Blesle fut l'un des derniers atteints, mais l'atteinte fut foudroyante : toutes les vignes périrent presque simultanément, 1895.

Celles de Lubilhac résistèrent encore, si bien que nous crûmes un instant que leur élévation les mettait à l'abri de tout danger. Vain espoir, l'invasion fut signalée en 1905 : deux ans après, plus aucun cep n'était resté debout. Comme ailleurs, on a tenté de reconstituer l'ancien vignoble en repiquant des plants américains directs, invulnérables ; mais le vin étant de qualité inférieure, on leur a substitué des plants américains greffés avec des bourgeons français.

Ceux-ci, tout en offrant la même résistance, produisent de bons raisins. Souhaitons que les efforts dirigés dans ce sens soient couronnés par le succès, et que la précieuse boisson, vrai foyer d'énergie, devienne abondante comme par le passé.

Chapitre XII 

Apiculture

L'abeille, ce merveilleux insecte hyménoptère qui nous donne le miel dont raffolent les enfants et qui fut jusqu'aux temps modernes utilisé à sucrer les boissons, à fabriquer les confitures en l'absence du sucre de canne non encore découvert, est aussi l'hôtesse de notre pays. On sait qu'elle vit en société, en colonies.

Chaque colonie d'abeilles domestiques occupe une caisse carrée ou cylindrique en bois, en osier appelée ruche.

Dans chaque village un certain nombre d'habitants possèdent des ruches. Le miel qu'ils en retirent est savoureux et aromatique provenant de la cueillette opérée par l'insecte sur la flore riche et variée d'un pays de montagne. Les bénéfices à en réaliser seraient avantageux si cette branche de la richesse paysanne n'était pas négligée quelque peu. Le cultivateur engagé à fond ailleurs ne peut en effet consacrer qu'un temps très restreint à l'entretien du rucher. Celui-ci, placé autant que possible à bonne exposition, est le plus souvent à peine abrité du vent, de la pluie, de la neige et évolue au petit bonheur. Les jeunes essaims prennent le vol librement en pure perte pour le maître qui ne les surveille pas et qui d'ailleurs ne cherche ou n'a jamais cherché à s'instruire dans l'art de l'apiculture. Il agit toujours selon la routine ou la coutume qui lui permettent de retirer exactement des abeilles les mêmes profits qu'en retiraient ses ancêtres, sans se préoccuper des progrès à réaliser par la pratique des méthodes nouvelles pour obtenir de meilleurs produits.

Chapitre XIII 

La Faune

La faune ne diffère pas sensiblement de celle des autres régions du Plateau Central. Cependant on peut dire qu'elle est riche, parce que défendue dans des abris souvent inexpugnables, elle résiste avec succès aux ardentes attaques des disciples de Saint-Hubert.

Le renard, "fameux par ses ruses" se réfugie dans les vieilles galeries de mine ou établit son terrier dans des rochers inabordables pour delà visiter les poulaillers et y prélever un onéreux tribut.

Le blaireau suit ses traces et s'attaque spécialement au miel des ruches. Le sanglier a commis d'énormes dégâts. Durant la guerre où sa multiplicité le poussait dans les villages en plein jour. Malgré l'hécatombe qu'on a faite depuis, il infeste encore nos champs et nos prairies.

Le lièvre est toujours commun en dépit des dangers que lui font courir ses implacables ennemis.

Le lapin de garenne qu'on voyait autrefois a définitivement disparu.

Le hérisson se rencontre dans les tertres, les haies, les bruyères. On lui donne ordinairement la mort bien qu'à tort ou à droit il soit rangé parmi les animaux utiles comme insectivore. Les naturalistes et les écrivains qui s'en occupent ne sont pas d'accord sur son genre de vie et ses mœurs. Cela n'a rien d'étonnant quand on considère les difficultés inouïes que l'on rencontre à le suivre la nuit à travers ses pérégrinations. Les uns recommandent de le protéger parce qu'il vit d'insectes et même de vipères ; d'autres affirment qu'il est surtout carnivore et s'attaque aux poussins des poules et des perdrix, aux oiseaux nichant à terre.

L'écureuil, "ce joli petit animal qui n'est qu'à demi sauvage et qui, par sa légèreté, son élégance, l'innocence même de ses mœurs mériterait d'être épargné" selon Buffon, se multiplia pendant que le canon tonnait à la frontière. La convention de Spa lui fut funeste. Nos combattants rentrés dans leurs foyers ne perdirent pas sitôt l'habitude d'épauler, de faire le coup de feu : la gent cynégétique en supporta les frais. L'écureuil est maintenant tellement rare qu'il faudrait parcourir les bois de Bouchaud pour en trouver un seul.

La taupe insectivore souterrain, malheureusement trop fréquent, couvre de petits dômes terreux la verdure et les prés, déchausse les plantes des jardins. On la détruit au moyen du fer et du poison.

Le rat, le campagnol, la souris commettent en tous lieux des dégâts.

Le lérot habite les bois et y détruit quantité de nids de pigeons, de tourterelles, de petits oiseaux en suçant le contenu des œufs.

Les petits carnassiers du genre martre, fouine, putois, belette se montrent ça-et-là, surtout durant la neige qui reproduit imprimées leurs élégantes petites pattes.

Mais la terre de Lubilhac est le séjour de prédilection de la vipère. On l'y trouve dans tous les recoins, dans les villages, les maisons mêmes.

La couleuvre et l'orvet sont plutôt rares à cause sans doute du voisinage de la première qui les tue de sa dent venimeuse.

Les lézards verts et gris s'observent aux abords des bosquets, des buissons, dans la bruyère, sur les rochers.

Les batraciens, grenouilles, crapauds, salamandres, ne sont pas très communs, par la rareté des mares et l'état sec des terres.

Parmi les mollusques, l'escargot des vignes était abondant naguère, négligé qu'il était des consommateurs indigènes et se trouvant trop éloigné des villes pour être cueilli par les amateurs de bonne chère. Il n'en est pas de même actuellement : les moyens de locomotion s'étant perfectionnés, les chasseurs d'escargots parcourent partout le pays à sa recherche.

Nous ne dirons rien des insectes et des autres animaux inférieurs : il nous faudrait tout un traité d'entomologie. Nous renvoyons le lecteur aux ouvrages spéciaux, à l'un d'eux surtout : "Essai sur l'entomologie de l'Auvergne" de M. Fauvel.

Parmi les habitants de l'air dont le nombre va décroissant par la faute des armes qui se sont accrues perfectionnées outre mesure, nous avons à noter le milan des serpents, grand rapace plus fort que la buse, lequel se nourrit exclusivement de reptiles.

La buse, appelée improprement "aigle" tout aussi précieuse que le précédent par l'énorme consommation qu'elle fait de rats et de serpents.

L'autour et le faucon, moins volumineux que la buse, grands destructeurs de nos colombiers et de nos basse-cours.

L'épervier et son petit frère l'émerillon si nuisibles par la chasse incessante qu'ils font aux oiseaux utiles.

Toute la série des oiseaux de nuit : grand-duc, hibou, chouette, chevêche, scops.

Le ramier, la tourterelle, la corneille, le torcol, le pic épeiche, le pivert, le pic-noir, la pie, le merle, la grive draine, la mauviette, le pinson, le bouvreuil, les mésanges, le chardonneret, les fauvettes, tous les insectivores, tous les granivores peuplent les bois, les taillis, les forêts, les haies, les jardins les champs, les vergers.

La perdrix rouge, la grise malgré la guerre sans trêve qui leur est faite sont encore assez nombreuses pour exciter la convoitise des nemrods du pays.

Chapitre XIV 

La Flore

Les variations climatologiques sur un territoire à élévations et à dépressions nombreuses, offrant tantôt un paysage de la Haute Auvergne, tantôt une plaine de la Basse-Auvergne, ont invité la déesse Flore à doter nos parages d'un nombre considérable de fleurs que nous ne saurions décrire.

L'une des premières apparitions n'attend pas la fonte des dernières neiges pour étaler à nos yeux parmi les gazons et les pelouses sa modeste simplicité : c'est la pâquerette ou petite marguerite.

Avec elle sont nés les divers genres de potentilles argentant ou jaunissant les bords des chemins et le pourtour des rochers, la primevère officinale "fleur de coucou", la saxifrage granulée, les violettes, le bouton d'or, la cardamine des prés.

L'anémone des bois avec ses pétales rases, la pulmonaire avec sa corolle en tube bleu-rosé inondant bientôt les forêts.

L'anémone pulsatile avec sa fleur veloutée couvre les pâturages secs d'un manteau pourpre du plus bel effet.

Le narcisse paraît à son tour sur les prés en une nappe uniforme blanc de neige et répand dans les airs son suave parfum.

Les graminées fleurissent également pour livrer à la ferme une récolte abondante ; et, parmi elles, s'élève pour les aromatiser la flouve odorante.

Les ombellifères à tête blanche surgissent de toutes parts. La grande berce, la "coucude" comme disent les faucheurs les domine par sa taille. Plante nuisible, rejetée des herbivores et qu'on ne saurait trop détruire en l'arrachant au début de la floraison.

L'arum maculatum, le "gouet", l'ancolie à fleur bleue, le sceau-de-salomon, la benoîte "herbe bénite", la sauge des prés environnent les bords humides des bois, des haies et s'étendent dans les prairies.

La chélidoine, "l'herbe aux verrues", plonge ses racines dans les vieux murs et les décombres leur donnant un ton de mélancolie qui les fait admirer.

Viennent ensuite les orchis aux multiples espèces, aux fleurs séduisantes de beauté et de parfums, colorant de mille couleurs les vaines et les pâtures, tandis que le bluet, le coquelicot, l'indésirable nielle teintent les moissons de bleu, de rouge, de rosé.

Le bouillon blanc, le "diafarnou", implante sa haute tige dans les lieux arides, sur les bords des chemins, offrant aux campagnards un produit médical dont la renommée fait la seule valeur.

La mélisse à grandes fleurs roses et odorantes, l'arnica aromatique, la valériane aimée des chats ornent partout les bois et font la joie des pâtres et pastourelles qui les cueillent pour enrichir l'officine des pharmacies voisines.

L'œillet des poètes, le parnassia, les gentianes jaunes et bleues jettent un dernier éclat floral vers la fin de l'été, et le colchique d'automne atteignant la chute des premières neiges termine la série des belles fleurs que l'on a vues durant la bonne saison.



 

 

 

 

 

 

PARTIE II  

 

 

 

La population et sa vie


Chapitre I 

Population de la commune
d'
après les recensements de :

Village

 1876

1921

Lubilhac

48 habitants

41 habitants

Les Martres

81

54

Vernières

76

55

Gliseneuve

54

35

Sauvagny

44

24

Tany

43

20

Lafage

40

27

Laversanne

40

11

Malpeyre

38

21

Garnigoule

34

23

Cistrière

23

29

Le Fraisse

23

12

Les Granges

22

9

Ceroux

17

9

La Palle

14

5

Baraque de Gliseneuve

13

22

Lachaud

11

4

Rouges

10

5

Montmège

4

3

Baraque de Vienzelles

3

3

Le Mercœur

3

4

Baraque de Treize-Vents

2

Jointe à Lubilhac

Le Monteil

2

2

TOTAUX

645 habitants

434 habitants

D'après ce tableau, la population a diminué d'un tiers environ durant l'espace de quarante-cinq ans.

Le recensement de 1926 opéré par M. Tufféry a donné le chiffre : 384 habitants.

Chapitre II 

Linguistique, qualités physiques, caractère et mœurs

La population a son caractère et ses qualités spécifiques qui tout en se rapprochant de ceux de ses voisines s'en différencient sensiblement, comme du reste son langage qui n'est point celui de Saint-Beauzire, de La Chapelle-Laurent et d'ailleurs. Qui n'a observé que le patois varie d'une commune à l'autre et n'est plus le même entre deux villages voisins ?

C'est à peu de choses près le dialecte de la Limagne avec son accent et ses liaisons élégantes, un mélange de celte, de latin, avec du goth et du mauresque, vestiges des invasions des quatrième, cinquième et huitième siècles.

On peut évaluer à un mètre soixante-six centimètres la taille moyenne des hommes qui sont en outre robustes et endurants. Ils sont blonds, châtains ou bruns. Dans notre classe, les blonds allaient presque à la moitié de l'effectif. Quelques anthropologistes ont cru voir dans ce phénomène physiologique l'influence des hommes du nord de la grande invasion des quatrième, cinquième et sixième siècles produite par le mélange des blonds Germains avec les bruns Gallo-Romains. Ils se trompent : on trouve dans la Haute-Auvergne des climats analogues à ceux de l'Allemagne du nord et même de la Scandinavie, c'est-à-dire à hommes blonds. D'ailleurs ces prétendus descendants des Normands "hommes du Nord" auraient vu s'effacer leurs qualités physiques dans l'océan de la race auvergnate : il ne resterait rien de l'antique couleur si l'élément générateur n'avait sa source dans le pays lui-même dont la climatologie peut favoriser toutes les chevelures exceptées le noir africain et le jaune asiatique.

Les Lubilhacois ont fourni de tout temps de beaux soldats à l'armée, sobres et travailleurs, ce sont généralement des agriculteurs de mérite.

Le climat salubre de leur habitat, la bonne alimentation leur donnent vigueur et santé. Aussi ne connaissent-ils point la tuberculose, le rachitisme, les névroses et autres tares constitutionnelles qui ne s'observent que trop fréquemment ailleurs.

Ils sont sociables, hospitaliers et ne manquent pas de générosité.

La liberté est une passion. Ils ont accepté avec enthousiasme les idées nouvelles, la démocratie. La légende leur sonne encore à l'oreille le "Pan ! Pan ! Rainette" au temps du château de Vernières où ils étaient dans le servage.

Respectueux des lois et de l'autorité, observateurs de leurs devoirs civiques et patriotiques, ils s'acquittent à point nommé de leurs impôts.

Quelque peu susceptibles entre eux, la "hideuse chicane" les a souvent appelés à ce prétoire de Blesle où ont sombré toujours leur argent et l'amour du prochain. Il est vrai, à leur louange, qu'on ne plaide plus à Lubilhac, ou presque plus. C'est l'heureux résultat de l'instruction et de l'éducation moderne.

Ils aiment leurs fonctionnaires pour peu que ceux-ci soient bons à leur égard et ne s'occupent point de leurs affaires.

Les enfants sont assez bien doués comme naturel et intelligence ; beaucoup quittent l'école avec le certificat d'études primaires ; mais ils ne chantent pas et les meilleures leçons de chant n'ont pas amené l'un d'eux à monter la gamme, remarque faite par nous et nos collègues. Ceci dit pour les garçons seulement : les fillettes ont de la voix et M. Chassignard, prêtre de valeur, a pu former un chœur de chanteuses qui s'acquittent à merveille de leur tâche durant les exercices religieux.

La statistique des écoles d'autre part a enregistré le fait que depuis des années pas un élève ne quitte sans posséder une instruction suffisante : on ne compte désormais plus aucun illettré dans la commune.

Ils seront agriculteurs s'ils ne sont pas sollicités par ce goût inné du Cantalien de courir le pays à l'aventure.

Autrefois, ils partaient comme ferblantiers, ramoneurs, portefaix, rétameurs, selon ce que nous avons vu dans le registre des passe-ports au temps de Napoléon, la Restauration et règnes suivants. A ces époques les fils étaient nombreux et la fuite de quelques-uns n'influençait en rien l'état économique du pays.

Aujourd'hui plus que jamais ils sont hantés par l'idée des aventures heureuses. Paris surtout les attire, où ils seront serviteurs dans les hôpitaux, croque-morts, portefaix, menuisiers, charpentiers, colporteurs, boutiquiers, taverniers. L'absence de tous ces bras perdus pour l'agriculture a comme répercussion un malaise inexprimable dans la culture : les champs sont insuffisamment travaillés ou restent en friche ; les pacages se couvrent d'arbrisseaux, le cheptel diminue, le paysan se plaint, la commune voit tomber à trois cent quatre-vingt-quatre le nombre de ses habitants : toutes constatations pénibles à faire.

A quoi attribuer l'origine du mal ?

Elle a sa source dans les progrès de la civilisation, dans l'instruction diffusée jusqu'aux hameaux les plus reculés (ce n'est pas un paradoxe). Le laboureur maintenant pense, regarde, médite et détache les yeux de la terre pour les fixer sur des objets qu'il croit supérieurs, les emplois, les places, la ville : "la terre est ingrate, dit-il, j'en détournerai mon fils qui possède le certificat d'études, est instruit. Pourquoi ne porterait-il pas pardessus et gibus lui aussi ?"

La loi militaire en appelant tous les jeunes gens à la cité où ils contractent des habitudes, des goûts nouveaux, où ils ne voient les objets et les choses que par leur beau côté, est la principale cause du dépeuplement de nos campagnes.

Et à ce point de vue la guerre a eu pour résultat la passion de l'exode vers la ville poussée jusqu'au paroxysme. Les mutilés, les veuves de guerre ont obtenu des bureaux de tabac, des emplois dans les services administratifs. Le gouvernement lui-même qui s'est effrayé du mouvement anti-rural n'a-t-il pas commis des fautes pour l'encourager ?

Les pupilles de la nation, outre les allocations, les secours en argent que justement ils ont obtenus, sont admis gratuitement dans la plupart des établissements scolaires où ils s'instruiront en vue d'exercer telle ou telle profession. Du coup ils ont profité de cet avantage pour dire adieu aux champs.

L'Etat eût été plus sage de les favoriser autrement, par des dons de machines agricoles, d'outils, de cheptel, de propriété même.

Chapitre III 

Situation économique

Il n'y a pour ainsi dire point de riches, mais aussi pas de pauvres. La terre n'est pas divisée en parts égales : chacun cependant en possède sa portion. Ce sont en conséquence des domaines de peu d'étendue si l'on excepte ceux des Rouges, Fraisse, Malpeyre, et un petit nombre d'autres. Leur valeur se chiffre par leur cheptel : ceux de cinq et six bovins sont les plus nombreux et représentent la moyenne en importance des biens de tous les propriétaires.

Les produits, ainsi que nous le énumérons au chapitre "agriculture" sont les céréales, l'élevage, des veaux pour la boucherie, des poulains pour l'exportation, la volaille, le laitage, les porcs etc.

La cherté de vie née de la guerre et se raffermissant sans cesse a donné aux produits de la ferme un coefficient de majoration qui a rempli de papier monnaie les caisses paysannes sans parler de la réserve or et argent que renfermaient préalablement celles-ci. De ce fait le propriétaire en travaillant son bien-fonds sans surmenage jouit d'une aisance enviable.

Libre, indépendant, bien logé, bien nourri, il se plaint du trop de labeur qui l'accable, de la pénurie de main d'œuvre alors que les enfants se font rares ou le quittent, que les ouvriers vont dans les centres industriels goûter un peu des douceurs de la loi de huit heures[3]. Il blâme l'impôt foncier, la cherté des outils et machines agricoles, des choses à se procurer pour les besoins de la vie.

Cependant a-t-il été favorisé en matière d'impôts au moment où le fisc s'est vu contraint de prendre presque des mesures de salut public pour sauver le crédit national. Quant aux achats qu'il fait pour son entretien et celui de son patrimoine, ils sont suffisamment espacés pour que son budget n'ait pas à souffrir.

Un coup d'œil rapide sur les prix actuels comparés aux anciens permet d'expliquer l'accroissement de richesse paysanne : avant le veau faisait de quatorze à dix-sept sous la livre ; les jolis poulains trois et cinq cents francs ; le beurre, un franc, un franc vingt centimes la livre ; les œufs, douze et quinze sous la douzaine en été, vingt sous l'hiver. A la foire de novembre mille neuf cent vingt-six à Brioude, le veau se vendait quatre francs la livre, un beau poulain deux mille cinq cents francs ; les œufs, dix francs la douzaine ; le beurre dix francs la livre ; les porcs gras, quatre francs la livre au lieu de douze sous en 1913.

La vente des poulains avait fléchi un peu sur les années précédentes, ce qui faisait pousser les hauts cris à certains producteurs. A l'un d'eux nous avons entendu dire : "C'est ce vilain Poincaré qui a fait baisser les prix. Ses fièvres quartaines !".

Et celui-ci disait tout haut ce que les autres pensent tout bas, ignorant que s'il recevait moins, son argent avait plus de valeur, tant il est vrai que la saine raison n'est pas toujours l'apanage de nos gens de campagnes pas plus que des citadins encore.


Chapitre IV 

Maison rurale classique

Une construction rectangulaire en pierres de basalte, granit, gneiss et mortier de chaux, surtout d'argile, recouverte d'un toit à deux pentes avec dalles appelées "loses" : telle est la maison rurale classique.

A droite l'habitation ; à gauche l'étable, la bergerie, la porcherie, les chèvres, le cheval, le poulailler ; la grange est au premier où l'on arrive par une rampe extérieure ou "montoir".

I - Façade de la maison rurale classique

 

L'habitation, au rez-de-chaussée, comprend le cuvage, la cave rarement voûtée, mais protégée contre les variations de température par un amoncellement extérieur de terre adossé au mur, côté nord.

Le premier étage, auquel on accède par un perron en pierre dont les marches sont perpendiculaires à la façade, se compose de la cuisine et d'une chambre, rarement deux.

Au haut du perron, devant la porte d'entrée est un palier, une plate-forme nommée "aître" faite d'une grande dalle et servant comme place de repos aux vieillards et aux enfants. Elle est bordée d'un parapet qui se prolonge jusqu'au sol en protégeant l'escalier.

La cuisine renferme la massive table de hêtre avec son grand tiroir à pain.

II - Deuxième étage

 

Deux bancs en chêne servent de sièges pour le repas. Le vaste foyer occupe une portion du mur extrême. Les bûches sont supportées par les deux landiers[4] en fer forgé, formés d'une tige carrée pliée à angle droit. La partie horizontale porte quatre pieds. La verticale se termine à cinquante centimètres par un encorbellement en forme de calotte renversée où le vieux place son écuelle pour maintenir la soupe chaude.

Le manteau ou tablier de la cheminée montre un crucifix, une statuette de la Vierge, une lanterne, une lampe, des chandeliers et le mortier à sel.

Non loin de l'âtre est la caisse du sel qui sert de banc pour se chauffer.

La vieille horloge noircie, à poids dresse sa caisse dans un coin de la pièce.

Un placard ménagé dans l'épaisseur du mur renferme la vaisselle.

Un lit à alcôve, quelquefois deux, sont placés aux angles les plus commodes.

La cuisine communique par une porte avec la chambre à coucher qui renferme deux, trois lits, l'armoire à linge, l'escalier du grenier et est en même temps le siège du charnier où l'on voit se balancer aux poutres du plafond des jambons, des saucissons, des quartiers de lard et la vessie gonflée en ballon du dernier porc abattu.

Le second étage est une seule pièce, le grenier, qui renferme le blé, le seigle, l'orge et l'avoine.

La cour et la basse-cour se confondent au-devant du bâtiment. Il y a un emplacement pour le hangar à parois de rondins, debout, entrelacés de branchages, lequel réclame les instruments d'intérieur et d'extérieur de ferme : chars, tombereaux, civière, charrue, bêche, pioche, serfouette.

Le fumier s'étale non loin en tas volumineux en pure perte au point de vue de l'hygiène et de ses qualités fertilisantes, avant d'être charrié aux champs.

Rarement un puits avec ou sans pompe fournit l'eau potable : la fermière s'approvisionne à la fontaine publique qui alimente l'auge à abreuver les animaux, communément appelée "bac".

La volaille prend ses ébats dans cette cour, libre d'aller picorer sur le communal, dans les champs et les jardins. Les pondeuses et les couveuses ont leurs nids disséminés dans les parois de l'étable où sont ménagés des alvéoles pour les recevoir.

III - Façade de la maison rurale moderne

 

 

Chapitre V 

L'habitation moderne

Depuis un demi-siècle environ, les nouvelles constructions sont érigées d'après un plan qui ne varie guère d'un propriétaire à l'autre et qui comporte le bâtiment rural proprement dit, c'est à dire l'étable et la grange, et la demeure de la famille.

Le premier diffère peu de l'ancien ou n'en diffère point du tout. Les modifications, le progrès portent sur le second, la demeure, une maison carrée ou rectangulaire mesurant dix mètres de long et huit en profondeur habituellement attenante au premier, avec deux étages, toit à quatre pentes. Le toit recouvert en ardoise ou en tuiles plates, est formé à l'avant et à l'arrière de deux trapèzes isocèles s'unissant par leur petite base pour faire un faîte de l'arbalétrier, et de deux triangles isocèles sur les côtés dont les sommets portent deux poinçons, sortes de cônes renflés en leur milieu, en terre cuite.

Les chenaux en zinc recueillent l'eau pour la diriger au pied du bâtiment par un tuyau à chaque angle.

La façade présente la porte d'entrée, deux croisées au rez-de-chaussée, trois croisées au premier, trois croisillons au second.

A l'intérieur, au rez-de-chaussée, sont la cuisine, l'escalier, la salle à manger, l'office, la fromagerie, le pétrin. La cave à côté se confond avec le cellier.

L'escalier mène aux premier et second étage : trois chambres à coucher et le charnier au premier ; une seule pièce, le grenier, au second, placée immédiatement sous le toit.

L'ameublement est l'objet de beaucoup de soin : une commode en frêne ou en noyer orne la cuisine et renferme la vaisselle ; une horloge marque les heures ; le foyer est occupé par une cuisinière ou un fourneau ; une table rectangulaire en bois de hêtre, flanquée de chaises confortables, offre toutes commodités pour les repas ordinaires.

La salle à manger possède une table ronde, un buffet noyer exécuté avec toutes les perfections de l'art moderne ; le tablier de la cheminée porte quelques vases à fleurs ou des statuettes.

Les chambres à coucher sont éclairées et aérées par des croisées de dimension ; les lits noyer ne sont plus renfermés dans des alcôves insalubres ; ils sont espacés et même isolés quand le nombre des chambres le permet.

En visitant les divers meubles d'un intérieur rural, on est frappé de leur savante et artistique exécution, de l'uniformité et de la ressemblance dans les formes, du cachet spécial qui les caractérise. C'est qu'ils sont dus à l'habileté d'un menuisier émérite, Cornet Arthur, de Vernières qui, sa vie entière, (il a aujourd'hui soixante et onze ans) a mis toutes ses qualités de bon ouvrier au service de ses concitoyens, se contentant d'un modique salaire et dédaignant la cité où il aurait pu autrement bénéficier de ses capacités de travail. Mais il est resté dans sa commune qu'il a enrichie de mille produits aussi solides que brillamment réussis.


I - Rez-de-chaussée

II - Premier étage

III - Grenier

 

La façade de la maison, sauf quelques exceptions est tournée au levant, exposition commandée par l'hygiène.

La cour et la basse-cour sont parfois closes d'un mur avec portail d'entrée.

Le jardin potager entoure une partie des bâtiments.

Un hangar en maçonnerie isolé ou adossé au côté nord de la demeure abrite la moissonneuse, la faucheuse, l'extirpateur, les chars et toute la série du matériel agricole.

Le four à cuire le pain se dresse en un coin de la cour.

Le puits muni d'une pompe fournit l'eau potable et celle des abreuvoirs procurant ainsi une grande économie de temps et de peine en dispensant d'aller s'approvisionner à la fontaine commune.

Une fosse recouverte, à parois étanches, reçoit les engrais et les met à l'abri de l'air et des rayons solaires.

Tout en définitive respire l'aisance et le progrès.

Chapitre VI 

Costume

Le costume local[5] n'existe plus et a fait place au costume national. L'habillement bourgeois et semi-bourgeois est descendu vers le paysan qui le revêt au moins le dimanche.

Les jours de travail il porte le pantalon de drap gris, la blouse bleue, le chapeau feutre ou la casquette à la mode et la chaussure séculaire qui seule s'est conservée sans modification. Nous parlons du sabot à bascule de la Limagne[6]. C'est qu'il est à peu près parfait pour la marche sans fatigue à travers les guérets : une pièce de bois taillée en forme de bac minuscule, de la grandeur du pied, lequel doit s'y loger et porter bien à plat. Le talon et la partie avant en contact avec le sol offrent chacun un bourrelet perpendiculaire à la ligne médiane protégé d'une plaque en fer nommée "plate" et autour duquel bascule le sabot dans la marche qui s'exécute ainsi sur deux axes. De la bonne disposition de ces derniers dépend le mouvement. Aussi tout l'art du sabotier tend-il à l'établir et faire du sabot un objet de réelle mécanique. Il se porte avec ou sans bride et l'ouverture est toujours recouverte d'une guêtre en gros drap gris.

L'habillement féminin est le moderne, cela va de soi, la demoiselle étant passionnément éprise des nouvelles modes, et elle conserve ses goûts même étant à la tête d'un ménage.

A notre arrivée dans le pays nous rencontrions quelques anciens au costume auvergnat : un pantalon en gros drap gris à "portière" c'est-à-dire présentant au-devant du bassin une pièce d'étoffe du même drap, la "braguette" qui s'attachait par un bouton aux extrémités des deux os iliaques et s'abaissait de haut en bas à la manière d'un pont-levis ; une veste de bure à col droit, pouvant se fermer au-devant par une rangée verticale de boutons et arrivant à la hauteur du bassin avec un rebord qui se recourbait à l'arrière en forme de "queue de morue" ; un gilet croisé ; une chemise de grossière toile blanche terminée au haut par un col mou fermé au moyen d'un bouton en argent ; un chapeau feutre à tête ronde et à larges ailes plates.

Enfin selon les cas, la chaussure à brodequins ou à sabots de la Limagne.

La toilette féminine était l'objet de soins minutieux. La robe recouvrait tout le corps et cachait la chaussure, des souliers bas sans tige ou des sabots à semelle de bois et à empeigne cuir dits : "galoches".

La robe en drap moyen de diverses couleurs, bleu, gris, noir comprenait la jupe et le corsage. Les épaules, le cou, le buste étaient ordinairement revêtus d'un châle en fine laine ou même en soie chez les riches, orné de dessins noirs sur fond orangé ou rose.

Le tablier en fil de lin, de coton ou de soie s'étendait au-devant de la jupe. La coiffe avec son magnifique ruban aux vives couleurs cachait la chevelure moins deux tresses qui émergeaient superbement de chaque côté depuis le milieu du front jusqu'au derrière des oreilles.

Quelques femmes, des anciennes surtout surmontaient la coiffe d'un chapeau en paille noire dont les ailes festonnées étaient garnies de dentelles en dessous et de fleurs artificielles au-dessus. Rétréci sur les côtés, il s'allongeait de l'avant à l'arrière et était légèrement cintré.

Les grandes boucles d'oreille ou les pendeloques, les tours de cou ou fines chaînes qui, du cou, descendaient sur la poitrine, l'anneau ou alliance du mariage, tous objets en or, composaient la parure de la mariée.

Les hommes portaient de petites boucles d'oreille en or, la montre et sa chaîne en argent.

I - Bon ménage

 

Chapitre VII 

Les repas – la table

        Au lever, l'ouvrier des champs boit une tasse de café ou un verre de vin en mangeant un morceau de fromage toujours très fait à saveur forte.

        A huit heures, le déjeuner : soupe avec tranches de pain, chou, carottes, pommes de terre, puis lard, jambon et vin pour boisson.

        A midi, soupe, lait avec pain émietté, tarte, fromage

        A quatre heures : friture de pommes de terre, petit salé, œufs, vin

        Au souper : soupe, lait au pain brisé, tarte.

Les fruits, pommes, poires, raisin sont consommés cuits. Réduits en pulpe, ils constituent la partie superficielle des tartes quand celle-ci n'est pas du caillé de lait ou de la crème. Le campagnard s'alimente avec une nourriture saine, hygiénique en rapport avec l'effort développé. De plus, le dimanche, il réalise le vœu du roi Henri en mettant "la poule au pot".

Chapitre VIII 

Une journée de batteuse

Quelques jours avant, les manœuvres, servants de la grande pièce, tous parents et amis, sont invités nombreux.

La veille et l'avant-veille on donne la main aux derniers préparatifs.

Le patron place les dernières gerbes sur l'énorme meule semblable au dôme d'une église, agence, nettoie, balaie l'aire où vont se dérouler les opérations.

La ménagère et ses suivantes portent au four le pain, les pâtés, les tartes et déploient la batterie de cuisine qui reluit et va recevoir les divers produits alimentaires.

Le lendemain, dès que brille l'aurore, le mécanicien allume son foyer : la pression monte, la vapeur fuit par les soupapes.

Les hommes sont arrivés, les rôles distribués, chacun est à son poste.

Un coup de sifflet et l'action commence.

Les gerbes s'engouffrent dans l'ouverture du batteur, les grains tombent dans l'auge du mesureur, la paille battue est rejetée à l'arrière, saisie par les botteleurs et transportée plus loin à former une nouvelle meule capable de résister aux intempéries de l'hiver ; les râteleurs ramassent les débris épars ; deux vigoureux garçons montent agilement au grenier les sacs de grain.

C'est l'heure : on déjeune sur place. Bon pain frais, pâtés, tarte, fromage et vin.

Les conversations commencent, quand résonne le "A son poste !", et le combat reprend avec la même ardeur, se continue jusqu'au dîner qui se prend dans la vaste cuisine, un dîner réparateur avec potage au bouillon de bœuf, jambon cuit, légumes divers, ragoût de veau, rôti de mouton, vin de choix et abondant.

Mais on n'est pas très longtemps à table. Le mécanicien, général en chef, court vers la machine qui jette son impérieux commandement : tout le monde se précipite, chacun reprend son rang pour ne plus le quitter jusqu'à extinction complète de la meule que l'on voyait si superbe le matin et qui n'offre plus qu'un tronc massif demandant encore un surcroît d'effort pour disparaître.

On l'attaque avec vigueur : tous donnent à plein force dans cette lutte pour la vie, excités par le souffle enivrant de la chaudière, le ronflement du cylindre, l'atmosphère de poussière qui les couvre de gris, la chaleur d'un soleil qu'aucun nuage ne voile.

Aussi les plaisanteries, les chants, les épithètes, les clameurs, les quolibets empreints de la plus franche cordialité s'élèvent ou éclatent de toute part.

Le volant tourne, tourne ; le travail avance, avance toujours.

Mais voici la gentille fillette avec sa cruche et son verre, élégamment vêtue : bien peignée, bien coiffée, jupe courte, tablier blanc et souliers plats. Elle s'avance discrètement vers chacun des combattants et l'invite à se désaltérer.

Elle fait le tour de la troupe et n'en oublie aucun. Et ce service aura lieu par trois fois dans la longue soirée.

Cependant le soleil descend à l'horizon. Il en touche la ligne quand la dernière gerbe a passé sous le cylindre. La machine s'éteint lentement dans le râle d'une agonie qui prend fin.

On respire avec satisfaction maintenant ; on va prendre un repos bien gagné à la table du soir, et Dieu sait si elle sera bien servie, vivante et animée. Le patron content et radieux va y remplir avec grâce le rôle d'échanson. Que peut-il souhaiter mieux ? La journée a été bonne , son grenier va suffire pour la consommation familiale, l'emblavure et la halle aux blés.

Chapitre IX 

Préjugés – Superstition

La lune intervient en agriculture, en horticulture, dans la coupe des bois, l'abattage des animaux, même la coupe des cheveux.

Cependant, une action sur notre planète doit se limiter à une attraction constante puisqu'elle conserve à peu près sa même distance.

Et ce n'est pas en nous montrant une portion plus ou moins grande de sa partie éclairée par le soleil que la végétation terrestre subit des variations ainsi que les actes physiologiques dans la nature animée.

L'expérience a démontré que la lumière renvoyée par elle n'a aucune influence sur le thermomètre le plus sensible.

Il est d'autres préjugés plus bizarres, grotesques et quelquefois regrettables : en respirant le souffle de la salamandre terrestre, le "soufflant" vous devez mourir. Vous perdrez une vache qui mange l'herbe où elle a passé.

La fermière s'aperçoit-elle que le lait qu'elle vient de traire est rouge : la belette, le "moustiaou" ou la vipère, la "bobe" l'a tétée.

Or la salamandre est inoffensive ; la belette, animal farouche, n'a garde de s'approcher d'un bovin, pas plus que la vipère qui, frôlée par lui, le piquera au museau, au poitrail ou à la jambe. Le lait rougi par la présence de corpuscules sanguins provient d'ulcération de la mamelle. Un préjugé aux conséquences funestes consiste à croire que certaines personnes ont le pouvoir occulte de "tirer le lait des vaches d'autrui", selon l'expression vulgaire, lequel viendrait dans leur laiterie faire du beurre et du fromage.

Nous pourrions citer deux ou trois villages ou cette erreur grossière est accréditée et où nous avons entendu dire : "Mon voisin n'a pas de lait et vend en quantité du beurre et du fromage ; j'en avais beaucoup, mes vaches ont tari ; il me tire mon lait".

A pareille assertion nous répondions : "Auriez-vous le pouvoir d'en faire autant ? – Non, répondait-il – Eh ! Bien, votre voisin ne l'a pas davantage".

Celui à qui était attribué ce maléfice était exposé à de terribles représailles qui ont parfois amené la justice à intervenir.

A côté du préjugé, il y a sa sœur la superstition :

Nous connaissons l'histoire du lieu de Gaffelaze rapportée par les anciens : un individu y fut trouvé sans vie un matin ; sa mort était le fait d'un monstre à trois pattes dont les empreintes étaient reproduites par la neige.

Au lieu de la Gazelle, on voyait la nuit au clair de lune un homme drapé dans un manteau gris, une "saie" qui promenait jusqu'à l'aurore : c'était un revenant, disait-on.

A la croix de "Tienne", vers minuit apparaissaient des flammes extraordinaires, mystérieuses sans que l'on pût expliquer autrement leur origine qu'en les attribuant à une puissance occulte, la puissance infernale.

Il y avait encore la croyance au drac, au lutin, à la chasse-volante, etc.

Chapitre X 

Adages, proverbes, dictons populaires

Les adages, proverbes et dictons populaires expriment sous une forme simple et concrète des vérités sur la conduite, la morale et le temps, consacrées par l'expérience. Nous en avons recueilli un certain nombre que nous reproduisons dans le langage local, laissant au lecteur le soin de les traduire et d'en saisir le sens :

"Païre que roule masse pas mousse."

"Taou que raït le vindre ploure le sate."

"Tout mouquaïre a prou affaïre."

"Daï diable vint la peï, daï diable torna l'agneï."

"Le bi das aoutres proufite guaïre."

"L'homme que trabaille prédze le buon Dieu."

"Se leva de buon matï et se coutza tard mènea à la raïtchesse."

"Bien mandza et bien trabailla ne fant pas tort in son mistre."

"Baïco de monde, baïco de trabaï, ma à la tare quo zi le diable."

"Quand las poule vaï trastsa le dzaï l'amour s'in vaï."

"Un bon dzaï ménao sept poules."

"Tant vaït la pouate à la fouant qu'à la fi se casse."

"De la saousse das aoutres fase couaïre mous pissous."

"Quaou vaut de pissous bottea la mo dien le ruissou."

"Vou dïeze m'in Piarre, que Dzaque n'in preïgne sao part."

"Le coura de Loubilla
Print sao canne vao veilla
Von craïya que le troubaïa ?
Tzé le paoure sé lli naya."

"Fant coumea louz tsats,
l'amour in se pigna."

"Le proumaï aï mouri, le proumaï ingraneo."

"Lous tsats ne fazont pas de rats."

"Leus efants dévont parla quand las poules pissont."

"Fadza de bï m'in Bartrand,
vous le rendrea in tchant."

"Lli vaze pas li bobacs lli tzantont."

"In homme sin barbae vaou pas innae marde."

"Las fïnnes, las tsabres, le diable, lous azes."

"Trop parla nuaï, trop gratta cuaï."

"L'arc-in-chaou le matï faït vira le mourri ; l'arc-in-chaou le serra fa¨t martza l'arrousouer."

"Quand le Paï-de-Doumea se couaïtse in son tzapaï se lèvae in son mantaï."

"Nuadzes soubre aï monts, travailleur à ta maison ; nuadzes dien la vallée, travailleur à ta journée."

"S'il fait beau prends ton manteau ; s'il pleut prends-le si tu veux."

"Mis court dzoguae le tour."

"Maïs faout que mars s'adze bien amar sé ne sort pas le greuseleït de l'hart."

"Le tienze d'abriaou le coucou tsante à fiaou."

"Pei patsä las graoulas à coua."

"Aï mis d'août la pleidze sort de darrier le bouaïssou."

"Quand pleüt à la Saint-Médar, pleüt qurante dzours plus tard."

"La lliune a sa couroune, quo zaï la neidzae ou la pleidzae."

"Li graïs s'assimblont vaï faïre mouvais timp."

"Le tsta se pigne, le timp se rechigne."

"Petiote pleidzae arrestae grand'aore."


Chapitre XI 

Chant populaire

Il n'est peut-être pas un pays où l'on chante moins qu'à Lubilhac. Les bois, les vallons, les champs n'ont pas de voix, le laboureur comme le berger restent muets. On n'entend point comme ailleurs moduler par un ex-soldat les sonneries du régiment, les notes du clairon. C'est un fait qui vient élucider ce qui a été dit à propos du chant à l'école primaire. Cependant durant les nuits de la Semaine Sainte on est maintes fois réveillé par une troupe de chanteurs qui entonnent en chœur le traditionnel "chant de la Passion", un morceau aussi naïf qu'imparfaitement exécuté avec le concours de violons ou d'accordéons.

Nous en reproduisons quelques couplets seulement, avec l'annotation musicale.

I - Chant de la Passion

Jésus s'en va par les pays

Pour y faire pénitence.

En son chemin a rencontré

Les trente Juifs ensemble.

 

A leurs chapeaux bien des rameaux,

Et à leurs mains des lances !

Saint-Pierre a dit à Saint-Jean :

"Les trahisons sont grandes !"

 

Et bon Jésus a répondu :

"Vous les verrez plus grandes !

Avant qu'il soit Vendredi Saint,

Vous verrez mon corps pendre !"

 

"Vous verrez mon corps pendu

Le long d'une croix grande,

Et vous verrez mes mains clouées

Et mes deux pieds ensemble !"

 

"Vous verrez mon chef couronné

D'épines fort piquantes.

Vous verrez mon côté percé

Par un grand coup de lance !"

 

"Vous verrez mon sang ruisseler

Tout le long de mes membres.

Vous verrez la terre trembler

Et les rochers se fendre !"

 

"Vous verrez la lune monter

Et le soleil descendre !"

La passion de Jésus-Christ

Est triste et bien dolente !

 

Cette mélopée champêtre chantée avec éclat dans le calme d'une nuit de printemps a pour effet d'impressionner religieusement les cœurs. On se lève : le père va jeter quelques sous dans l'escarcelle du trésorier, et la mère, placer quelques œufs frais dans le panier du coquetier de la troupe, l'obole à la religion, à la foi chrétienne !

Elle n'est cependant pas très profonde cette dernière et semble avoir faibli, du moins en apparence ; les hommes ne suivent plus guère les exercices religieux ; ils laissent ce soin à la femme et aux enfants qui, seuls, répondent exactement aux exhortations d'un jeune prêtre zélé et populaire[7]

Chapitre XII 

Autre chant populaire

La pastorale ci-après chantée par des bergères nous a paru assez charmante pour figurer dans ces pages.

I - La Pâquerette

 

1er couplet :

La-bas loin du hameau

J'ai vu la pâquerette

Cette fraîche coquette

Rêvait près du ruisseau.

 

Je ne puis taire

Qu'elle sait plaire (bis)

Pour moi je veux aimer toujours

La fleur qui charme les amours.

 

2e couplet :

Elle cherche les bois,

Les vallons, les prairies ;

Dans les plaines fleuries

Souvent je la revois.

Je ne puis taire, etc.

 

3e couplet :

Quand renaît le printemps

Avec un doux sourire

La belle vient prédire

Du bonheur aux amants.

Je ne puis taire, etc.

 

4e couplet :

Lorsque l'aimable fleur

Vous disant bien des choses

Tombe sous vos doigts roses,

Oh ! Plaignez son malheur.

Je ne puis taire, etc.



 

 

 

 

 

PARTIE III  

 

 

 

Partie historique et descriptive



Chapitre I 

Ecoles

L'établissement d'une école primaire dans la commune date de l'année 1852 par la nomination du premier instituteur communal, M. Darles.

Antérieurement l'enseignement aux enfants était donné par le curé au presbytère, puis par des filles, le plus souvent religieuses costumées appelées béates.

Les enfants apprenaient à lire, à écrire, à compter, récitaient le catéchisme, l'histoire sainte.

Les béates étaient peu instruites mais certaines, les dernières qui dirigèrent l'école libre de Lubilhac, étaient munies de la "lettre d'obédience". Aussi le curé avait-il cessé de prendre une part active à l'instruction de la jeunesse. Ses soins maintenant se bornaient à en contrôler les progrès.

Comme on le voit, l'école religieuse fut d'abord mixte ; elle devint école spéciale de Filles à l'arrivée du dit M. Darles qui prit, lui, la direction de l'école de Garçons.

Quelques hameaux importants possédaient une école de béate analogue à celle du chef-lieu. Vernières ferma la sienne le un octobre 1852 au profit de celle de Lubilhac située seulement à un kilomètre de distance.

Cette dernière continua à être dirigée par une religieuse jusqu'à la nomination au 28 avril 1880 de Melle Roussel pourvue du brevet de capacité.

Les institutrices qui ont exercé à Lubilhac sont, dans l'ordre chronologique :

 

1

Melle

Roussel

1880 - 1882

2

Melle

Plantin

1882 - 1883

3

Melle

Paroche

1883 - 1885

4

Mme

Giraud

1885 - 1887

5

Mme

Bresson

1887 - 1890

6

Mme

Jouishomme

1890 - 1911

7

Melle

Vignal

1911 - 1913

8

Melle

Dufraisse

1913 - 1922

9

Mme

Tufféry

1922 - 19??

I - La maison d'école de Filles

L'école de Filles comme l'école de Garçons a occupé successivement plusieurs locaux avant l'achat en 1900 de l'auberge Chargebœuf, une maison neuve mais ayant exigé bien des transformations pour devenir ce qu'elle est actuellement, c'est-à-dire une école convenable.

La classe bien disposée, bien éclairée occupe tout le rez-de-chaussée moins le couloir d'entrée qui donne accès en même temps à l'escalier. Le premier étage se compose d'une cuisine, d'une salle à manger, d'une chambre à coucher et d'un débarras. Le second comprend deux chambres à coucher. L'intérieur des murs est peint ou tapissé. Les murs à l'extérieur sont crépis au grain d'orge. Le toit est recouvert par des tuiles plates à marque "Perusson".

Elle est protégée contre les ouragans si fréquents de l'ouest par un corps de bâtiment attenant, avec garage où Madame l'institutrice remise sa voiture, et avec bûcher au-dessus renfermant le combustible. Contre le froid du nord elle est garantie par la remise Cornet-Magne. La façade regarde le levant, le profil de l'église située à quelques pas et la place publique.

Beau logement pour la maîtresse, bonne salle de classe pour les fillettes. Elle ne le cède en rien au point de vue avantages à l'école de garçons et à l'école mixte de Labaraque.

II - Ecole de Garçons

En 1852, le un octobre, M. Darles, avons-nous dit, fut envoyé comme instituteur communal, et par les soins de M. Granet Pierre maire, logé dans une méchante habitation dont les pièces n'avaient pour tout plafond que la toiture ouverte à tous les vents.

Le 15 mars 1853, Monsieur le Recteur de l'Académie de Haute-Loire[8] nommait M. Sibaud pour remplacer M. Darles.

Entre temps un local plus convenable avait été loué et possédait une salle de classe avec estrade, un bureau, trois tables à écrire, deux tableaux noirs. Quelques pièces formaient le logement personnel du maître. C'était à peine suffisant, mais c'était un progrès réel quand on songe qu'auparavant les tables étaient seulement prêtées par les habitants au détriment de leur propre cuisine.

Plus tard, on changea de local et un tel changement eut lieu si fréquemment que l'on n'exagère point en rappelant que l'école de garçons a occupé une partie successivement des maisons de Lubilhac jusqu'au jour où elle alla se fixer définitivement dans le bâtiment spécial construit à cet effet en 1856.

C'est un édifice modeste et convenable érigé avec art sur un magnifique belvédère en dehors et au couchant du village.

De forme rectangulaire, huit sur douze, avec jardin attenant, bien bâti, bien divisé, bien éclairé : il serait parfait sans l'exiguïté trop prononcée de la salle de classe à peine suffisante pour contenir un nombre moyen d'élèves.

Il est en même temps le siège de la mairie avec toutes les archives municipales, le lieu de toutes les réunions ayant pour objet les affaires publiques, les intérêts communaux, et se prête admirablement à ce genre de service. Depuis son édification aucuns travaux importants tendant à réparer les outrages des ans n'avaient été exécutés. Il en était résulté que les boiseries tombaient en vétusté moins par l'usure que sous l'action destructive des infiniment petits, des larves d'insectes xylophages ; les peintures, le crépissage, l'escalier, la toiture surtout demandaient un remaniement complet, des réparations urgentes qui ont eu lieu en leur temps.

La municipalité pleine de zèle et de bonne volonté n'a pas craint de consacrer à cette œuvre l'importante somme de vingt mille francs. La maison de ce fait a été remise à neuf et brille maintenant d'une splendeur qu'elle n'avait jamais connue.

Le matériel d'enseignement d'autre part si pauvre au début n'a fait que s'enrichir. Le ministère de l'instruction publique, depuis 1860 a gratifié l'école de plusieurs concessions : tableaux, cartes géographiques, volumes pour la création de la bibliothèque scolaire[9].

Les instituteurs qui depuis 1852 ont exercé sans interruption notable à Lubilhac sont :

1

M.

Darles

1852 octobre

1853 mars

2

M.

Sibaud

1853 mars

1858

3

M.

Brédoire

6 semaines

 

4

M.

Avinain

1858

1859

5

M.

Valiorgue

1859

1861

6

M.

Portalier

1861

1864

7

M.

Roure

1864

1866

8

M.

Sibaud (2éme période)

1866

1870

9

M.

Porte

3 mois

 

10

M.

Chapon

1870

1871

11

M.

Fournier

1871

1873

12

M.

Barthèlemy

1873

1875

13

M.

Sibaud (3éme période)

1875

1880

14

M.

Bard

1880

1882

15

M.

Menut

1882

1885

16

M.

Cornut

1885

1888

17

M.

Jouishomme

1888

1923

18

M.

Mazaud

6 mois

 

19

M.

Journet

4 mois

 

20

M.

Tufféry

1924 1er octobre

 

Chapitre II 

Le Maire

Le Maire, choisi et nommé à l'élection parmi les membres du Conseil, a toujours été le bon père généralement.

L'habitude de voir la joie, les plaisirs et les douleurs de ses administrés, tous ses enfants, l'a façonné aux vicissitudes de la vie.

Un peu froid, sympathique, sincère et bienveillant, il accueille paternellement les doléances et les plaintes, apaise les querelles, donne des conseils, s'occupe des travaux communaux, des chemins, des écoles, du presbytère, de l'église.

Il est né sous une bonne étoile, son caractère est des meilleurs. Simple et juste de nature, la dignité dont il est investi rehausse en lui la valeur morale, l'élève à ses yeux et lui donnera force de se maintenir à la hauteur de sa tâche dans les difficultés les plus insurmontables. Avant 1789, il était nommé par le roi ; l'Assemblée nationale décréta qu'il serait désigné par élection municipale. Le Consulat en rétablit la nomination par le pouvoir central. Il a été indiqué comment il est choisi aujourd'hui.

Les registres de l'état civil, quelques documents retrouvés parmi eux nous permettent de connaître le nom des maires à partir seulement de la déclaration de Vital Granet prêtre et maire, le 20 décembre 1789, reproduit plus loin. Mais il est de toute évidence, bien que rien ne l'atteste, que le curé était maire autrefois puisqu'il rédigeait et signait les actes de l'état civil. Quoi qu'il en soit le maire ou l'officier de l'état civil n'apparaît réellement qu'à la dite date du 20 décembre 1789.

I - Tableau des maires depuis 1789

1

1789

Granet Vital, prêtre

2

1794

Isabel Pierre

3

1801

Granet Louis

4

1813

Admiral Jean

5

1815

Bouschet François

6

1826

Admiral Jean (2ème période)

7

1840

Chazelle Jean

8

1845

Granet Pierre

9

1852

Brugerolle Vital

10

1852

Granet Pierre (2ème période)

11

1865

Magne Jean

12

1869

Granet Pierre

13

1874

Boudon Antoine

14

1876

Granet François

15

1884

Bouchet Antoine

16

1886

Vigier Jean

17

1900

Ginioux Antoine

Depuis 1793 jusqu'à 1840 environ, les fonctions de secrétaire de mairie sont exercées par Jean Admiral avec habileté et compétence. On admire dans ses écrits la beauté de l'écriture, l'orthographe correcte et la pureté du style. Il fut maire durant deux périodes et signe les actes : Admiral Greffier, Admiral Agent municipal, Admiral Maire.

II - Conseil municipal actuel

Le Maire, M. Ginioux Antoine est depuis 1900 à la tête d'une municipalité homogène, animée du meilleur esprit, soucieuse des intérêts communaux. Elle n'a varié depuis, dans sa composition, que par l'extinction de quelques-uns de ses membres et forme un bloc communal apte à voter toutes les mesures nécessaires.

Aussi en prenant pour guide le sentiment du bien public, le conseil a pu faire bien des travaux utiles : construction de la maison d'école de Labaraque, achat d'une maison pour l'école de filles, construction du chemin vicinal n°17. Mais disons-le sincèrement, la postérité aura à lui reprocher la faute d'avoir négligé le projet du chemin de Daü, alors qu'à la veille de la Guerre il lui était si facile de l'ouvrir. Il en a compris toute la gravité et vient de remettre la question sur le tapis, avec une timidité telle que sa solution heureuse en est tout à fait hypothétique.

III - Composition de la municipalité
 d'après les élections de 1925

1

M.

Ginioux Antoine, maire

2

M.

Magne Antoine, adjoint

3

M.

Vigier Adrien, conseiller

4

M.

Genton Jules

5

M.

Nicolas Jean

6

M.

Sainterin Jean

7

M.

Cornet Gabriel

8

M.

Cornet Pierre

9

M.

Massebœuf Théodore

10

M.

Pellegris Emile

11

M.

Admiral Pierre

12

M.

Gas Jean

IV - L'Eglise et la place publique


Chapitre III 

Eglise

L'église porte le cachet d'une origine de plusieurs siècles. La porte, les arceaux de la nef, les fenêtres longues, étroites, terminées par le trèfle dénotent une date que l'on peut assigner au onzième siècle. Les chapiteaux des colonnes grossièrement sculptés rappellent les chapiteaux romans. Par ailleurs, le style roman se mélange avec le gothique. La chapelle au nord du sanctuaire est une construction subséquente, le style gothique y est plus prononcé : c'était la chapelle du Seigneur de Vernières dont subsiste la litre sur la façade ouest de l'église, sans armoiries ni inscriptions, effacées par le temps.

Monsieur le Curé Cosse ouvrit en 1857 un grand arceau et incorpora cette chapelle à l'église en lui rendant sa forme primitive.

La chapelle du côté sud a été bâtie par le même M. Cosse et par M. Granet Pierre maire, en 1858, après le transfert du cimetière qui, comme dans bien d'autres localités, était devant l'église. Deux autres chapelles en transept avaient été construites avec l'église elle-même. Le transept nord est dédié à la Vierge ; celui du sud à Saint‑Bonnet évêque de Clermont, patron de la paroisse.

Récemment restaurée par les soins de M. le curé Nugier, l'église jouit d'une certaine esthétique, en impose par la force de sa construction, murs, contreforts, toiture, par sa propreté sa bonne tenue en même temps qu'elle évoque le souvenir des générations qu'elle a vues naître et mourir. Le dallage de la nef, fait en 1878 par les soins de M. Granet François, maire, en pierre de Volvic, ajoute à la magnificence du temple. On lit dans le sanctuaire, au-dessus de l'unique vitrail qui représente la Sainte Famille, Jésus, Marie et Joseph, à l'est du Maître-Autel, l'inscription suivante : "Venite adme omnes" – traduction "Vous tous venez à moi".

Au bas de l'église, en face de la précédente, on lit celle-ci "Pavete ad sanctuarium meum ego Dominus" – traduction : "Attention à mon sanctuaire, c'est celui de Dieu".

Au-dessus de la porte, à l'extérieur, il y a encore : "Voilà la maison de Dieu et la porte du Ciel". Les emblèmes religieux à quelque exception près n'ont pas de valeur artistique. Nous en négligeons un bon nombre pour ne signaler qu'une statue et un tableau de la Vierge très anciens, la statue de Saint-Bonnet et son tableau antique bien exécuté. Le tableau représentant le baptême de notre Seigneur est admiré des connaisseurs ; un second de même grandeur, "l'Adoration à la crèche" prête à la critique : les sujets sont convenablement choisis, mais le dessin, des figures surtout, est grotesque et presque ridicule. Tous les deux sont signés : "Valentini Rossetti fecit 1821".

Un grand Christ en bois sculpté n'est pas davantage un objet soigné. Les proportions y sont affreusement négligées. Les statues de Notre Dame de Lourdes, de Saint‑Antoine de Padoue, de Jeanne d'Arc, de Saint-Joseph en plâtre moulé et décoré sont convenables et atténuent sensiblement la pauvreté intérieure du sanctuaire. Au dehors, en face du portail d'entrée, la grande croix en fer forgé composée de deux barreaux parallèles dans toute leur étendue, limitant un espace ou zone dans laquelle figurent de haut en bas la tête du christ et les divers instruments de son supplice : échelle, lance, marteau, fléau, tenailles, offre quelque intérêt et est le produit d'un patient et laborieux travail. Elle repose sur un piédestal en Volvic et granit. On lit sur l'une des faces du dé : "Mission de 1868".

Les murs de l'église à l'extérieur, leur disposition, les moellons de granit qui les composent sont assez semblables à ceux du château de Vernières et nous permettent d'affirmer que ces deux édifices sont contemporains. Il est de toute évidence que le seigneur qui vint construire vers le onzième siècle ou le dixième peut-être la forteresse qui couronne le mamelon du nord de Lubilhac, voulut avoir à proximité le chef-lieu de la paroisse qui était Gliseneuve, hameau situé à l'extrémité sud de la commune. De là, le transfert à Lubilhac du siège de l'église et du presbytère.

I - Clocher et Cloches

Le clocher fut démoli comme bien d'autres en1793. Après la Révolution il reçut une certaine restauration par les soins de M. Granet, prêtre et maire. En 1838, cette restauration céda à la construction d'un nouveau clocher sous l'intelligente direction de M. Admiral maire et M. Portefaix curé.

Il est construit au sud de l'église et flanque presque en son milieu l'édifice. Une tour carrée bâtie en pierres du pays, granit et gneiss, surmontée d'une flèche ou pyramide octogonale élégante. Tour et flèche, y compris la croix en fer qui termine cette dernière, mesurent vingt mètres de hauteur.

Deux belles cloches composent la sonnerie : la plus petite a été fondue sous l'administration spirituelle de M. Jacques Barthélémy, curé de Lubilhac de 1840 à 1845 On lit à sa surface extérieure :

"Laudate cymbalis bene sonantibus." – "Louez la cloche qui sonne bien".

Chazelle, maire, - Barthélémy, curé – Parrain : Etienne Cornet ; Marraine : Madame Rose Granet ; - Bienfaiteur M.M. Francon de Sauvagny, le comte de Noyant, Admiral, Apcher, Boyer des Martres, Pouderoux, Boudon, Nicolas et Mourgue.

Elle sort des ateliers de M. Gédéon Morel, fondeur à Lyon.

La grosse cloche remplace celle du poids de neuf cent cinquante livres, cassée en 1865, qu'avait achetée M. Chaulhaguet curé, en 1703. Elle pèse cinq cent quarante-cinq kilogrammes et a été fondue en 1866 par M. Lhéritier fondeur à Clermont. On y lit :

"Jean Magne, maire ; J.B. Redon, curé ; " sit nomen Domini benedictum ; sante Bonite, ora pronobis" – (Soit bénit le nom du Seigneur, Saint-Bonnet priez pour nous.)

Parrain : M. Aymé des Roches Raymond, compte de Noyant ; marraine : Elisa Granet Blaud de la Rochette ; bienfaiteurs : Bouchet archiprêtre de Murat ; Vigier curé de Domeyrat ; A. Cornet ; A. Bouchet ; A. Combe ; P. Igonel ; P. Pellegris ; A. Granet ; D. Berthet ; P. Granet ; P. Boyer ; J. Gas ; J. Genthon ; P. Levé ; P. Delair ; Bompard ; M. Bourdon ; V. Bouchet ; A. Granet ; A. Granet ; M. Pastourel ; L. Prunayre ; J. Brugerolle ; Etienne Chargebœuf.

Il n'est pas inutile de remarquer que la plupart des cloches périssent dans la pratique du carillonnement. Le sonneur oublie trop souvent que le battant, frappant l'intérieur du métal, le moindre choc extérieur sur la partie atteinte, le moindre contrecoup produit simultanément, amène a fêlure et la perte de la cloche.

 

Chapitre IV 

Cimetière

La superbe esplanade formant la place publique, tout ombragée d'arbres qui, la plupart, évoquent des souvenirs historiques : (l'ormeau devant la cure, planté par le maire Isabel en 1792 ; les deux frênes devant l'église en 1848 ; l'arbre du triomphe de Gambetta sur Mac-Mahon ; celui du centenaire de l'ouverture des Etats Généraux ; le magnifique tilleul à l'angle sud de l'école de filles), était occupée en partie par le champ des Morts, lequel présentait un massif de terre au sein du village à la fois préjudiciable à la circulation, l'esthétique et l'hygiène. C'était un rectangle dont l'une des bases s'appuyait à la façade méridionale de l'église où au centre se trouve le portail d'entrée. Un chemin à angle droit donnait accès à celui-ci, par six marches en pierre, car le parvis et le dallage de la nef étaient bien au-dessous du niveau du terrain.

On voit par cette disposition combien était défectueuse l'entrée du sanctuaire si fréquenté alors par les fidèles. En 1858 fut décidé et exécuté le transfert du cimetière au mamelon désigné sous le nom de "Peu", un bel emplacement exempt d'humidité, suffisamment éloigné des habitations avec bonne et profonde terre mouvante.

La municipalité y a fait exécuter en 1912 des travaux relatifs à son agrandissement, son embellissement et sa commodité : murs de clôture, deux portails d'entrée opposés, l'un au nord, l'autre au sud lui faisant face.

Aussi les familles se sont-elles empressées depuis et surtout à l'occasion de la Grande Guerre d'obtenir des concessions et d'y fonder des sépultures remarquables par le fini et l'élégance de leurs pierres tumulaires.

Autrefois le cimetière était beaucoup plus vaste et entourait entièrement l'église. Le jardin de M. Pellegris avec ses hauts murs et son épaisse couche de terre de deux à trois mètres en faisait sûrement partie comme le démontrent les ossements qu'il renferme.

Cette réduction en surface ne peut s'expliquer que par la diminution de la population résultant de l'attribution d'un certain nombre de ses villages aux paroisses limitrophes, à une époque indéterminée.

Chapitre V 

Presbytère

Le presbytère qui existait avant la Révolution fut vendu en 1793 ainsi qu'un jardin[10] et une cave au côté nord de l'église. Cette cave présente à la face d'entrée une pierre taillée en trapèze isocèle (langage géométrique) à faible élévation, rappelant assez la tête d'un cercueil. A l'extrémité des deux sommets de base sont sculptées deux têtes, et au centre de la surface se voient les abréviatifs : "D.O.M." des mots latins Dominus omnes Magnus, signifiant : "Dieu tout Grand". C'est à n'en pas douter un ancien mausolée désaffecté bien avant la Révolution et transformé en cave où l'aubergiste Cornet Magne renferme ses meilleurs vins.

Le presbytère, la cave ainsi qu'une grange à l'ouest de l'église étaient la propriété du curé qui possédait encore un pré dit "Pré Redon", lequel pré avait été donné en 1641 par Charlotte de Chabane de Curten, douairière de Montgon, à la charge annuelle par le curé d'offrir six fois le sacrifice des chrétiens[11]. Une portion de ce pré occupe l'emplacement d'un ancien étang en forme de triangle dont on distingue les côtés et la chaussée de base. Il était alimenté par les eaux de pluie qui forment torrent au sein de Lubilhac et par diverses sources.

C'était une mare à poissons et un réservoir d'eau en temps de sécheresse.

M. Portefaix nommé desservant en 1816 commença la construction du presbytère actuel sur le communal, côté sud.

Il est bien exécuté, de forme rectangulaire et comprend un étage plus un galetas. Les plafonds sont à faible élévation, ce qui est nécessaire dans un lieu froid l'hiver et exposé à tous les vents, ceux d'ouest surtout qui atteignent parfois une force redoutable. Les divisions intérieures sont nombreuses et judicieusement établies offrant beaucoup d'agréments et de commodités.

Ses annexes dénotent du soin et de l'intelligence ; elles peuvent contenir animaux, bois, foin, etc. Souvent en effet le desservant a fait usage d'un cheval pour aller rendre visite à ses paroissiens malades.

Un mur part des deux extrémités de la façade d'entrée pour former avec elle un rectangle circonscrivant un beau et grand jardin avec puits d'arrosage, porte cochère, couloir d'entrée et de promenade, pavé avec des dalles granitiques. Le desservant peut vivre là dans un certain isolement favorable au recueillement et à la prière.

Chapitre VI 

Monument commémoratif aux Morts pour la France durant la guerre 1914-1918

La commune a payé son tribut de sang à la patrie durant la Grande Guerre ; quatorze de ses fils sont tombés sur les champs de bataille, six sont morts de maladie pour elle dans les divers services de l'intérieur. Tous étaient des braves animés d'un pur patriotisme. Nous regrettons vivement de ne pouvoir reproduire ici les citations de leurs chefs au moment où ils ont été frappés. La municipalité pour honorer leur mémoire et perpétuer leur souvenir leur a fait ériger un monument sur la place de l'église à l'aide d'une souscription et d'un crédit budgétaire. Il se compose d'un tronc de pyramide en Volvic qui porte la croix de guerre en son sommet et les noms des héros gravés sur une plaque de marbre enchâssée dans la pierre. Au-dessous, le dé du piédestal, également en Volvic où sont sculptés un drapeau et un casque recouvrant la hampe en son milieu. Aux angles du socle carré en granit, sont placés debout quatre obus de (240), terme technique des artilleurs pour indiquer qu'ils ont vingt-quatre centimètres de diamètre.

Un parc métallique l'entoure et le protège. Il est imposant par sa simplicité même et son inauguration eut lieu en mai 1919, cérémonie où était présente la commune entière.

Des trois discours qui furent prononcés, il nous en reste un seul. Nous l'avons inscrit à la suite du tableau nécrologique.

I - Liste des soldats morts pour la France

1 – Pignol Pierre, blessé et disparu à la bataille de Lorraine, 6 octobre 1914

2 – Vigier Alphonse, tombé à Saint Claude (Oise), le 22 octobre 1914

3 – Genton François, tombé à Bois-le-Prêtre, le 30 octobre 1914

4 – Usclade Pierre Alphonse, brillant élève de l'Ecole Normale du Puy, pourvu de tous ses titres d'instituteur, allait occuper son premier poste au 1er octobre 1914. Jeune homme rangé, discipliné, laborieux, aussi bon soldat qu'il avait été excellent fils, camarade et normalien. Tombé à Beauséjour, le 4 mars 1915.

5 – Marliat Etienne, mort à l'hôpital de Compiègne, le 24 août 1915

6 – Ginioux Pierre (Evariste), tombé à Verdun, le 2 mars 1916

7 – Gervais Jean-Antoine, tombé à la côte 285, commune de Boureuilles (Meuse)

8 – Magne Ludovic, tué à Belloye-en-Santerre, le 17 juillet 1916

9 – Vigier Antoine, tombé à Curlu (Somme), le 15 juillet 1916

10 – Mourlaix Louis, disparu à Verdun, en 1916

11 – Boyer Léon, tendre et fier jeune homme de dix-neuf ans, bon fils, bon élève, brave soldat, intelligent et instruit, ayant toutes les qualités requises pour devenir le parfait citoyen. Tombé à Suzanne, canton de Tray-sur-Somme, le 3 novembre 1916

12 – Flory Alphonse, tombé à Bernvéricourt (Marne), le 16 avril 1917

13 – Cornet Alfred Vital, mort à l'hôpital de Nancy, le 30 août 1917, des suites d'une blessure au genou par éclat d'obus

14 – Bouchet Régis, tombé en 1917

15 – Ginioux Emile, encore un enfant docile, travailleur, aimable, la joie de sa famille, amis, camarades ; un soldat modèle par sa discipline, son entrain, son endurance. Tué par un obus à Villers-Cotteret, le 21 août 1918

16 – Chargebœuf Léonce, mort dans sa famille des suites des blessures, après avoir fait toute la guerre

17 – Combes Vital, après Charleroi, fut renvoyé dans ses foyers et mourut en 1918

18 – Paulhac Antoine, mobilisé aux mines, mourut en 1917

19 – Mourlaix Pierre, mobilisé et mort dans les mines en 1917

20 – Bompard Chéri, mobilisé et mort dans les mines en 1917.

II - Aux Héros de la Grande Guerre

(discours de l'Instituteur)

 

"Ceux qui pieusement sont morts pour la Patrie,

Ont droit qu'à leur cercueil la foule vienne et prie"

Telle est la pensée du poète qui nous réunit autour de ce monument, symbole de leur sacrifice et de leur gloire, non pour pleurer (assez de larmes ont coulé), mais pour consacrer dans un sentiment commun de respect et de vénération le souvenir de cette grandiose épopée qui fut la leur.

C'était à ce mois d'août d'impérissable mémoire. Des cris de guerre partis de l'Orient retentissaient en Occident, et bientôt le flot envahisseur de l'ennemi roulait vers notre France. La Patrie était en danger !

Calmes, résignés, sans peur, nos enfants, nos amis, nos frères tous soldats quittaient leurs champs pour la frontière, leur charrue pour le canon, sans maugréer, sans même proférer une plainte, une parole d'indignation contre les auteurs de la catastrophe, à l'encontre d'un ennemi qui les arrachait par un coup de tonnerre à ce bonheur de la vie champêtre, de la vie de famille pour les précipiter dans la fournaise ardente qui consuma leur vie !…

Ils partirent pleins d'entrain, de confiance, animés du plus pur patriotisme !

"L'ennemi ? Mais il ne lui serait pas permis de fouler notre sol !

"L'ennemi ? Mais il était battu, refoulé, châtié de sa noire insolence et reconduit jusqu'à Berlin !"

… "A Berlin, à Berlin !" Tel fut le cri de guerre qu'ils improvisèrent soudain dans cet enthousiasme naturel d'une jeunesse appelée à défendre son pays !

Nous les avons suivis par la pensée, l'âme toute saisie d'inquiétude, d'angoisse et de poignante douleur. Et dans nos vœux ardents, nous ne savions que répéter l'antique prière "Bouclier du soldat, protégez nos fils et nos frères !"

Des jours de silence qui parurent des siècles succédèrent à leurs derniers adieux. Leurs phalanges avaient abordé l'ennemi et la presse chaque jour nous disait leurs exploits. Mais bientôt arrivaient les tristes nouvelles : c'est un tel, c'est tel autre ! L'hécatombe s'est ouverte : qui sait à quand se fermera-t-elle ? C'était bien en effet l'inconnu qui étouffait nos cœurs !

Quand par une faveur toute spéciale, nous avions la joie de les revoir "en permission de détente", comme l'on disait alors, ils nous consolaient et nous rassuraient par leur confiance et leur bonne humeur ; et, chose étrange, ils venaient relever notre courage abattu et faire revivre nos âmes à l'espérance, eux les héros du terrible drame !

Comme il était bon de les voir riants, enjoués, grands parleurs même confiants dans l'avenir, ayant toujours le mot qui fait rire, le mot français traditionnel qui fait oublier la peine. Ils repartaient comme ils étaient venus : contents d'abord et point chagrins après.

Ces diverses qualités, le mépris de la vie et la présence d'esprit dans le danger que le Français tient de ses ancêtres n'étaient-elles pas le gage du succès de nos armes ?

Que pouvait la "furia teutonicus" contre de tels hommes qui combattaient pour la liberté ?

Aussi ils ont vaincu et nous ont sauvés du plus grave danger que la France ait jamais couru !

Grâce leur en soit à tout jamais rendue.

Leur souvenir toujours vivant sera désormais un enseignement pour nous et les générations futures.

Il nous réconfortera dans la paix comme eux nous ont réconfortés dans la guerre. Et c'est en cela qu'ils ne sont point morts, qu'ils conservent en nos cœurs la vitalité féconde du héros qui se dévoue pour le commun bien.

Nous les entendons dire : "Nous avons gagné la guerre par notre respect de l'ordre, de la discipline, par la confiance en nos chefs et par notre sang. Mais vous devez gagner la paix par votre sueur, votre labeur, votre respect des lois, votre amour de la famille et de la Patrie !"

Nous les entendons nous donner cette leçon de philosophie : "La guerre est la crise aiguë de la lutte pour la vie. Celle-ci est une lutte sans fin, moins dure peut-être que la première par sa forme chronique, mais qui n'est pas moins périlleuse si l'on ne s'y prépare par le travail et la pratique de la vertu."

Et bien ! Nous suivrons les leçons de tel maître gravées en lettres d'or sur cet obélisque destiné à consacrer désormais leur culte parmi nous.

Et nous dirons avec le même

"Gloire à notre France immortelle !

Gloire à ceux qui sont morts pour elle !

Aux martyrs, aux vaillants, aux forts !

A ceux qu'enflamme leur exemple,

Qui veulent prendre place au temple

Et qui mourront comme ils sont morts !"

Chapitre VII 

Lubilhac

Sur la pente nord d'un superbe coteau d'où la vue embrasse l'immense horizon que limitent les monts d'Auvergne, du Forez, du Velay et les Cévennes et qui enserre un panorama tout parsemé de localités dont les demeures étincelantes de blancheur brillent au soleil par une belle matinée de printemps, se dresse le coquet petit village de Lubilhac avec ses maisons insensiblement modernisées, son élégant petit clocher, sa massive église, ses champs, ses jardins, ses bosquets.

Ses champs sont si fertiles, ses jardins productifs, ses prairies agréables et d'exploitation facile si l'on excepte les prés de Mialouze en pente excessive. Les bois sont à proximité et le plus agréable, le plus décoratif, le plus utile par rapport à l'hygiène était le "Petit-Bois" détruit par son propriétaire, Chargebœuf-Cornet, en 1905.

Le chemin d'intérêt commun n° 17 le traverse ; d'autres rayonnent autour pour aller à Massiac, Tany, Garnigoule, Malpeyre. Ceux de Massiac, Tany, Malpeyre sont dans un état lamentable.

Ses étés sont excellents ; ses hivers, froids à cause de l'exposition nord-ouest.

Les vents sont redoutables, ceux d'ouest surtout, et ont causé souvent d'importants dégâts. Les orages sont fréquents et la foudre est à craindre par la rareté des arbres qui sont, comme on le sait, autant de paratonnerres naturels.

C'est encore un lieu gallo-romain dont le nom formé de "Lubilh" corruption du latin "Lupis" et du suffixe "ac", veut dire littéralement "Endroit du loup".

Il devint le chef-lieu de la paroisse lors de la construction de son église quand celle de Gliseneuve fut abandonnée.

Au point de vue religieux, ce fut un prieuré où certains prêtres vinrent expier quelques fautes. Un couvent de religieuses dont on retrouve des vestiges au pré "d'assaut", c'est-à-dire là où les hommes d'armes prenaient leurs exercices, fut, dit-on, très florissant à une époque indéterminée.

Ainsi l'histoire de Lubilhac qui remonte à une haute antiquité se jalonne ensuite à celle de son église et de ses curés qui s'y sont succédé.

La série de ces derniers commence à une date ancienne, à la fondation de l'église au dixième ou onzième siècle. Elle échappe à nos recherches jusqu'à M. Quayrel, prêtre en 1641 qui écrit les premiers actes de l'état civil qui nous soient parvenus.

On sait que François 1er par son ordonnance de Villers-Cotteret prescrivit la tenue dans chaque paroisse de registres constatant les naissances, les mariages et les décès. Le curé seul pouvait les tenir et fut chargé de ce soin qui débute à la publication de cette ordonnance.

Aussi l'on se demande où ont passé les registres antérieurs à 1641 qui auraient donné les noms de quelques prédécesseurs de M. Quayrel.

Nous dressons le tableau suivant de ceux qui nous sont connus :


I - Tableau des curés de Lubilhac

 

1641

Quayrel

1687

Etienne Trousseilher qui fonde une rente de 70 messes au capital de 150 livres.

1703

Chaulhaguet qui fait fondre une cloche de 950 livres (poids), cassée en 1865.

1758

Merle

1793

Reddon (citoyen prêtre constitutionnel) qui rétracta ensuite son serment, passa un contrat de vente en faveur de M. Vital Granet, vicaire. L'abbé Vital Granet durant l'époque troublée de la Terreur se dépense en zèle et dévouement non seulement dans sa paroisse mais ailleurs. Il baptise les enfants à domicile, donne la bénédiction nuptiale de la même manière, procède aux inhumations.

1795

Géraud. Celui-ci se retirait à Malpeyre chez M. de Molen

1796

Vital Granet, déjà nommé.

1803

Thomas

1814

Frenat

1815

Roux

1816

Portefaix

1840

Barthélémy

1845

Bonnefoy

1861

Redon

1867

Crouzet

1873

Nugier

1883

Ruel, bon et digne prêtre, d'une franchise légèrement brutale lui ayant attiré quelque antipathie de la part de certains de ses paroissiens qui finalement lui ont rendu entière justice après son départ. Mort à Yssingeaux où il s'était retiré l'année 1916.

1907

Teyssier

1918

Chassignard

En dehors de cette liste nous avons à mentionner :

M. François Lauthier, de Gliseneuve, curé au diocèse de Reims.

M. Christophe Vigier, curé de Domeyrat, né aux Martres en 1808, retiré et mort dans sa maison natale, après avoir enrichi de dons précieux l'église de Lubilhac.

M. Bouchet, né à Sauvagny, brillant élève au collège de Saint-Flour, agrégé de théologie, archiprêtre de Murat, où il est mort il y a quelques années.

Chapitre VIII 

La fête patronale – Saint-Bonnet

"Saint-Bonnet devint le patron de la paroisse. Ses parents étaient fort illustres ; ils descendaient des sénateurs romains. Pour lui, il fut français de nation. Son père s'appelait Théodat et sa mère Siagre. Il fut élevé avec des soins particuliers et s'adonna à l'étude, surtout à celle du droit qu'il possédait parfaitement. Son père étant décédé, il s'en alla à la cour du roi où on le revêtit des plus brillantes charges dans le gouvernement de l'Etat et où il se distingua par son intégrité à toute épreuve.

A la mort de son frère Avit, évêque en Auvergne, il fut désigné par le roi Théodoric[12] pour lui succéder. Il accepta l'évêché et y vécut en saint religieux et pasteur vigilant. Il abdiqua ensuite sa charge pour prendre l'habit religieux et entra dans le monastère de Magdalon. Il fit un pèlerinage à Rome plus tard et retourna en France avec plusieurs captifs qu'il avait rachetés, demeura quatre ans dans la ville de Lyon ou Notre Seigneur lui envoya une maladie dont il mourut. Il fut enterré à Lyon au monastère de Saint-Pierre-les-Nonains. Procule, évêque d'Auvergne, fit transporter son corps dans la même église où il avait été évêque.

La vie de Saint-Bonnet est célèbre par la quantité de miracles et a été écrite par un auteur grave et est rapportée par Surius au premier tome de " La vie des Saints". Il en est fait mention au martyrologe romain, le quinze janvier et dans les savantes remarques du cardinal Baronius."[13]

Ainsi la fête patronale de Lubilhac fut instituée en l'honneur de la mémoire du Saint et fixée au quinze janvier, au moment le plus froid de l'année dans un pays froid. La rigueur de la saison, la neige couvrant le sol entravait singulièrement les préparatifs et les réjouissances. Les réunions, les divertissements, les jeux auxquels doit se livrer la population en une telle journée se trouvaient fréquemment empêchés par le fait des congères ou de la glace qui interceptaient les rues et les chemins pour confiner les habitants dans leurs demeures. La fête se réduisait tout au plus à un service religieux célébré dans l'intérieur de l'église où quelques fidèles avaient pu arriver.

Aussi par vœu des paroissiens, la date du quinze janvier fut-elle reportée au deuxième dimanche de mai "floréal". Un beau jour dans un mois favorable, au profit de toute la jeunesse, les débits, les musiciens, les marchandes et la vieillesse même.

Il commence par une sortie des villages vers le chef-lieu, le matin ; des groupes se rendent les uns à l'office divin, les autres aux auberges où déjà retentit le son du violon et de la clarinette ; d'autres enfin occupent le jeu de quilles, le "rempot" ou stationnent sur la place publique à contempler les mouvements de la foule et l'étalage des marchands forains de bibelots et de jouets.

Mais bientôt l'offensive religieuse se déclenche, le portail de l'église ouvre ses deux battants et la procession, Saint-Bonnet en tête sur son brancard soutenu par quatre porteurs, tous conscrits de l'année suivante, sort majestueuse, dans un silence à peine interrompu par les cantiques et les prières à haute voix.

"Tandis que dans les airs les deux cloches émues,
D'un bien joyeux concert font retentir les nues."

Sur deux files la colonne avec bannières, oriflammes et enseignes déployés s'engage dans la grande rue, va saluer les morts au cimetière et revient dans le même ordre à son point de départ.

C'est ici que l'on peut admirer le bon goût et l'élégance des toilettes, jupes en satin, corsages, volants, chaussures de nos campagnardes qui, il y a lieu de le regretter, ont délaissé pour un chapeau l'antique coiffure, un ruban aux couleurs chatoyantes élégamment agrafé avec des épingles d'or autour d'une coiffe dont la savante disposition rehaussait l'éclat et la beauté de leur robuste visage rose. Et cette fâcheuse métamorphose de leur chef a été le résultat de la tyrannie de la mode, laquelle est encore l'une des lois qui nous régissent en dépit quelquefois du bon sens et des…. bulles pontificales[14]

A onze heures tout est fini. Chacun regagne son domicile où l'attend le repas traditionnel pour revenir le soir participer aux danses qui vont se dérouler durant la nuit entière.

Au crépuscule les salles des deux auberges sont combles. Chacune présente le dispositif suivant : un hémicycle au centre avec musicien pour le bal ; une ou deux rangées de tables autour, pour les consommateurs.

Les couples, la main dans la main sont prêts, le violon résonne, polka, mazurka, sicilienne, valse, bourrée d'Auvergne se succèdent sans trêve. Ce n'est bientôt plus qu'un tourbillon où le rythme et la cadence mettent seuls de l'ordre. Le musicien, un artiste, frappe les cordes de son instrument avec une maestria propre à entraîner les plus apathiques. Aussi pas un ne se retire sans avoir essayé un tour à l'hémicycle.

Parfois un ancien dont 

"Le sang remonte à son front qui grisonne,
Le vieux coursier a senti l'aiguillon,"

provoquant une pastourelle, s'élance à son tour pour revivre un instant ses jeunes années : il était un virtuose dans l'art en son temps. Il exécute avec mesure une danse, mais ses jambes flexueuses, la rigidité de son attitude, l'effort qu'il déploie pour tenir l'équilibre, le bruit de ses pas scandant avec force le temps et la mesure, tout contraste avec cette souplesse, cette régularité, cette aisance dans le mouvement, cette harmonie dans les formes que déploie l'heureuse jeunesse qui évolue autour de lui. Il s'en tire pourtant avec honneur et regagne sa place au milieu de l'hilarité générale, tout fier de son succès et des bravos qui pleuvent de toute part.

Les heures passent, l'aurore arrive ; le villageois va reprendre la charrue et son sillon, sans trace de la moindre fatigue.



I - La place d'armes du château féodal de Vernières

 

Chapitre IX 

Château féodal de Vernières

A un kilomètre au nord de Lubilhac s'élèvent les ruines imposantes du château de Vernières sur un mamelon pittoresque à 820 mètres d'altitude d'où la vue s'étend sur une partie immense de la Haute et Basse Auvergne.

C'était une châtellenie appartenant à la maison d'Apchon, mais ayant appartenu au dixième siècle à une famille de Vernières à laquelle se liait Hugues de Vernières seigneur de Favars en 1314 ; - Autre Hugues de Vernières capitaine du château de Murat en 1412 ; et Jean de Vernières, chanoine de Brioude en 1401 ; Jeanne de la Chassagne, dame de Vernières, Massiac et Vernols, à la fin du quinzième siècle, transféra la terre de Vernières dans la famille d'Apchon.

Par le mariage de Marie d'Apchon avec François d'Espinchal, la châtellenie de Vernières passa dans la famille d'Espinchal laquelle la vendit à Jacques Rodde, lieutenant des maréchaux de France. Celui-ci prit le nom de Vernières et ses descendants transmirent ce domaine à Monsieur de Chalagnat qui le possède actuellement, mais réduit à sa plus simple expression, c'est-à-dire au château lui-même, les dernières propriétés ayant été vendues au cours des années 1893, 1894, 1895.

L'histoire de la famille des de Vernières est certes intéressante. Comme on le voit par les quelques indications précédentes et par les ruines du manoir, on peut fixer aux environs de l'an mille son origine. Le rôle qu'elle a joué au moyen âge, au temps des croisades, de la guerre de cent ans et à celui des guerres de religion se perd dans la nuit des temps. Nous savons par quelques notes trouvées à la Bibliothèque Nationale que le château fut pris et mis à sac par les Grandes Compagnies au temps de Du Guesclin et qu'il était classé, comme forteresse de second ordre. Il fut démantelé plus tard par ordre de Richelieu : les grandes croisées grillagées avec des barreaux métalliques que l'on voit aujourd'hui furent ouvertes en vertu du même édit.

Mais les plus précieux documents, ceux qui auraient permis de nous repérer d'une façon irréfutable dans notre étude, étaient renfermés dans les archives du château, lesquelles avec celles du château de Malpeyre, son voisin, furent brûlées au lendemain de la Nuit du 4 août sur la place de l'église. Les paroissiens dans l'ivresse de la joie accomplirent sans aucune considération cet acte regrettable consigné dans un procès verbal conservé à la mairie et que nous reproduisons plus loin (page 96).

Les murs du château de Vernières affectent la forme d'un polygone irrégulier à six côtés dont les sommets étaient occupés par des tours rondes et carrées. Les créneaux comme les mâchicoulis sont écroulés, mais on voit disséminées çà et là, à la surface des murs les anciennes meurtrières. On reconnaît à l'intérieur la place d'armes, la citerne, le donjon, une vaste cuisine à deux immenses cheminées opposées, destinée aux hommes d'armes, les appartements du seigneur, sa cuisine, ses armoiries mutilées, quelques-unes des pierres ayant servi aux membres de sa famille, la chapelle dont la tapisserie non entièrement détruite laisse apercevoir encore la fleur de lys. Au-dessous de la chapelle est une galerie ou couloir à l'extrémité duquel se trouvaient la herse et le pont-levis qui en commandaient l'entrée. Les rainures dans lesquelles glissait la herse et les coussinets où se mouvaient les tourillons du pont-levis sont encore intactes.

Deux fossés, l'un en escarpe, l'autre en contre-escarpe défendaient l'accès de la forteresse. Ce dernier, large et profond, a près d'un kilomètre de développement et est occupé actuellement par des terre-pleins, des chaussées laissant apercevoir çà et là des mares remplies d'eau où le bétail va boire. Telles sont les ruines que tous les bons touristes ne doivent pas oublier de visiter.

Avant de terminer notre étude sur ce sujet et comme complément, il est opportun d'indiquer les localités où s'exerçait l'autorité juridique du seigneur de Vernières.

Par des pièces authentiques trouvées à Lubilhac, Massiac, La-Chapelle-Laurent, nous avons acquis la connaissance qu'elles étaient : le lieu paroissial de Lubilhac, tous les villages de la paroisse ; Azerat, Chevaley, Brousse, Viallevielle dans la paroisse de Massiac, le Mirial, la Bastide dans celle de La Chapelle-Laurent ; les Bordes paroisse de Saint-Beauzire.

Là est toute notre érudition sur cette demeure féodale vénérable, majestueuse par ses pierres noircies couvertes de moisissures, effritées par le temps et tapissées de lierre.

Quand le soir d'une tranquille journée d'automne, le laboureur avec ses troupeaux regagne son domicile d'où la fumée en tourbillonnant enveloppe comme d'un voile les tourelles décapitées on se livre involontairement à la rêverie en les contemplant. L'imagination enfante bientôt un tableau fantastique de la vie fébrile du manoir autrefois, renfermant avec la famille du châtelain, les hommes d'armes, les chevaux et tant d'éléments divers.

Mais laissons, à ce sujet, la parole à M. Gustave Flaubert dont la plume nous a fait une peinture si simple, si naturelle, si saisissante :

"Le château était au sommet d'un mamelon. Les tours aux angles avaient des toits pointus, recouverts en ardoise du pays, et la base des murs s'appuyait sur des quartiers de rocs qui dévalaient abruptement jusqu'au fond des douves.

Les pavés de la cour étaient nets comme des dallages d'une église. De longues gouttières figurant des dragons crachaient l'eau des pluies vers la citerne.

A l'intérieur, les ferrures partout reluisaient ; des tapisseries dans les chambres protégeaient du froid, et les armoires regorgeaient de linge ; les tonnes de vin s'empilaient dans les celliers ; les coffres de chêne craquaient sous le poids des sacs d'argent.

On voyait dans les salles d'armes, entre des étendards et des mufles de bêtes fauves, des armes de tous les temps et de toutes les nations…

La maîtresse broche de la cuisine pouvait faire tourner un bœuf ; la chapelle était somptueuse comme l'oratoire d'un roi…

Toujours enveloppé d'une pelisse de renard, le bon seigneur se promenait dans sa maison, rendait la justice à ses vassaux, apaisait les querelles de ses voisins.

Pendant l'hiver, il regardait les flocons de neige tomber ou se faisait lire des histoires. Dès les premiers beaux jours, il s'en allait sur sa mule, le long des petits chemins, au bord des blés et causait avec les manants auxquels il donnait des conseils… Il avait pris pour femme une demoiselle de haut lignage.

Elle était très blanche, un peu fière et sérieuse. Les cornes de son hennin frôlaient le linteau des portes ; la queue de sa robe de drap traînait de trois pas en arrière d'elle. Chaque matin elle distribuait la besogne à ses servantes, surveillait les confitures et les onguents, filait la quenouille ou brodait des nappes d'autel."

Chapitre X 

Le village de Vernières

Vernières, au nom de la famille seigneuriale et d'un arbre commun au bord de l'eau "le vergne ou aulne", fut florissant durant la période de splendeur du château. Ses maisons sont bâties à l'escarpement qui l'entoure et ont conservé la plupart leur ancienne architecture.

Ce ne sont pas des chaumières : elles sont couvertes en ardoise du pays, plaques schisteuses abondantes dans une carrière de La Chapelle-Laurent qui alimenta la région. Aujourd'hui cette ardoise par trop massive, trop vulnérable à l'action de l'eau se remplace peu à peu par la tuile rouge et l'ardoise d'Angers

Les rues, les fontaines, les abreuvoirs portent tous l'empreinte du moyen-âge.

A cinq cents mètres au loin coule une source limpide, abondante, dont l'eau est délicieuse, qui conserve invariables par tous les temps son débit et sa température, où non seulement Vernières, mais les villages voisins viennent s'alimenter en temps de sécheresse : c'est la fontaine de la Frideyre, au nom significatif par son étymologie simple.

La source jaillit d'un rocher au bas d'un promontoire basaltique appelé Chantelauze "chante-alouette".

Au sud du village, à cent mètres du pont-levis s'élève une éminence du nom de "La Gardette" où était un ouvrage avancé pour la défense.

Près d'elle se trouve une mare profonde "La Poissonnière" renfermant jadis le poisson pour les jours maigres.

Au levant du village est un enclos spacieux, dont les murs sont en partie effondrés : c'était le jardin du château, et s'appelle encore "Le Jardin".

Non loin de celui-ci se dresse le petit hameau des Granges dont le nom indique l'antique destination.

Nos distingués amis, Mademoiselle Clémence Boisson directrice de l'école publique de Brioude, et Monsieur Antoine Chastaing, instituteur honoraire à Saint-Cirgues sont originaires des Granges où se trouve leur patrimoine.

Si la décadence est manifeste dans le nombre des localités rurales, elle est surtout sensible ici. "J'ai vu quatre-vingts feux à Vernières", nous disait l'honorable Cornet Pierre Cazau, né en 1818, pour énoncer que le hameau comptait quatre-vingts maisons habitées au temps de sa jeunesse. Et ce chiffre, à l'insu du brave homme, n'approchait pas de celui de la population normale à l'époque où le château jouissait de la plénitude de sa puissance, où, à ses pieds se pressaient charrons, forgerons, serruriers, charpentiers, menuisiers, tisserands, à côté des manants qui en constituaient l'élément essentiel.

Vernières fut une petite ville au moyen âge.

I - La Marion

La Marion de Vernières est connue de tout le monde. A quatre-vingt-deux ans elle fait les chars de foin, charrie l'engrais dans les champs, garde les vaches, lie les gerbes durant les intervalles de ses consultations.

Cependant une auto stoppe au Crucifix, point où tout véhicule s'arrête pour monter au village, et le chauffeur mettant pied à terre court vers la demeure de la femme médecin.

Bientôt un couple arrive à la voiture et voilà la Marion entraînée vers quelque malheureux en proie à la souffrance.

Elle guérit quelquefois et soulage toujours par les moyens et les remèdes classiques, par les plantes dont l'efficacité contestée ou contestable devient réelle par cet ascendant moral, ce pouvoir psychique, ce don si l'on veut qui a fait son succès et établi sa renommée quoi qu'on en dise.

Notoires sont les services qu'elle a rendus à l'humanité souffrante autour d'elle. Riches ou pauvres miséreux ou opulentes sont venus en foule lui demander la santé, ou sont repartis soulagés, réconfortés, tout pénétrés de cette satisfaction morale contre laquelle la maladie n'a pas de prise et qui a pu faire dire à Goethe : "L'homme ne meurt que par un effort de sa volonté".

Chapitre XI 

La Palle

La Palle (vanne d'entrée ou de sortie de l'eau dans une écluse) s'appelle encore Violette, ce dernier nom désignant plutôt une construction de la rive droite du ruisseau appartenant à la commune de Saint-Beauzire.

Le hameau se compose de quelques maisons dont deux habitées et de deux moulins avec écluse.

Le propriétaire des moulins possède encore au plateau des Martres un moulin à vent dont il ne reste plus que la tour en pierre, les meules, l'axe des ailes et de la grande roue dentée que l'on aperçoit à travers la toiture défoncée.

Cette petite localité bien que placée au fond d'un vallon d'où l'on ne voit que le ciel et ses pentes abruptes, n'est pas dépourvue d'agrément, d'esthétique et de pittoresque. Sur les flancs des coteaux qui l'enserrent, s'étalent des nappes de verdure émaillées de fleurs, de bosquets peuplés d'oiseaux, des bois touffus de chênes et de hêtres avec le pin qui les embaume, des rochers de granit bleu d'azur ou blanc d'argent d'où jaillissent des cascatelles au murmure agréable.

Et le ruisseau lui seul est une vie dans cette demi-solitude, peuplé qu'il serait de truites, de vèrons, d'écrevisses si l'agent destructeur qui a nom "braconnier" ne prenait le soin chaque mois d'en vider tout le contenu.

Non loin de là, dans le bois, on découvrit le corps, suspendu à une branche, d'une jeune fille victime d'un abominable gredin (la fille Merle de Lubilhac). Il y a quelque quatre-vingts ans.

L'assassin présumé, livré à la justice, ne put être condamné faute de preuves suffisantes.[15]

Chapitre XII 

Les Martres

Nous en parlons plus loin à la partie : "Documents historiques" (page 95), à propos de l'abjuration de ses habitants devenus protestants.

C'est le plus important village de la commune par sa riche agriculture, ses vignobles, sa position géographique sur un plateau volcanique à peu de distance au nord de Vernières, lequel domine les profondes vallées de Daü et de Violette.

Son climat tempéré, sa bonne exposition, ses sources abondantes, la fertilité de ses terres et leur facile exploitation lui assurent une situation privilégiée entre tous. Aussi son origine est-elle préhistorique comme en témoignent des objets archéologiques tels que pierres taillées et polies, haches en silex dont nous possédons quelques spécimens (page 115). Nous avons cherché à déterminer l'étymologie de son nom. Y sommes-nous parvenu en admettant qu'il est simplement celui d'un petit carnassier très recherché pour sa fourrure et qui précisément se rencontre dans ses parages où on lui fait la chasse l'hiver.

D'autre part, le français ayant dénaturé beaucoup de noms prononcés en dialecte local, le mot "Martres" ne serait-il pas plutôt celui des "bardes", prêtres et poètes lyriques chez nos aïeux ? La prononciation patoise semblerait l'affirmer.

Chapitre XIII 

L'Hermitage

Non loin du village des Martres, sur le plan incliné qui relie le plateau au ruisseau de Violette, face au hameau des Bordes, en l'une des nombreuses parcelles d'un terrain rocailleux disposé en terrasses existent les restes d'une construction appelée "Le Temple".

Les calvinistes avaient choisi ce lieu isolé et difficilement accessible pour se soustraire à l'indiscrétion malveillante des "papistes" comme ils désignaient alors leurs rivaux catholiques.

Peu séduisant était l'emplacement et pauvre devait être le temple où se rendaient les seuls habitants des Martres et des Bordes par des sentiers de renard.

Près des murs on a fréquemment exhumé des ossements humains indiquant que les protestants avaient là leur Champ des Morts.

Nous possédons des pièces de monnaie de Henri II, Henri III, Henri IV (page 112 et suivantes) trouvées à l'Hermitage nous permettant de préciser les époques où le temple était ouvert au culte.

Chapitre XIV 

Laversanne

Laversanne (terrain en pente), est comme le faubourg des Martres et le prolonge au midi en un massif de maisons anciennes habitées par des familles dont le nombre diminue sans cesse, suivant en cela la loi écœurante de dépeuplement de nos campagnes.

Chacun de nous se rappelle ici le vieux sourd-muet Boudon décédé il n'y a pas très longtemps, un artisan de valeur et un brave homme. Il était fabricant de chaises, de fauteuils rustiques solides et commodes dont il dota toutes les demeures et qu'il livrait à des prix absolument avantageux. Il possédait un clapier fourni des plus belles espèces de lapins, une fortune pour les gens qui trouvaient là à s'approvisionner à peu de frais à l'occasion des fêtes et des repas de famille.

Chapitre XV 

Château de Malpeyre

Malpeyre (Mauvaise pierre) est un village qui compte quatre ménages et onze habitants, dans une vallée profonde, au milieu des bois, perdu dans un isolement oublié.

Il était relié à Vernières par un chemin dont on retrouve quelques lambeaux apparaissant ça-et-là dans la forêt, et à Lubilhac son chef-lieu, par une voie impraticable actuellement. Ses habitants vont à Saint-Beauzire chef-lieu de la commune voisine où les conduit un assez bon chemin, à une distance moindre que Lubilhac.

C'est en ce lieu qu'est le château, une construction moderne, empreinte d'une certaine architecture et d'un luxe notoire, mais qui est le replâtrage d'un ancien petit manoir féodal.

Malpeyre fut un fief tenu depuis le quatorzième siècle par une branche de la maison de Molen ayant son siège principal à Auriac du canton de Massiac.

De la famille de Molen, le château de Malpeyre est passé par alliance dans celle du Comte de Noyant sous le Consulat, voici comment :

D'après Mademoiselle Marie, comtesse de Noyant qui nous l'a raconté verbalement en 1915, (elle est décédée aujourd'hui) son grand-père Monsieur le Comte de Noyant fut compromis dans la conspiration de Georges Cadoudal et vint se cacher dans la solitude de Malpeyre. Il échappa ainsi aux poursuites dirigées contre lui, s'allia avec les de Molen et devint par la suite propriétaire du château. Son fils nouveau Comte de Noyant vendit la propriété à M. Forqueray ex-directeur des mines du bassin houiller de Brassac, décédé en 1913, et dont le fils, M. Ludovic Forqueray, général de brigade, la possède actuellement.

Marie, comtesse de Noyant avait une sœur qui vit encore et doit habiter Clermont-Ferrand.

Ce n'est pas seulement le Comte de Noyant qui trouva un abri clandestin à Malpeyre chez les de Molen : avant lui des prêtres fuyant la terreur y obtinrent un refuge ignoré et sûr où ils purent laisser passer l'orage qui fit tant de victimes parmi leurs confrères.

Chapitre XVI 

Cistrière

Cistrière (lieu placé en avant) est bâti sur la plate-forme d'une colline dominant à l'est le profond vallon du ruisseau de Malpeyre. Il nous revient en mémoire comme fief appartenant à une autre branche de la famille de Molen de la Vernède, possédé au dix-septième siècle par Jean de la Vernède qui épousa le 6 janvier 1660 Gaspard de Vertamy. Son fils Pierre de la Vernède lui succéda et vendit son fief à la Maison de Malpeyre.

Dans ce village résida le fermier de la dîme durant une partie des règnes de Louis XIV et Louis XV comme il est constaté par divers reçus et quittances renfermées dans les registres de l'état civil de l'époque et dont voici un exemplaire : "Ce jour, 25 novembre 1695, reçu de Serondet de Cistrière, fermier de la dîme, la somme de cinq cents livres." Signé : Trousseilher, curé de Lubilhac.

Le nom de Serondet maintenu ailleurs est aujourd'hui disparu dans la commune (il y a des Serondet à Massiac). Cependant des descendants de cette famille existent encore. Nous avons assisté à une dispute entre voisins au dit village où l'une des parties adressa à l'autre cette apostrophe : "Va-t-en prélever la dîme !"

On se fait facilement une idée de ce qu'une telle fonction avait d'odieux aux yeux des gens soumis à cette taxe vexatoire. Ceux-ci avaient tout intérêt à dissimuler le meilleur de leur récolte.

Et le fermier plus intéressé encore était constamment aux aguets, voyait tout, se rencontrait partout, apparaissait au moment où l'on s'y attendait le moins pour surprendre le receleur, armé du pouvoir que lui conférait la législation draconienne d'une époque d'injustices.

Chapitre XVII 

Lafage

Le hêtre ou fayard lui a donné son nom patois. Il compte quelques habitants seulement logés dans des maisons modernes, confortables, avec toutes les commodités nécessaires et presque toutes édifiées sur le même plan : un bâtiment carré ou rectangulaire à deux étages, avec un toit à quatre pentes, un bâtiment rural attenant avec toit à deux pentes comprenant étable, écurie, bergerie et grange.

L'un d'eux se distingue par sa forme et sa construction, celui de M. Ginioux Antoine, maire depuis bientôt trente ans.

M. Apcher, un bourgeois jouissant de la considération publique l'avait construit et l'habitait quand il fut assassiné à peu de distance du village, une nuit de décembre 1875. Le vol était le mobile du crime. Les circonstances dans lesquelles il fut accompli méritent d'être rapportées :

M. Apcher arrivait de Brioude en voiture, à un tournant du chemin bordé d'un talus élevé avec un hêtre, où s'était dissimulé l'assassin. Soudain un coup de feu reluit et retentit dans la nuit sombre accompagné de cris déchirants : "Au secours ! A l'assassin !" Puis un second et le cheval affolé court vers sa demeure.

La famille et les voisins alarmés se précipitent. Ils s'empressent autour de la victime ; ils la comble des soins les plus affectueux et les plus éclairés, mais elle expire quelques jours après en répétant sans cesse : "Encore si je pouvais savoir quel est mon agresseur !"

Cependant la justice allait son train : enquêtes, perquisitions, interrogations, investigations se prolongeaient sans amener aucune découverte.

Trois semaines après un gendarme trouva enfin dans un genêt une bourre de fusil en papier écrit, la bourre révélatrice. A force de patience on put y lire le nom de M. Brunereau avoué à Brioude. On vole chez ce dernier, on le questionne. Sa réponse est qu'il a écrit dans la semaine à un nommé C. de V. un village éloigné de Lafage, hors de la commune de Lubilhac.

La clé de l'énigme était trouvée.

C. de V. malgré ses dénégations fut écroué à la maison d'arrêt de Brioude, puis traduit en cour d'assises au Puy et condamné aux travaux forcés à perpétuité.

A la Nouvelle Calédonie, il expia son forfait : il y est mort.

La famille Apcher ne pouvant plus désormais vivre heureuse sur une terre qui lui rappelait sans cesse ce drame horrible la vendit à M. Ginioux Antoine et alla habiter ailleurs.

(Il y a quelques années la maison du criminel fut la proie des flammes durant une nuit. Le lendemain, juste à l'emplacement d'un lit, on trouva les débris carbonisés du corps de sa veuve.)

Chapitre XVIII 

LE Mercœur

Le Mercœur est d'origine romaine et son nom signifie métal fusible parce que l'antimoine tiré dans ses mines est assez fusible pour être fondu sur place dans des creusets grossiers comme il en existe des restes[16].

Ce hameau comprend une importante métairie à un seul propriétaire et serait riche, mais sa situation sur un dos d'âne géologique qui termine au nord un vaste plateau, le plonge dans un isolement regrettable ; et dire qu'aucun chemin praticable ne lui ouvre le débouché de sa commune propre !

Un seul sentier passable, après bien des détours sur le plateau, aboutit enfin à la route de Massiac à La Chapelle-Laurent par où s'écoulent ses produits.

Le promontoire qui le porte domine plus loin le profond vallon de Daü et montre ça-et-là sur ses flancs les ouvertures d'anciens puits et galeries d'où les Romains tiraient le sulfure d'antimoine, l'azurite, la baryte. Cette dernière est encore exploitée de nos jours.

Un point culminant, "Le Suc-de-l'Eglise" fut occupé par une chapelle ou église dont il ne reste qu'un fouillis de pierres à bâtir et qui, sans aucun doute, avait été construite pour le service religieux des mineurs.

Tout près de là est l'ouverture en partie comblée du fameux puits de la Minayre.

La légende rapporte qu'un jour de Toussaint, justement par un châtiment de la colère céleste, parce que les ouvriers s'étaient permis de travailler un jour sanctifié, cent mineurs furent ensevelis dans un éboulement qui n'a pas été relevé depuis : le puits a été abandonné.

Souvent nous nous sommes dit que l'on pourrait vérifier l'exactitude de la catastrophe par des fouilles faciles à exécuter, lesquelles aboutiraient à la découverte de squelettes restes des victimes, avec des pièces archéologiques ou numismatiques qui permettraient à coup sûr d'en fixer la date.

Nous signalons le fait à l'attention des archéologues.

Chapitre XIX 

Ceroux

Le nom de ce hameau en celte, ruisseau, cours d'eau.

Deux maisons habitées, deux moulins, un local vide en constituent la teneur.

Il est situé sur le ruisseau du même nom et sur le chemin de Lubilhac à Mercœur, à la profondeur de trois cents mètres au-dessous du village de Fraisse.

Là habita l'opticien Combes Simon qui nous racontait avec quelque cynisme comment, insurgé des journées de juin 1848, il balayait les tuiles d'un toit sur les pauvres soldats combattant dans la rue.

Il avait cru faire fortune, profitant d'une force hydraulique gratuite, en créant une fabrique d'instruments d'optique, lunettes ordinaires, lunettes de Galilée, longues-vues et toutes lentilles spéciales qu'il écoulait ensuite cers les centres tels que Lyon et Paris.

L'opération fut un moment retentissante mais déclina ensuite graduellement jusqu'à la mort du fondateur survenue en 1897 pour finir dans un désastre.

Aujourd'hui la fabrique est abandonnée.

Le frère de l'opticien autre Combes meunier, son voisin, un brave également ayant combattu mais pour une cause bien plus légitime, vint nous trouver un jour de 1893 : "Je viens vous prier, nous dit-il, de me constituer un dossier de demande afin d'obtenir la médaille militaire. J'ai fait la guerre de Crimée comme tambour des Zouaves de Mac-Mahon. J'étais à côté de lui sur le glacis de Malakoff. Je suis porteur de quatre agrafes que voici."

En effet, nous pûmes lire sur le bronze attaché à sa boutonnière : Balaklava, Inkermann, Traktir, Sébastopol.

En échange de notre peine un gros plat de poisson nous était promis.

Sur-le-champ nous nous mîmes à l'œuvre. La demande dans laquelle le fait raconté plus haut figurait en première ligne, la copie des états de service, l'acte de naissance, tout le dossier enfin partit pour le ministère. La réponse revint aussitôt : "La médaille militaire se donne en temps de service actif pour action d'éclat ou de bravoure, non à une époque si lointaine de la guerre invoquée."

Adieu poissons, médaille et surtout allocation y attachée !

Chapitre XX 

Le Rouge

D'un ancien hameau habité par quelques familles, il ne subsiste qu'un petit nombre de constructions appartenant à un seul propriétaire, M. Granet, qui se trouve en même temps à la tête d'un très important et riche domaine : c'est le domaine de Rouge[17].

Il est placé sur le versant occidental de la colline volcanique du Mirial et s'élargit ensuite à l'ouest sur un terrain primitif creusé de vallons, de combes, et du ravin dans lequel coule le cours supérieur du ruisseau de Daü.

La terre en est riche et se prête admirablement à tous les genres de culture. Le bois y est abondant bien que répartit seulement de place en place sous forme de bosquets. Mais tous les arbres forestiers y sont représentés excepté le sapin.

L'habitation du maître est d'une architecture bourgeoise remontant à la Restauration. Elle comprend un vaste bâtiment rectangulaire face au midi, de très belle apparence, offrant toutes les commodités nécessaires à la vie d'intérieur et à la vie des champs.

A côté sont les constructions rurales propres à abriter les nombreux animaux domestiques. D'autres environnantes servent de remises où sont enfermés tous les outils et instruments d'intérieur et d'extérieur de ferme. Par une observation attentive, on s'aperçoit qu'elles sont la réédification des demeures des ménages disparus. L'eau potable, l'eau des abreuvoirs ne peut être que pure et abondante, coulant dans les couches profondes d'un sol alternativement sableux et argileux et présentant nombre de dépressions en cuvette susceptibles de la recueillir.

Un assez bon chemin conduit à la voie vicinale n°17 ; un autre à la route de Massiac à La Chapelle-Laurent.

Le domaine a sous sa dépendance et non loin celui du Lac où se voit une maison bourgeoise autrefois habitée par un notaire, déserte actuellement ainsi qu'un imposant bâtiment rural.

A peu de distance s'élève le piton du Mirial (miroir) sur lequel fonctionna le télégraphe de Chappe. Aussi lui donne-t-on le nom de Chappelat (grand Chappe).

Ce télégraphe a été en usage même bien après l'invention du télégraphe électrique.

Juste à l'endroit où était le poteau, le service de l'armée a érigé un prisme en maçonnerie avec entablement où des opérateurs installent un miroir au moyen duquel ils renvoient les rayons solaires à d'autres postes analogues placés sur les sommets de Bard-près-Allègre, du Mézenc, du Lioran, du Puy-de-Dôme.

C'est la télégraphie solaire remplaçant le télégraphe Chappe, expérimentée par des sections militaires la veille de la Guerre.

Chapitre XXI 

Montmège

Montmège (demi-mont), ainsi nommé par son emplacement sur la pente nord d'un monticule, est habité par une famille très honorablement connue, la famille Combes, avec deux ménages, deux bâtiments, dont l'un très allongé comprend les deux habitations, la grange, l'étable, la bergerie est un bâtiment mixte ; l'autre est spécialement un bâtiment rural.

Tous les deux ont conservé leur forme première : toit à deux pentes, murs massifs, dénotant l'ancienneté et l'usage. Naguère ce lieu comptait deux autres familles et plus encore auparavant, car il est à remarquer qu'autrefois il n'y avait pas de fermes isolées. Les anciens par instinct de conservation prenaient plutôt le soin de grouper leurs demeures afin d'être en mesure de se défendre ou de succomber ensemble aux époques troublées de notre histoire, fertiles en coups de main et surprises continuelles.

Chapitre XXII 

Daü

Daü, mot celtique, veut dire : là-bas, au fond.

Au fond d'un vallon étroit qui n'est autre qu'une gorge profonde déchiquetée par de multiples déchirures, sur le petit ruisseau qui l'arrose sont disséminés les restes d'antiques maisons, un moulin, des huttes, des baraquements, une maison moderne : tel est le lieu de Daü, le centre d'une concession minière au nom de la Compagnie Franco-Italienne ayant siège à Gênes.

Sur les pentes des coteaux avoisinants apparaissent nombreuses les ouvertures des galeries, des plans inclinés, des puits qui se perdent dans la montagne en un labyrinthe inextricable, à tel point que le sol semble miné partout.

Sur la peu large plaine enserrée entre les parois du vallon, se voit le cône béant du Grand‑Puits, à cent mètres de profondeur, abandonné. Un treuil mû par un manège montait l'eau et le minerai alors qu'on y travaillait.

Daü a été même fouillé par les Romains : des fragments de poterie en grès cérame, de la monnaie de César Auguste, Tibère, Claudius, dont nous possédons quelques échantillons l'attestent[18].

On se perd en conjectures sur l'emploi que ceux-ci faisaient de l'antimoine, ne connaissant ni l'imprimerie ni la pyrotechnie ni les poudres qui l'absorbent. A en croire certains archéologues ils connaissaient des explosifs destinés à faire sauter les blocs énormes qui se voient dans leurs constructions et qu'ils l'utilisaient à cet effet. Mais il y a lieu de penser que ce métal appelé par eux stibium entrait par alliage dans la fabrication d'objets divers que nous ne saurions désigner.

Quoi qu'il en soit ils cessèrent son exploitation probablement dès la grande invasion et la mine de Daü fut vouée au silence pendant le moyen âge et une partie des temps modernes pour reprendre son activité au dix-huitième siècle sous l'impulsion d'entrepreneurs.

A partir de la loi de 1810 qui réglementa l'exploitation minière, celle-ci fut octroyée à des compagnies concessionnaires, et le territoire de la commune de Lubilhac fut à ce point de vue divisé en plusieurs concessions passant successivement d'une compagnie à une autre. Ainsi actuellement la concession de Daü appartient à la dite compagnie Franco-Italienne ; celle de Fraisse à la compagnie Brioude-Auvergne.

Sauf la concession de Fraisse que nous avons vue en activité d'une manière continue depuis quarante ans, celles de Daü, Lafage, Cistrière n'ont fonctionné que par intermittence ; en ce moment elles sont au repos.

Chapitre XXIII 

Tany

Tany (tanière, hutte, cabane) est actuellement un hameau de cinq maisons habitées en y comprenant Lachaud, (Lachalm, champ) métairie qui en fait partie et dont il est séparé par le communal. Celui-ci est un rectangle de verdure plat et horizontal de trois hectares de superficie et qui, par ces avantages, appelait naguère les jeunes gens du pays à s'y livrer à des jeux divers dont le plus attrayant était celui des quilles.

C'était toujours la soirée du dimanche que la jeunesse employait à s'ébattre, à se divertir, à cultiver en cet endroit favorable les sentiments d'amitié, de solidarité par un échange continu de relations d'idées, de connaissances et de conseils pratiques sur la terre et sa culture.

Cependant ces réunions hebdomadaires ne comportaient pas que des avantages : des disputes, des rixes même inhérentes au caractère de certains éclataient parfois. L'une d'elles eut son épilogue dans un drame sanglant.

Mettant à profit l'aphorisme, (deux coqs vivaient en paix, survint une poule, voilà la guerre allumée), deux champions se colletèrent au crépuscule d'une soirée de 1882. Le plus faible, M. tenant le dessous parvint à saisir son couteau et à piquer son adversaire à la cuisse. Il avait atteint l'artère fémorale.

On sépare les combattants. Le nommé N., remis sur pied, tomba pour ne plus se relever. Sans la présence des spectateurs, son meurtrier l'aurait horriblement mutilé avec une grosse pierre dont il s'était muni.

L'affaire se déroula en justice ; M. plaida l'homicide involontaire, mais dut néanmoins purger une peine de cinq années de réclusion à l'île de Corse.[19]

Tany a suivi la règle de dépopulation de nos campagnes et de ce fait a beaucoup perdu de son importance comme le montrent les nombreux restes des anciennes maisons.

Comme Sauvagny il a été déplacé à une époque indéterminée avant laquelle il occupait le mont dit "Le Peu" et s'appelait "Tany-Nouveau".

"Le Peu" est le nom générique de plusieurs sommets de collines ou de coteaux dans la commune de Lubilhac, où nous voyons : le Peu-de-Roses au sud du chef-lieur ; le Peu-du-cimetière ; le Peu-de-Tany-Nouveau. Il signifie montagne en langage celtique. Nous le retrouvons modifié dans : Puy-de-Dôme, le Puy-en-Velay, Polignac, Polminhac (lisez : Podminiac, endroit de montagne).

Le Peu-de-Tany-Nouveau est intéressant, non parce qu'il a porté l'ancien village, mais parce que ce fut un volcan dont le cratère est en partie effacé et dont la lave a formé plus au nord l'éminence de Chantelauze et peut-être le plateau des Martres. Son sol se compose de roches basaltiques, de lave brûlée, d'une terre cultivable provenant de ces roches désagrégées, pulvérisées, dissoutes par l'action de l'eau et désignée en langue locale sous le nom de "terre de chausse", la plus fertile des terres.

Avant de quitter ce village le devoir et plus encore un sentiment de douloureuse sympathie nous commandent de saluer la demeure et les parents de notre élève Massebœuf Pierre, intelligent et brave jeune homme qui fit la campagne de l'Yser comme fusilier marin entra ensuite dans l'aviation militaire pour aller évoluer aux Dardanelles et se tira sans une égratignure des combats auxquels il avait pris part.

Libéré du service de l'armée il s'engagea dans une compagnie aéronautique et pilotait avec un jeune second un hydravion qui faisait le service postal entre Bayonne, Bilbao, Santander. Dans sa dernière visite au pays natal, il nous fit part de ses projets d'avenir, nous parla des avantages matériels et moraux de son emploi, de sa foi dans le succès de ses randonnées aériennes.

Hélas ! nous ne devions plus le revoir. Parti de Bayonne avec son compagnon pour effectuer le voyage ordinaire, il n'arriva ni à Bilbao ni à Santander. Des bateaux français et espagnols s'élancèrent de tous côtés à a recherche des deux aviateurs et parvinrent à retrouver une épave de l'aéronef : les deux infortunés avaient bien péri dans les flots et restèrent introuvables.

Chapitre XXIV 

Gliseneuve

Gliseneuve rappelle la dénomination romaine. On a retrouvé dans son sol des objets religieux, une tête d'Apollon en plâtre, de la monnaie de la colonie de Nîmes. Nous possédons une pièce bronze[20] où à la face se voient en opposition les têtes d'Auguste et de son gendre Agrippa avec cette inscription : "Augustus imperator divus". Au revers, un crocodile enchaîné à un palmier et le mot : "Colnem". Lisez :"Auguste empereur Divin" et "Colonie de Nîmes"

Rongier François, en pratiquant une fosse dans le terrain communal découvrit un pot de terre renfermant quinze cent pièces argent, présentant avec le monogramme du Christ l'inscription : "The Maria Podiensis" pour "Pour Marie du Puy"[21].

C'était la monnaie de la ville du Puy de l'époque carlovingienne.

La population devenue chrétienne, Gliseneuve construisit une église et devint chef-lieu de paroisse. Il conserva ce titre jusqu'à l'arrivée du seigneur de Vernières qui transféra le siège au lieu de Lubilhac.

Il ne subsiste de l'église que la base des murs. Les pierres de taille, les moellons, les cintres ont disparus ; il y a lieu de penser qu'ils servirent à édifier celle du nouveau chef-lieu.

Le cimetière à côté se perd dans le communal. Pour peu qu'on le fouille, il n'est pas rare de rencontrer des squelettes. Les dimensions des os des bras et des jambes indiquent que les hommes étaient de taille élevée. De plus les mâchoires portant toutes leurs dents, nous avons quelques raisons de croire que la carie dentaire était inconnue de nos ancêtres.

Gliseneuve présente l'aspect d'une bourgade déchue ayant eu une certaine activité et une certaine importance.

La voie romaine qui traverse le bois de Beaufoy le reliait d'une part au Cantal, et de l'autre à la Limagne. La route Brioude-Saint-Flour la remplace.

Près de ce village on rencontre des vestiges des fondements d'un château appelé La Rochette, habité par une famille du nom : de La Rochette. Ce fut une forteresse abandonnée ensuite et livrée à la destruction.

Chapitre XXV 

Sauvagny

Sauvagny[22] est la corruption du nom composé "sauve-le-nid" et rappelle le souvenir d'une malheureuse année, l'année 1693, au temps de la guerre dite de "La Ligue d'Augsbourg".

Dans les premiers temps de notre séjour à Lubilhac, les anciens racontaient qu'à une certaine époque la peste ayant fait périr tous les habitants du village moins un, celui-ci alla se réfugier dans une hutte sur le versant oriental du vallon de Sauvagny et autour de laquelle se groupèrent les maisons actuelles.

Le vieux village fut donc abandonné ; mais les fondations, les caves, les murs des jardins subsistent et sont encore apparents, témoignant de la réalité du fait.

On dit alors que le fugitif avait sauvé le nid : de là le nom patois de "saouvenid", en français "Sauvagny" donné au nouveau hameau.

Nous considérions cette narration comme une légende quand, feuilletant les registres de l'état civil de l'époque du Grand Roi, nous arrivâmes à celui de 1693 portant comme titre : "Année de la peste".

La peste sévit toute cette année-là et fut surtout terrible d'avril à juillet. On compte durant cette période un, deux décès par jour pour la commune entière. Sauvagny, à n'en pas douter, fut le plus cruellement éprouvé.

Qu'était ce genre de peste ? Ce n'était pas le choléra asiatique, ni la peste bubonique, encore moins la variole. C'était sans contredit l'épidémie que nous avons appelée : "grippe espagnole" et que le défaut d'isolement, de soins et d'hygiène rendit particulièrement meurtrière.

Le sommet du Dôme appelé en patois "Suc-du-Dôme" était le lieu où se faisait le prélèvement en nature du dixième de la récolte au profit d'un fermier dont nous avons parlé, moyennant une redevance annuelle payée par le clergé ! Celui-ci se déchargeait ainsi du peu louable soin de torturer les gens pour se faire livrer les produits destinés à sa subsistance.

L'éminence du "Suc-de-la-Fève" sépare le village du plateau de Buge-Blanche, une superbe et immense esplanade comprenant un communal, des pâtures, des prairies et des champs.

Quel bel emplacement pour les exercices des soldats s'il était à proximité d'un centre militaire ! Et quel lieu splendide pour le peintre et le poète !

Par une sereine matinée de printemps, assis sur l'herbe tendre tout près des fleurs aux multiples espèces, qui jettent leur suave parfum dans l'air pur de montagne, alors que les oiseaux saluent de leur chant le retour à la vie nouvelle, on goûte un bien vif plaisir à y séjourner un instant.

Le laboureur à côté ouvre son sillon ; le pâtre conduit son troupeau et les bovins paissent partout dans les pâturages.

La vue s'étend au loin et découvre le sommet du Loubarcet, volcan éteint semblable à celui de Bard-près-Allègre, le Plomb du Cantal, le mont Dore, le Puy-de-Dôme, les monts du Forez, ainsi que les innombrables communes dispersées dans l'immense cuvette dessinée par la ligne de leur faîte.

Attiré par tant de beauté, un riche propriétaire, M. Planche, y construisit une belle maison et y séjourna. Elle appartient maintenant à M. Igonel de Sauvagny qui l'a transformée en bâtiment rural.

Présentant seule un relief sur la haute plaine, elle est toute désignée pour servir de point de mire au feu du ciel. Aussi durant un orage de juillet 1904 fut-elle frappée par la foudre qui tua trente brebis. Le berger qui les y avait abritées avait heureusement gagné Sauvagny.

Fréquemment Buge-Blanche fut le rendez-vous de nos promenades scolaires. Nous nous plaisions à faire admirer des élèves la beauté du site, nous inspirant de la pensée de George Sand quand elle disait : "Je plains le paysan parce qu'il ne regarde pas."

Il regarde maintenant mais du côté de la ville où l'attire un appât trompeur.

Là les enfants prenaient leurs ébats et écoutaient le remarquable écho produit par la façade de la maison.

M. Magne Antoine, conseiller d'arrondissement, adjoint au maire depuis 1900, est né à Sauvagny où il exerça longtemps la profession d'agriculteur avant d'aller se fixer à Brioude comme négociant. Son éloignement ne l'empêche pas de s'occuper des intérêts de sa commune au service desquels il mit cet esprit d'initiative, cette activité, forte volonté qui le caractérisent et qui ont permis de vaincre les résistances se produisant toujours quand il s'agit de transformations, de créations de travaux publics.

C'est grâce à lui que les édifices communaux ont été construits, achetés, réparés, que le chemin n° 17 a été ouvert.

On en attend encore l'ouverture du chemin de Daü, l'installation du téléphone, de l'éclairage électrique, toutes innovations précieuses tendant à enrayer cet état de décadence qu'entraîne la décroissance graduelle de la population.

Chapitre XXVI 

Garnigoule

Garnigoule, étymologie : "passage obstrué", est un petit village au sud-ouest du chef-lieu assis sur les deux flancs d'un ravin qui commence au sommet bois du "Suc-de-la-Nuit" pour finir au ruisseau de Daü.

Bâti ainsi en amphithéâtre sur un terrain en pente, sillonné par des rues tortueuses et montantes, il présente avec ses maisons vétustes l'aspect d'une antique localité qui a été peuplée et l'est encore par de rudes travailleurs de la terre, sobres, robustes, économes et endurants comme l'imposait la nature de son sol à culture pénible.

Les champs, les prés, les bois sont en effet répartis sur des gradins, des pentes excessives et ne sont desservis par aucun chemin commode.

Cependant le sol est fertile, l'agriculture prospère. L'élevage des jeunes animaux, la culture des arbres fruitiers, de la vigne même comme celle des abeille s'y pratique sur une large échelle et contribuent à entretenir la richesse des habitants.

Madame Pastourel la sympathique institutrice du Pradal est née à Garnigoule, domicile de ses père et mère, Monsieur et Madame Mercier-Rèche.

Chapitre XXVII 

Labaraque

Labaraque est le centre de la deuxième section scolaire de la commune et possède une école mixte avec sa maison construite en 1908 selon les plans admis par l'autorité administrative : classe spacieuse bien éclairée, appartements du maître établis et disposés avec soin, jardin clos de murs, puits avec pompe ; préau couvert et cour fermée pour la récréation des élèves.

Son emplacement à la jonction des deux routes , Lubilhac et Brioude-Saint-Flour, un peu distant du village, en plaine, avec prairies autour ; le splendide panorama qu'on y observe, le bon état des chemins qui s'y rendent en font une école de tout premier ordre, un peu froide l'hiver à cause de son altitude, neuf cents mètres, exposée aux vents, contre lesquels rien ne l'abrite.

En 1880 fut créée l'école mixte et installée dans un local appartenant à M. Boudon qu'elle quitta pour la maison nouvelle.

Les instituteurs ou institutrices qui l'ont successivement dirigée sont :

 

1

M.

Bresse

1881 - 1885

2

M.

Degoul

1885 - 1888

3

M.

Massebœuf

1888 - 1896

4

M.

Bruhat

1896 - 1899

5

M.

Mathieu

1899 - 1922

6

Mme

Bonnefoy

1922 - 1923

7

Melle

Poinasse

1923 – 19??

Le hameau, à portée de fusil de Gliseneuve, a dû être florissant à l'époque où celui-ci formait paroisse, par sa situation au croisement de nombreuses voies de communication : Brioude-Saint-Flour, Lubilhac-Mercœur, avec la Via Romana que l'on découvre à travers le bois de Beaufoy et qui mène à Saint-Beauzire.

Au moment de la construction du Brioude-Saint-Flour, chemin de fer aujourd'hui en exploitation, il fut une vraie petite ville.

On y vit érigés de nombreux baraquements et maisons en planches recouverts en papier goudronné, renfermant boucherie, boulangerie, négociants-drapiers, restaurants, cafés et abritant plus de deux cents terrassiers, mineurs, ingénieurs, architectes etc., parce que à proximité des travaux les plus considérables de la ligne : tranchée du Monteil, tunnel de Gliseneuve.

Les travaux ayant pris fin, la cité disparut comme par enchantement ne laissant que la fumée des locomotives qui serpente dans le ciel bleu pour rappeler aux habitants l'ingratitude de la société concessionnaire, laquelle n'a pas même daigné leur offrir une station à la barrière du Monteil sur le chemin, un peu au-delà du village.

Une gare, une station, même un simple halte nous intéressait au premier chef. L'importance de notre commune en décroissance, depuis la décadence, il faut le reconnaître, de la famille des de Vernières aurait pu revenir à sa prospérité d'antan ou tendre à en approcher, car à en juger par le mouvement de population constaté au registre de l'état civil vieux de trois siècles, elle comptait douze à quatorze cents habitants ; le dernier recensement en accuse trois cent quatre-vingt-quatre.

L'occasion était favorable, l'heure était propice. Mais il aurait fallu le bon vouloir de la dite compagnie. Il nous fit complètement défaut malgré nos supplications, délibérations, pétitions de toutes sortes.

L'opinion publique a accusé bien à tort la municipalité de cette grande faute commise, cependant que celle-ci a fait l'impossible pour l'éviter.

Chapitre XXVIII 

Le Fraisse

Le Fraisse (nom patois du frêne) compte trois maisons et leurs dépendances, édifiées avec art, à la moderne, où les règles de l'hygiène, tant pour les personnes que pour les animaux sont rigoureusement observées. La dernière en date est de construction toute récente et remplace celle qui fut détruite par le feu en 1918, elle appartient à M. Boudon, l'un des plus imposé de la commune, le beau-père de notre ami M. Monier instituteur à Ally.

Ce hameau occupe une éminence en partie boisée, en partie cultivée, exposition levant, à une altitude de neuf cent cinquante mètres. Un magnifique point de vue d'où l'on aperçoit nombre de localités, de pics, de monts de vallées. Celle de Ceroux qui s'étend à ses pieds, à une profondeur de trois cents mètres est un prodige d'accident de terrain, de ravines, de pentes boisées où la sauvagine indigène trouve toutes facilités pour croître et se développer.

Tandis que le Ceroux roule dans les fonds ses eaux limpides poissonneuses en un fracas inexprimable par les temps de grande pluie.

Il est le centre de la concession minière "Brioude-Auvergne" et son sous-sol est sillonné de galeries qui aboutissent à un puits central desservi par un treuil à vapeur lequel monte le minerai de sulfure et d'oxyde d'antimoine.

En décembre 1900, deux ouvriers mineurs, Ouillon André et son fils logeant dans une chambre à Labaraque étaient occupés à dix heures du soir à manipuler des cartouches de dynamite. Soudain une formidable explosion attira les voisins vers les deux imprudents dont les corps gisaient ensanglantés parmi les décombres.

A part cet accident et quelques autres fort rares, les mines de Lubilhac ont offert assez de sécurité.

Le danger pour les mineurs a une autre cause : La respiration d'un air imprégné de poussières de sulfure avec trace d'arséniure d'antimoine, lesquelles ont fait mourir la plupart d'entre eux par lésions pulmonaires.

Chapitre XXIX 

Le Monteil

Le Monteil (endroit montueux) est un ancien hameau dont il reste une maison habitée si l'on excepte celle du garde-barrière construite avec la ligne. Là, la commune de Lubilhac avait espéré du Paris-Lyon-Méditerranée la construction d'une station, sinon une gare : vain espoir perdu dans le nuage de vapeur qui s'envole du train en marche.

Plus qu'aucun autre lieu le Monteil a été ainsi déshérité des biens qui, dans les hasards de la vie, tombent parfois sur une localité, un pays par le seul fait de l'aveugle destin.

Placé à l'intersection de la voie ferrée et du chemin de Lubilhac à Mercœur, cet endroit aurait été le rendez-vous général des habitants de quatre communes : Saint-Just, Mercœur, La Chapelle-Laurent et Lubilhac, et aurait été appelé à un brillant avenir. L'obstination de la dite compagnie est restée invincible, se retranchant derrière l'excès de dépenses prévues dans une telle opération en ce point difficile.

La pente de la voie y atteint en effet son maximum, trente-trois millimètres par mètre, en une courbe de rayon minimum, toutes circonstances défavorables à l'objet de nos vœux. Comme satisfaction à nous donner, une halte fut établie à trois kilomètres plus loin, à Cornil, un hameau reculé en un lieu inabordable appartenant à la commune de La Chapelle-Laurent où se rendent en effet les habitants les plus voisins, à travers les rochers et les bruyères, par des sentiers de chèvres interdits à tout bon véhicule.


 

 

 

 

 

 

PARTIE IV  

 

 

Partie documentaire



Chapitre I 

Etat religieux de la paroisse.
Calvinistes
.

La population est catholique.

Cependant le village des Martres a été calviniste. Dire à quelle époque il le devint et comment reste le secret des temps passés.

M. de Saint-Poncy Léo, ancien préfet de la Haute-Loire, dans sa notice sur Blesle parle d'un Antoine de Chavagnac de Blesle qui enleva une religieuse du couvent de la famille des de Montgon, passa à Genève, se fit protestant avec ses enfants dont l'un fut un célèbre chef huguenot tué au siège d'Issoire 1577. Cette famille des Chavagnac rentrée dans ses foyers serait peut être bien pour quelque chose dans l'introduction du protestantisme dans le pays, aux Martres commune de Lubilhac, aux Bordes commune de Saint-Beauzire.

Nous regrettons amèrement que la légende, les récits, même quelque écrit parvenus jusqu'à nous ne puissent nous parler de l'attitude du Monsieur de Vernières à qui les habitants de ces deux villages étaient soumis, à l'égard de leur adhésion à la réforme.

D'ailleurs, si même nous savons cette révolution religieuse survenue dans ces deux localités, c'est grâce au document suivant conservé aux archives de la mairie.

Chapitre II 

Abjuration des Protestants des Martres et des Bordes

"L'an mil six cent quatre-vingt-cinq et le premier jour de dimanche du mois de décembre à la première messe[23], dans l'église de paroisse de Lubilhac, par-devant Messire Jean-Ignace Charrère de Belœil, prêtre docteur en théologie, curé d'Ally, député de Monseigneur l'Illustrissime et Révérendissime Jérome de la Mothe Boudamour, évêque de Saint-Flour, les sous-nommés du village des Martres en cette paroisse de Lubilhac et du village des Bordes de la paroisse de Saint-Beauzire, ont fait l'abjuration de l'hérésie de Calvin et profession de la foi catholique, apostolique et romaine en la forme qui s'ensuit :

"Nous, François Bouschat, Jean Bouschat, Marie Faucher, Claude Bouschat, Jérôme Bouschat, Samuel Bouschat, Olympe Aubijoux, Jacques Faucher, Anne Faucher, Suzanne Aubijoux, Balthazar Bouschat, Sara Boudin, Jean Bouschat, Antoine Faucher, Antoine Bouschat, Antoine Sigot, Marie Faucher, Anne Barthomeuf, Antoine Faucher, Catherine Faucher, Antoinette Bouschat, Pierre Faucher, Isaac Faucher, Jacques Faucher, Antoine Faucher, Samuel Bouchard, tous du lieu des Martres et des Bordes, reconnaissons avec humilité et avec douleur et confessons devant la Très-Sainte Trinité et devant la Cour céleste, et en présence de toute cette assemblée, que nous avons gravement péché en nous attachant à l'hérésie de Calvin et croyant ses diverses erreurs. A présent que Dieu nous a fait la grâce de nous reconnaître, nous abjurons, nous détestons, renonçons et condamnons librement et de bon cœur et avec sincérité toutes les erreurs du dit Calvin et toutes les autres de quelque nature, et auteurs qu'elles soient parvenues, contre les vérités de la Sainte Eglise Romaine. Nous croyons de cœur, nous confessons de bouche et nous promettons que nous retiendrons toute notre vie désormais sincèrement cette foi que l'Eglise Romaine seule garde et enseigne, comme ce que nous promettons et que nous jurons sur les Saints Evangiles".

Ont signé : Bouschat, Bouschat, Pierre Faucher, Jean Faucher, Antoine Faucher.

Les autres ont déclaré ne savoir signer, de ce enquis.

Puis viennent les signatures :

Combes, Queyrel, Serondet, Guillaume Mourgues vicaire, Etienne Trousseilher curé, Charrère de Belœil curé d'Ally et député de Monseigneur l'évêque de Saint-Flour.

Le même jour, à la grand'messe, Samuel Faucher, Marguerite Aubijoux, Marguerite Faucher, Marie Bouschat, Isabel Sigot du village des Martres firent la même abjuration et profession de foi.

Le troisième jour de dimanche, Pierre Faucher et autre Pierre Faucher, Pierre Sigot, Catherine Faucher et autre Catherine Sigot du village des Martres, Josué Sarrazin, de Ségur tisserand aux Martres ont fait la même abjuration et profession de foi que dessus.

Le vingt-neuf décembre, six autres protestants des Martres firent abjuration et profession de foi.

Le dix-neuf août 1686, Antoine Rodier des Martres fit abjuration et profession de foi dans la dite église de Lubilhac en présence de Monsieur Dominique Chandorat prieur de l'église de Saint-Victor, Monsieur Guillaume Mourgues vicaire de Lubilhac et Monsieur Durand Chandorat frère du prieur et praticien à Massiac."

Telle est la copie exacte de l'acte authentique conservé par la mairie.

Cet acte d'abjuration fut, on le voit, la conséquence de la révocation de l'édit de Nantes prononcée par Louis XIV.

Les protestants ayant à choisir entre l'abjuration, l'exil ou les excès de ce que l'on a appelé les "dragonnades", ceux de notre pays moins fanatiques et plus sages pensèrent que leur patrimoine valait bien "une messe", abjurèrent et furent en paix.

Chapitre III 

Feu de joie
fait avec les livres, titres constitutifs, terriers
etc.
des châteaux de Vernières et de Malpeyre.

"Aujourd'hui, dix-neuf frimaire, l'an deux de la République française, une et indivisible sont comparus au greffe de cette municipalité le citoyen Clermont habitant Nescher, district d'Issoire département du Puy de Dôme, fondé de procuration du citoyen Rodde-Vernière, habitant la ville de Clermont (ci-devant seigneur de Vernières), et la citoyenne Catherine Demolen du lieu de Malpeyre, lesquels pour se conformer au décret du dix-sept juillet dernier qui supprime sans indemnité toutes redevances ci-devant seigneuriales et droits féodaux, même ceux conservés par le décret du vingt-cinq août dernier, ont déposé au dit greffe les terriers, livres et autres titres constitutifs, duquel dépôt, le corps municipal, après leur avoir donné acte de décharge valable, l'a fait brûler sur la place publique en présence du conseil général de la commune et des citoyens, les dits jour et an que dessus."

Signé : Isabel maire ; Admiral greffier ; Cornet et Bouchet.

Chapitre IV 

Déclaration de Vital Granet prêtre sous la Révolution

"Aujourd'hui, vingt décembre mil sept cent quatre vingt-neuf, assemblée de la municipalité de la paroisse de Lubilhac a été tenue en la manière ordinaire, à laquelle a comparu Monsieur Vital Granet prêtre, habitant du lieu et paroisse de Lubilhac, élection de Brioude, diocèse de Saint-Flour en Auvergne, chapelain de la vicairie de Notre-Dame-de-la-Vesseyre, dont il est titulaire, des Innocents de Vernassal, lequel pour satisfaire au décret de l'Assemblée Nationale du treize novembre dernier, a fait la déclaration des biens et revenus dépendant de la dite vicairie de Notre-Dame-de-la-Vesseyre comme s'ensuit :

La dite chapelle ou vicairie est sous le titre de Notre-Dame-de-la-Vesseyre-des-Innocents, et le patron de la dite Chapelle est Monsieur le Comte de Dommange-ville comme étant aux droits de ses prédécesseurs qui se sont retenus par-devers eux tous les titres de la dite chapelle, qui en est le collateur, le visa de Monseigneur l'évêque de Saint-Flour et la prise de possession. Le service de la dite chapelle ou vicairie est une messe basse tous les vendredis de l'année, qui se disait dans la chapelle dite des "Innocents" située dans la paroisse de Lorlanges proche Brioude ; mais l'église étant tombée en ruines, elle fut interdite et la chapelle ou vicairie fut réunie à celle de Vernassal par décret de Monseigneur l'évêque de Saint-Flour, à la charge d'une messe tous les vendredis, et par permission du dit seigneur évêque, la messe a été changée au dimanche pour la commodité des habitants de Vernassal.

Il appartient à la dite chapelle plusieurs parcelles de dîme situées dans les paroisses de Lorlanges, Saint-Beauzire et Espalem qui peuvent produire, année commune, douze setier seigle : le setier pesant deux cent quarante-huit livres ; et trois setier orge ou avoine, savoir : dans le village de Bosmontparent paroisse de Saint-Beauzire, huit setiers quatre cartons seigle, plus ou moins que le dit sieur déclarant a fait lever tous les ans.

Plus, dans les villages du Croizet et Bayssat, sus-dite paroisse de Saint-Beauzire, trois setiers quatre cartons seigle que le dit sieur déclarant a affermé pour six ans par acte reçu, Lafont notaire royal à Massiac. Plus dans le village de Lagarde paroisse d'Espalem, quatorze cartons seigle, suivant le bail de six ans par acte reçu, Lafont.

De plus, dans le village de Clamont paroisse de Lorlanges, sept cartons seigle, par acte reçu, Lafont.

De plus, il appartient à la dite vicairie environ douze septérées[24] de terre, mauvais terrain, ne produisant que d'une année à autre, dix-huit quintaux de foin environ, le tout est affermé pour huit années à raison de cent huit livres [25], et une paire de dindons, suivant le bail reçu, Grenier notaire à Brioude. Plus un autre pré situé dans les appartenances du village de paroisse du dit Lorlanges, affermé pour le temps et espace de six années, par acte reçu, Lafont, à raison de vingt-huit livres.

Plus, aux mêmes appartenances, un petit champ affermé sept livres, par acte reçu, Grenier notaire.

La dite chapelle ou vicairie est assurée aux charges ci-après énoncées, savoir : pour les décimes, huit livres dix sols.

Plus, pour les cens de terres et prés, trois cartons deux coupes et un quart froment et quatorze cartons trois coupes avoine, mesures de Brioude[26]

Laquelle déclaration, le dit sieur Granet chapelain, a affirmé sincère et véritable, et a signée avec nous, les dits jour, mois et an que dessus."

Signé : Granet, Chapelain des Innocents de Vernassal ; Cornet ; Admiral greffier ; Isabel maire.

Chapitre V 

Serment de l'abbé Granet

"Aujourd'hui, huit octobre mil sept cent quatre-vingt-douze, l'an premier de la République Française, le corps municipal assemblé au lieu ordinaire de ses séances, est comparu Vital Granet prêtre habitant du lieu et paroisse de Lubilhac, ci-devant chapelain de Vernassal, lequel désirant se conformer à la loi, a dit qu'il venait prêter le serment.

En conséquence, la main levée à Dieu, il a juré d'être fidèle à la Nation, de maintenir la liberté, l'égalité ou de mourir en la défendant, duquel serment le corps municipal lui a donné acte.

Et a, le dit Vital Granet, signé, les dits jour, mois et an que dessus."

Signé : Granet, prêtre ; Granet, maire ; Admiral, Greffier ; Isabel et Combes.

Chapitre VI 

Vente des débris du clocher

"Aujourd'hui, trente thermidor de l'an deux de la République française, une et indivisible, l'Assemblée générale de la commune de Lubilhac ayant été convoquée à l'effet de procéder à la vente des matériaux provenant de la démolition du clocher de cette commune, le maire a annoncé l'objet de la présente assemblée, et les enchères étant ouvertes, Pierre Vayron a fait la première enchère à cinquante livres ; Pierre Brugeire à soixante ; Pierre Cornet, à soixante-dix ; Pierre Nicolas à quatre-vingts livres ; Pierre Vayron, à cent ; le dit Nicolas, à cent vingt livres ; le dit Vayron, à cent quarante ; le dit Nicolas de Lubilhac, à cent soixante ; le dit Vayron, à cent quatre-vingts livres ; le dit Nicolas, à cent quatre-vingt-dix ; le dit Vayron, à deux cents livres ; le dit  Pierre Nicolas, à deux cent sept livres. Sur laquelle somme ne s'étant présenté aucun autre enchérisseur, l'adjudication définitive en a été faite au dit Nicolas qui a promis payer la dite somme après avoir retiré les dits matériaux, et après s'être retenu celle de quatre-vingt livres en qualité d'adjudicataire pour la démolition du dit clocher ; et le conseil général de la commune, après avoir délibéré sur l'emploi de la dite somme, il a été arrêté que copie conforme serait adressée aux autorités administratives, notamment au Directoire du district de Brioude pour avoir son avis sur l'emploi qui conviendra le plus aux intérêts de la République."

Signé : Isabel maire, Cornet et Combes

Chapitre VII 

Culte catholique

"Aujourd'hui, vingt-deux vendémiaire, an quatre de la République française, une et indivisible.

Devant nous Jean Admiral et Antoine Bouchet, agent et adjoint pour la commune de Lubilhac à l'Administration municipale du canton de Blesle, a comparu Catherine de Molen, habitante à Malpeyre en la dite commune qui nous a déclaré qu'elle destine le salon de sa maison d'habitation pour l'exercice du culte catholique, sous la soumission qu'elle fait de se conformer à la loi du sept de ce mois ; déclare aussi que le ministre du dit culte est le citoyen Géraud.

Desquelles déclaration et soumission avons donné acte à la dite de Molen comparante qui a déclaré savoir signer, et a signé avec Nous, les dits jour, mois et an."

Signé : Bouchet, adjoint ; Admiral, agent ; de Molen de Malpeyre.

Chapitre VIII 

Etat de l'actif mobilier et immobilier affecté aux fondations et aux fabriques situées dans la commune de Lubilhac - Année 1793.

1° L'église paroissiale, le cimetière et un jardin où il y a une cave, le tout joignant ensemble situé dans le lieu dit de Lubilhac, contenant en tout quatre coupées de terre[27], et se confine par la grande rue, de jour[28] ; la place publique, de midi ; autre rue, de nuit et bise ; et de nuit encore, par la grange du citoyen Reddon, curé, par lui acquise de la Nation.

2° Le presbytère composé d'une cuisine et deux chambres, écurie au-dessous, d'un cabinet, cave au-dessous et colombier au-dessus, une loge à pourceaux et une petite cour au-devant que le tout confine par la rue publique, de jour et midi, le pré du citoyen Granet, de nuit et bise[29].

3° un pré joui par le curé situé près du dit lieu de Lubilhac, à faire quinze quintaux de foin, qui se confine par le pré du ci-devant seigneur de Vernières, de jour ; le chemin de Lubilhac à Vernières, de midi et nuit ; le pré de Jean Merle de bise, fondé à l'église de Lubilhac par Charlotte de Chabane de Curten Douairière de Montgon par reçu ; Delort notaire à Saint-Flour, le 18 août 1641[30], à la charge de six messes annuellement.

4° Un petit jardin d'une coupée situé dans le dit lieu de Lubilhac que l'on dit être pris sur le communal pour servir de jardin au vicaire.

5° Plus une fondation faite au curé et au vicaire de Lubilhac par Bonnet Draguinet laboureur du lieu de Tany sus-dite paroisse, de la somme de cinquante sous au principal et de cinquante livres par acte reçu, Bonnafoux notaire à Massiac, le onze septembre 1695, et payée annuellement par Jean Rigaud héritier du dit Draguinet, le même jour, à la charge de deux grand'messes tous les ans.

6° Plus la rente de sept livres dix sols au principal de cent cinquante livres, due annuellement au curé et au vicaire de Lubilhac par Jean Marchet cultivateur du lieu de Vernières sus-dite paroisse, et payable le vingt-neuvième jeudi de chaque année. Jean Marchet avait reçu la dite somme de cent cinquante livres du citoyen Reddon, curé, le 14 avril 1793 par acte reçu, Lafont. Lequel Reddon a déclaré être des fonds de la cure de la dite paroisse et qu'il avait reçue en deniers des mains de Pierre Allaignon de Vernières pour principal d'une fondation de pareille somme faite par Etienne Trousseilher en faveur du curé de Lubilhac à la charge de trente messes annuellement.

Par contrat du 20 Juin 1687, reçu par Bonnafoux notaire à Massiac, Etienne Trousseilher curé de Lubilhac a fondé en la dite église sept livres de rente annuelle au principal de cent trente livres que Pierre de Molen de Malpeyre par le dit contrat a reconnu devoir au dit Trousseilher et promis de payer le 29 septembre de chaque année, à la charge de 30 messes de mort qui seront dites annuellement.

Et par contrat du 2 avril 1783 reçu, Lafont notaire à Massiac, Raymond de Molen, fils du dit Pierre en a fait le remboursement à Jean Merle curé de Lubilhac[31].

Chapitre IX 

Actes de l'état civil.

Les actes de l'état civil, comme on le verra par les exemples suivants, se rédigeait avec laconisme :

I - Naissance

"Le 22 mai 1669 a esté baptisé Jean Baptiste de la Vernède, fils à noble Pierre de Cistrière et à damoiselle Marguerite de Lusuy. Le parrain, honorable homme Jean Baptiste de Lusuy. La marraine, damoiselle Françoise Miramont. Par moy soussigné, Trousseilher curé."

II - Mariage

"Quinze décembre mil six cent soixante-six, après avoir fait une publication au prône de la messe du jour de la Toussaint (Les dispenses ayant été obtenues de Monseigneur l'Evêque de Saint-Flour), et n'ayant pas été informé d'aucun légitime empêchement. Entre noble Pierre de la Vernède de ma paroisse et damoiselle Marguerite de Lusuy, de la paroisse d'Achat-d'Ardes, le mariage a esté célébré entre eux par parole, par le curé de la paroisse d'Achat, avec la permission que je lui ai donnée par écrit. Trousseilher curé."

III - Autre mariage

"Le un mars mil six cent soixante-six, mariage a esté célébré entre Jean Vidal et Bonnette Genton, par moy soussigné, Trousseilher."

IV - Décès

"L'an mil six cent soixante-quatre, et le douze janvier, Michel Farreyron a esté enseveli au cimetière de l'église de Saint-Bonnet de Lubilhac, par moy, curé soussigné, Trousseilher."

 

Plus tard la rédaction prend beaucoup plus de développement :

V - Naissance

"Aujourd'hui 27 juin 1797 a été baptisé Pierre Archet, fils naturel à Marie Archet originaire de la paroisse de Mercœur, demeurant à Malpeyre, en service depuis Noël de l'année précédente, paroisse de Lubilhac, et d'un père inconnu. Le parrain a été Pierre Admiral de Malpeyre, sus-dite paroisse soussigné. La marraine; Marguerite Delair du lieu et paroisse de Lubilhac, illettrée. Signé : Admiral ; Reddon, curé."

VI - Mariage

Jean Mosnier fils naturel, légitimé et majeur à défunt Estienne et à Marie Mouraire de Loubaresse paroisse de La Chapelle-Laurent, époux à venir, d'une part ; et Catherine Vigier, fille naturelle et légitime à Jean et à défunte Catherine Combes de Laversanne paroisse de Lubilhac, âgée environ vingt-trois ans, épouse à venir, d'autre part.

Pour avoir été publiés une fois au prône de Lubilhac et à celui de La Chapelle-Laurent comme il est prouvé par la lettre de Monsieur Ferreyrac curé, du 17 juillet 1797 sans qu'il soit parvenu aucun empêchement.

Qu'ils consentent à se prendre l'un et l'autre pour mari et pour femme, de l'autorité de leurs parents et amis. Ils ont reçu la bénédiction nuptiale en l'église de Lubilhac le 18 juillet 1797 par nous soussigné, en présence de Mosnier, frère du futur, de Berthon de la paroisse de La Chapelle-Laurent, soussignés, de Jean Vigier frère de la future, de Jean Marchet de Cournil, d'Antoine Nicolas du lieu de Lubilhac, illettrés, enquis. Signé : Reddon, curé ; Mosnier et Berthon.

VII - Décès

Bonnet Serondet, garçon du village de Laversanne paroisse de Lubilhac, âgé environ quatre-vingt-cinq ans, décédé d'hier, muni des sacrements, et enseveli dans le cimetière de Lubilhac, le trente-un juillet mil sept cent quatre-vingt-dix-sept en présence de Claude Delair, de Pierre Philibert, d'André Boudon et de Jean Vigier du sus-dit village, paroisse de Lubilhac, illettrés. Signé : Reddon, curé de Lubilhac.

Chapitre X 

Lettre de Ranssiliac Pierre, volontaire à l'armée d'Italie.

La jeunesse de Lubilhac est patriote ; elle l'a montré durant la Grande Guerre où elle s'est distinguée par sa bravoure et sa discipline qui ont valu à tous la croix de guerre et à bon nombre, la médaille militaire.

Ces qualités, leurs ancêtres de la tourmente révolutionnaire, alors que la patrie était en danger, les possédaient à tel point que treize partirent pour les armées comme volontaires.

Ils nous est tombé sous les yeux une lettre de l'un d'eux, Pierre Ranssiliac de Vernières, remarquable par son style, sa teneur, son orthographe et les sentiments dont est pénétré l'auteur.

L'original de cette missive fut communiqué au Colonel Bagès en retraite à Saint-Flour, lequel nous l'a gardé malgré nos réclamations.

En voici la copie fidèle :

A la citoyenne Yzabos vedelle la commune de la béliaque[32] district de briodes Departement de la hote loire par briodes a béliaque.

A camp De terme le 16 thermidor lan 3 de la république

Matré chère mère

J'ai reçu votre laittre aveque boupe[33] De plesir Daprendre que vous zaite d'une parfete Sempet[34] pour quand tamoy je suye Dune parfete Sempet et je soite que la présante vous trouve de même voilà tout les plésir que je Demande au lettre Supreme[35] pour que vous ayez la Sampet matre chère mere Je vous Diray qu'il fait move[36] vivre Dans l'androis que Nous Somme et lon Nas point rien avec le papier Ni pour un pris NI pour l'ôtre[37] et l'on Net anbarasse avec le papiet ; pour quarante sout lon donne San frand a papiet[38] aveque De l'argant lon trouve Detout et bien a bon contes matre chere mere Je vous Diray que nous Somme Dan la plus hote montagne Dupiemont et Dan la Sesson[39] que Nous Somme Nous Nous pouvon pas défandre De la froidure qu'il fet e tout les jour Nous Nous baton aveque le Nemis[40] et tout le jour être Deservifse et perque toute le Nuis couche Dan le Rterchement[41] voilàs quatre moy que je Ne me Suye pas Dexabilié et la vermine[42] Nous mange antièrement mes lon Ne tarderas pas a fere une grande ataque mes je vous le ferais Savoir Desuite come sellas Se paseras[43] ma tre chere mere marque moy tout come sipase Dans le peis vous me fere bien plesir a moy matre chere mere vous fere bien De compliment a tout me frere et Ceur et belle Ceur[44] qu'il Se tienne bien Réveillés voilàs tout le plesir que Je Demendes ma tre chère mere vous me marquere ci la recorte est belle[45] vous me le fere Savoir vous me ferez Savoir ci l'on dis toujour la messe Comme alordinaire vous me le marquere vous me fere savoir Ci me fere on bien vendu le moton ci lon Na pas perdus vous fere bien me compliment a Izabos vedelle de même que Son maris et toute sa famille vous me fere bien plesir à moy De même que mon parrin et sa fame et toute Sa famille De meme Citoyen pierre bregere et sa fame et toute sa famille bien De Compliment antoine lagarde et son gandre et sa fame et toute sa famille vous leur fere Selas de ma pars Je vous Diray que lon veu point le afsinias Delapafse Royale Je men trouve quelqun et vous me marquere ci il pafse au peit et Je vous le fere pafse Celas que Jes[46]

Matre chere mere et frere et ceur et bofere et bele Ceur Je finit an vous anbrafsant Detout mon cœur et Je suye votre bon fils.

Pierre Ranfsiliac volontere

Mon adresse et a Citoyen pierre Ranfsiliac volontere Dans la 166ème Demy brigade 2ème batallion Companit n°1 Dan larme Ditalie a Ormea an piemont.

Chapitre XI 

Autres lettres de soldats de la guerre d'Italie

Les deux lettres suivantes que nous transcrivons littéralement et que le colonel Bagès nous a également gardées sont loin de valoir celle de Ranssiliac pour les sentiments qu'elle exprime, la force et la naïveté des expressions où le cœur du vrai soldat s'exhale tout entier, un cœur de fer mais sensible à l'endroit de sa mère et des siens, de son pays et de l'Etre suprême qu'il invoque pour eux.

La-bas, toujours face à face avec l'ennemi, il pense à leur santé, à la récolte, à la vente des animaux, au culte dans sa commune. Il n'oublie rien et sa pensée va jusqu'à ses derniers amis auxquels il envoie ses compliments.

Nous en parlions un jour à un vieillard, le père Jean Bognol dont le grand-père l'avait connu ce Ranssiliac. Nous apprîmes avec amertume qu'il n'en revint pas de cette première campagne d'Italie !

I - Lettre de Jean Mazenc

Grenoble le 22 pluvios Lan Deuxième de la république une et indivisible.

Mon cher cousin

Je prends la liberté de vous écrire cette lettre afin de vous faire savoir de mes nouvelles Dont j'avais déjà écrit ensemble avec Pierre Chastain que la lettre s'adressait au frère de ce dernier Et que nous l'avions remise au conducteur qu'il nous avait conduit mais je crains que ce dernier l'aye pas remise par laquelle je vous diray que je suis d'un Bon portement depuis que je suis arrivé icy. Et je souhaite que vous la soyez de même ainsy que ma chère mère Et sœurs et mon oncle dont je le laissat dangereusement malade ; vous communiquerez ma lettre à mamère afin qu'elle en soit instruite sur ma situation parce que comme je la laissai dans une grande affliction en me voyant absenter autour d'elle je crains qu'elle n'aye aussi tombé malade mais vous pourriez lui dire comme elle le verra aussi par la présente que je me porte bien et que je n'ai vû beaucoup de peine jusqu'ici pourvu que cela continue mais j'ai peur que cela ne dure pas ; vous communiquerez aussi ma lettre à mes sœurs les mariés et à mes deux beaux frères dont vous leur direz que je les embrasse de tout mon cœur et que je leur fais bien mes compliments ; nous sommes incorporés dans le dépôt du 33ème régiment d'infanterie en garnison à Grenoble. Et je ne sais pas quand est-ce qu'on nous fera joindre[47] Et je suis avec mes camarades que je partis du pays tous ensemble. Quant à ceux du pays que je croyais trouver j'en ai reçu aucune nouvelle et je ne sais pas de quel côté ils sont partis. Je n'ai aucune nouvelle de ce pays à vous savoir[48] Vous avertirez le frère de Pierre Chastain et vous lui direz qu'il a écrit aussi dont il peut aller chercher sa lettre au bureau de la poste ; vous aurez la bonté de faire bien des compliments de ma part à mes bons amis et amies et en général à ceux qui demanderont de mes nouvelles et je finis en vous dire que je suis votre affectionné parent.

Salut et fraternitté

Jean Mazenc

Mon adresse est :

Au citoyen Jean Mazenc soldat au dépôt du 33ème Régiment d'infanterie en garnision à Grenoble.

Post-scriptum – Vous aurez soin s'il vous plaît sitôt que vous aurez reçu la présente de me faire réponse de suite afin que je puisse savoir des nouvelles du pays avant que je passe plus loin et de m'instruire sur ce qu'il y a de nouveau à la maison.

Cette lettre était adressée à :

Au Citoyen Jean Ceytre cultivateur du lieu de La degna paroisse de mercure canton de Saint-Aupiège, district de Briode département de la Haute-Loire.

Le lieu de Dadegna

Elle n'a pas dû être écrite par Jean Mazenc mais par le scribe de la compagnie à qui notre soldat l'aurait dictée : l'orthographe presque correcte le donne à penser. Cependant certaines tournures dans les expressions, des imperfections dans le style sembleraient bien indiquer qu'elle est autographe.


II - Lettre de Jean Brun

La troisième lettre est disposée et écrite comme suit :

Armée de Rome

_____________

Liberté                                                                                                     Egalité

A Rome le 10 Germinal. 6e année de la République française une et indivisible.

Jean Brun Maréchal-ferrant des Transports militaires réunis appartenant à la République.

Mon chère père et ma chère mère

Je suis étonné que vous ne daigniez pas me faire une seule réponse de tant de lettres que je vous ai écritent Je ne sais pas si c'est par négligence ou pourquoi celle-ci est la cinquième que je vous envoie pour m'informer de l'état de votre santé. Et elle sera la dernière si vous ne me faites pas une prompte réponse, quel plaisir puis-je avoir plus grand que celui d'avoir d'apprendre de vos bonnes nouvelles et de savoir que vous jouissez d'une douce tranquillité au lieu que ne le sachant pas vous me laissez toujours dans l'incertitude de votre existence et vous me donnez par conséquent un chagrin que je ne puis apaiser.

Je vous en prie donc ne me laissez plus dans ces mauvaises pensée qui pourraient par la suite me devenir funeste. Ecrivez-moi et vous me rendriez joyeux et satisfait.

Jusqu'à présent j'ai été toujours bien portant. Je suis à Rome et je jouis d'une parfaite santé et souhaite que ma lettre vous trouve dans une égale situation.

Je vous fais savoir que Rome est changée en République et que tout ce peuple est bien content. Ils nous ont reçus à bras ouverts aux cris redoublés de vive la République ! "eviva la Republica, eviva i Francesi !"

Je n'ai autre chose à vous dire et finis en vous embrassant ainsi qu'à toute la famille parents et amis en vous priant de me faire réponse sitôt la présente reçue.

Je vous fais savoir que Gabriel Rouclaire est ici bien portant et embrasse toute sa famille en vous faisant ses compliments.

Jean Brun

Adresse : Jean Brun Maréchal-ferrant des transports militaires de la République.

Rome[49]

Cette lettre envoyée à Claude Brun de Mercure département de la Haute-Loire poste de Brioude

Tout lecteur de cette missive pensera avec nous que Jean Brun l'a dictée mais ne l'a pas écrite : l'orthographe, le style même ne sont pas d'un soldat paysan maréchal de cette époque où l'instruction primaire était si mal organisée dans les campagnes.

Chapitre XII 

Brouillard d'une lettre à un ami sur les affaires du temps.

On pense avec quelque raison que cette lettre est du curé Reddon qui cherche à expliquer sa conduite sur son serment de prêtre constitutionnel.

Nous la transcrivons littéralement et nous laissons au lecteur le soin d'en faire le commentaire.

"Je vous remercie mon cher et bon ami, de tout l'intérêt que vous voulez bien prendre à ce qui me regarde, mais dans tout cet état de choses il aurait fallu violenter mes sentiments et heurter de front le témoignage de ma conscience pour tenir une autre conduite. Celle que j'ai menée jusqu'ici m'a été défavorable, et le sais auprès bien des personnes ; mais dussé-je perdre l'estime de tous, je ne me départirai jamais d'un principe qui m'a toujours paru et qui me paraît encore sacré, et qu'on reconnaîtra avec moi toutes les fois que l'amour de la religion règlera mes démarches.

J'ai toujours cru par religion qu'il fallait obéir à l'autorité temporelle, que cette obéissance était un devoir sacré pour tout chrétien, lorsque cette autorité temporelle ne commandait rien qui contrariât les lois de Dieu.

Pour moi, sans entrer dans le fond de la discussion je vous déclare devant Dieu qui sonde les cœurs et à qui on n'en impose pas que jusqu'ici rien dans cette loi ne m'a paru blesser les droits de Dieu.

Et quand, sitôt que mon erreur sera dissipée, que je serai détrompé de mon opinion, j'embrasserai la lumière, la demandant sincèrement à Dieu, n'ayant rien tant à cœur que de lui plaire et faire sa volonté ; mais je vous le répète avec cette franchise que vous me connaissez, lorsque j'ai prêté le serment civique je n'ai cru faire que mon devoir et je dois vous l'assurer, c'est le plus pur serment civique que j'ai proféré, le seul qu'on ait droit d'exiger d'un citoyen, le serment que les évêques prêtaient entre les mains du roi.

Vous me direz peut-être que l'autorité légitime dont le roi était revêtu autorisait et légitimait le serment des prélats.

Je pourrais ne pas m'arrêter à cette observation, vous en sentez tout le faible.

En quelles mains que soit l'autorité, qu'importe aux ministres de la religion ?

Cette religion sainte, cette religion de charité se fait avec toute sorte de gouvernement et ses ministres doivent peu s'occuper si c'est une république ou une monarchie ou un gouvernement aristocratique.

Ce qui doit seulement les occuper et faire l'objet de tous leurs vœux, c'est de la faire aimer aux citoyens de tous les gouvernements quels qu'ils soient, c'est de prêcher l'esprit de cette religion de paix, partant l'obéissance aux lois de l'Etat.

Peu importe que ce soit le roi ou l'Assemblée Nationale qui m'impose cette loi.

Ce n'est pas à moi à juger la légitimité de l'autorité : l'opinion déclare l'Assemblée Nationale revêtue de l'autorité souveraine de l'Etat, je suis cette opinion commune et je reconnais les lois par ma soumission.

Vous serez peu satisfait de mon raisonnement, je le sais, mais je le crois dans les vrais principes.

Vous voudriez que j'entrasse dans le détail de vos doutes et particulièrement sur ce qui fait tant de bruit par rapport aux nouveaux évêques et aux nouveaux curés.

Je vous avoue que je n'avais pas sérieusement étudié cette matière jusqu'au moment où je n'ai entendu d'autres cris que ceux "d'intrus et de schismatiques !"

Et la difficulté que vous me posez dans votre lettre m'a mis dans le cas d'approfondir un peu cette matière.

Vous vous alarmez, dites-vous, sur la mission des nouveaux évêques parce que d'après le texte du Concile de Trente (23e ordine), il est clair que ces nouveaux évêques sont sans mission.

Mais j'ai sous les yeux ce canon, le voici :

"Si quis dixerit episcopos aut eos qui nec ab ecclesiasticas et canonica potestate rite ordinati nec missi sunt sed aluende venuente legitimos verbi et sacramentorum ministros anathema sit."

Examinez bien les paroles de ce canon avec moi ; si l'on est de bonne foi, on conviendra que d'après la définition du Concile, ceux-là seuls viennent d'ailleurs et ne sont pas les ministres des sacrements et de la parole de Dieu qui n'ont reçu de la puissance ecclésiastique et canonique ni l'ordination, ni la mission.

Mais s'ils ont reçu de cette même puissance et l'ordination et la mission, ils sont les ministres légitimes et des sacrements et de la parole de Dieu.

Voudriez-vous, parce que les Pères du Concile disent : "Nec ordinati nec missi" qu'il faille l'une et l'autre l'ordination et la mission ?

Ce sens est forcé et est évidemment opposé à la conduite journalière de l'Eglise à l'esprit même du concile de Trente qui, dans la même session, en parlant de l'exercice du sacrement de pénitence, dit formellement que ceux qui n'auront pas un bénéfice de paroisse ou une mission particulière de l'évêque, en se servant des mêmes expressions (nec), ne pourront validement confesser.

Mais qui n'a jamais pensé que le Concile de Trente ait voulu dire que pour administrer validement le sacrement de pénitence, il fallût être tout à la fois et curé et approuvé ?

On sait que l'un ou l'autre suffit.

Il en est de même de l'ordination ou de la mission dans l'esprit du Concile de Trente :

Il faut l'une ou l'autre, et pour ne former aucun nouveau doute sur l'esprit des pères du concile, examinons le but qu'ils proposèrent.

Ils voulurent condamner les novateurs qui prétendaient que l'ordination n'est autre que pure cérémonie, que pour établir un ministre légitime des sacrements et de la parole il suffisait de la légation de la puissance civile.

Que ce fût là le but des Pères du Concile, il n'y a qu'à lire pour s'en convaincre les canons précédents ; il n'y a qu'à lire Bossuet dans ses Variations.

D'ailleurs, remontons aux premiers siècles.

Alors nulle ordination. L'ordonné, ou demeurait attaché à l'église de l'évêque ou allait dans un lieu pour lequel il était destiné. Mais parce que les ordinations libres, c'est à dire sans titre s'introduisirent, et pour empêcher qu'un homme d'une fausse doctrine ou de mœurs suspectes ne s'ingérasse de lui-même dans l'exercice du ministère, le bon ordre a exigé que l'ordonné n'exercerait pas les pouvoirs reçus dans son ordination sans une mission particulière.

Et de bonne foi, mon cher ami, un prêtre par la seule qualité de prêtre peut bien prêcher sans mission, au moins pour ce (Nec ordinati, Nec missi).

Il n'est pas moins vrai que sans ordination, la seule mission autorise à exercer bien d'autres fonctions.

N'est-ce pas en effet en vertu d'une simple délégation ou mission que les prêtres qui travaillent à convertir les nations infidèles, y exercent la juridiction épiscopale sous le titre de vicaires apostoliques ?

Et si on vous demandait d'où le Pape lui-même reçoit sa mission, que répondriez-vous ?

Pour moi je dirais qu'il la tient d'une ordination ainsi que les autres évêques de catholicité.

Je ne suis pas moins affecté que vous de voir prendre la place d'un autre par un nouvel arrivant.

Mais en revenant aux principes, les anciens évêques ou les curés se sont déplacés eux-mêmes par leur désobéissance à la loi : leur poste est vacant.

Quant aux bulles des mois de mars et d'avril, je les ai étudiées et analysées.

Si je n'écrivais pas à un ami, je garderais le silence, mais voulez-vous que je vous ouvre mon âme entière ? voici l'opinion que j'en ai conçue malgré moi :

Le rite, le peu de dignité qui les caractérise, les personnalités, l'indécence des expressions employées dans le latin et dénaturées dans les traductions ; tout cela me les a rendues entièrement suspectes. Elles portent à faux parce qu'elles supposent des erreurs que l'on ne trouvera jamais dans les décrets de l'Assemblée Nationale relatifs au Clergé.

Elles blessent d'ailleurs les droits conférés par les libertés de l'Eglise gallicane, et après l'examen le plus réfléchi, je pense qu'elles ne doivent pas plus affecter que les bulles d'excommunication ou d'interdit lancées par Boniface Huit sur Philippe le Bel, par Jules Deux sur Louis Douze, par Innocent Onze sur Louis Quatorze.

Nous avons droit de répondre aujourd'hui ce que l'on répondit alors.

S'il fallait nous voir liés par toutes les censures dès le moment qu'elles ont été prononcées où en serions nous ?

Dans cette matière, tout est danger :le plus petit défaut dans les formes vicie le tout.

C'est pourquoi nous regardons dans beaucoup parmi nous les censures prononcées par la bulle "In cura dm".

C'est par la même raison que tant de censures exprimées dans les chapitres du Concile de Trente relativement à la discipline sont parvenues nulles parce que la puissance civile s'est toujours opposée à leur promulgation comme entrave aux droits de l'Etat, et vous savez aussi bien que moi ce qu'on a toujours pensé de ce qui se passa au premier Concile de Lyon (13e général) relativement à Frédéric Second empereur ; parce que le pape, par des prétentions dont le temporel était l'objet avait abusé d'un pouvoir qui ne lui était confié que pour le salut des âmes, on a regardé l'arrêt de ce concile comme un attentat condamnable.

Il y a à la vérité de quoi réfléchir quand vous dites que presque tous les évêques de France, à l'exception de six ont refusé le serment.

Mais une telle opposition n'est pas sans exemple. Nous savons que sept évêques seulement condamnèrent par des mandements la conduite du pape Grégoire Sept dans ses rapports avec l'empereur Henri Quatre. Les mandements de ces sept évêques furent condamnés par des brefs du Saint-Siège.

Je pourrais encore rapporter ici ce qui se passa en mil 68, lors de la fameuse déclaration sur les articles des libertés de l'Eglise gallicane.

Vous savez que Bossuet les combattit et qu'il fut regardé comme hérétique.

Mais laissons là cette question et ne formons aucun jugement.

Dieu veuille que tout ceci ne tienne à n'importe quel parti que ce soit.

Il faut le craindre : il y va de la perte du Clergé de France et peut-être de celle de la religion catholique.

Je vous dis que je ne juge personne. Mais il me paraît bien difficile, même dans toute opinion que l'on embrasse, d'accorder son amour à un troupeau comme doit l'avoir un pasteur, avec l'abandon qu'on en a fait pour le livrer, selon qu'on a des intérêts, et tout au moins pour la plupart, à de jeunes prêtres ou des religieux dont le défaut d'expérience est souvent le moindre, sans parler des autres qui sont nécessairement les suites de cet abandon.

Examinez, réfléchissez et surtout dépouillez-vous, s'il est possible, de toute idée terrestre particulièrement du souvenir des pertes que vous fait éprouver le nouvel ordre de choses, car ce souvenir m'a parfois rendu malheureux.


Chapitre XIII 

Quelques considérations sur l'histoire
et la géographie locales

Les quelques lignes écrites sur l'histoire de la commune de Lubilhac en retracent les faits principaux, ceux qui ont pu être fixés par des témoignages certains toujours trop rares pour enchaîner la suite des évènements dans une histoire locale.

Celle-ci, à notre avis, devrait dans toute école primaire, précéder l'histoire nationale, en être comme l'entrée en matière.

Son enseignement est la mise en œuvre de la méthode intuitive, la plus attrayante, la plus fructueuse, la plus accessible aux facultés de l'enfant.

Il en est de même de la géographie : elle doit commencer par la commune de naissance pour s'étendre ensuite aux autres terres plus grandes et plus lointaines.

L'enseignement de l'histoire qui paraît a priori naturel, simple et facile, qui captive avec force l'esprit de l'enfant est plus ingrat qu'on ne le pense communément. Les faits appris, beaucoup du moins, les moins saillants, échappent vite à sa mémoire, à tel point que dans les divers examens du certificat d'études primaires rien n'est si imparfaitement su que cette matière. Aussi certains sophistes pour cette raison et d'autres non moins absurdes ont-ils proposé sa suppression.

On se demande ce que deviendrait une école primaire sans l'histoire qui en constitue le principal aliment, qui y tient une si large et si importante place.

L'enseignement moral par les exemples qui nous sont donnés dans l'étude des générations éteintes, du caractère des hommes qui ont vécu en recevrait à coup sûr une funeste atteinte.

C'est bien en effet par l'histoire que la morale à l'école trouve un terrain favorable pour être mise à la portée de tous, plutôt que par les leçons directes dont les titres sont inscrits au programme

Plus que toute autre matière, elle tend à développer l'éducation à tous les points de vue.

Elle doit figurer toujours et plus que jamais au premier rang dans l'emploi du temps journalier d'une salle de classe.


Chapitre XIV 

Numismatique

I - Monnaie de Claudius

Les lettres SC. veulent dire :"Le Sénat Consulté."

II - Monnaie Henri II

Monnaie argent (florette) de Henri II

Trouvée à l'Hermitage (voir page 79)

 

III - Monnaie de Henri III

Monnaie argent de Henri III (florette) valant vingt deniers, la valeur de notre franc actuel, trouvée à l'Hermitage avec la pièce d'Henri IV

 

IV - Monnaie de henri iV

Cuivre, le double tournois valant un denier. Il est à remarquer que ce roi est le premier depuis Rome et les mérovingiens à frapper des pièces à son effigie.

V - Monnaie d'auguste

Monnaie d'Auguste (le dernier romain) trouvée à Daü. Au revers figurent les portes de Lyon, les abréviatifs : (Sénat consulté), et le mot Providence.

VI - Monnaie d'agrippa

Monnaie d'Agrippa, gendre d'Auguste, qui l'associa au gouvernement de l'empire en récompense des services rendus à la bataille d'Actium. A la face manque une partie de la suscription. Au revers, Neptune avec son trident et : "Senatus Consulta". (Trouvée avec la pièce d'Auguste)

 

VII - Monnaie de Charles VI

Monnaie argent de Charles VI (l'écu à la couronne) trouvée au château de Vernières par M. Magne Jean. Comme toutes les pièces anciennes, elle est mutilée : les bords sont rognés, les traits et les courbes sont irréguliers.

VIII - Monnaie d'Auguste et Agrippa

Pièce en bronze trouvée à Gliseneuve

IX - Monnaie de la ville du Puy

 

Epoque carlovingienne

Pièce en argent trouvée à Gliseneuve

 

Chapitre XV 

Archéologie

I - Hache de silex porphyroïde

Hache de silex porphyroïde trouvée au Bartha terroir des Martres 

par Marliat Guillaume des Martres

(voir page 79)

 

II - Hache de silex verte

 

Hache de silex trouvée sous Vernières, colorée en vert par son séjour dans les matières organiques, par Marius Cornet de Vernières

 

III - Pierre de serpent

 

Pierre polie porphyroïde de l'âge préhistorique parsemée de feuilles de trèfle en relief, dont le dessin provient du séjour de la pierre dans les éléments renfermant du fluor.

 

Quelques familles en conservent religieusement une petite collection comme talisman de santé pour elles et les animaux et les appellent : pierre de serpent (pierre de la bobe).

Ces pierres immergées dans l'eau bouillante durant quelques minutes communiquent à celle-ci la vertu de guérir bien des maux.

Nous avons ri du préjugé et l'avons condamné sans appel. Mais sommes-nous tout à fait dans le vrai quand la science a décelé dans certaines matières une radioactivité capable d'enrayer la marche de maladies réputées incurables ?

Il faut bien reconnaître que ses découvertes actuelles viennent bien à point quelques fois pour expliquer nombre de croyances regardées comme fausses ou absurdes.

La pierre dont nous reproduisons le dessin appartenait à demoiselle Marie Bouchet de Lubilhac.

 

IV - Moule Fleur de lis

Moule en bronze trouvé au château de Vernières, servant à fleurdeliser certains objets, certaines denrées alimentaires plastiques, beurre, fromage figurant à la table seigneuriale.

Trouvé par Madame Vicard née Moussier Marie

plus connue sous le nom familier de "Marion" (voir page 77).

 

V - Tête de divinité

Tête plâtre de divinité romaine

trouvée dans les fouilles de Gliseneuve par M. Jean Levé.

 


Chapitre XVI 

Objets de la vie courante

I - Sabot à bascule de la Limagne

(voir page 41)

 

II - Landier en fer forgé

 

(voir page 31)

 

Chapitre XVII 

Costume

I - L'avant-dernière mode

 

II - Un jour de fête

 

III - Un ancien

 

Chapitre XVIII 

M. Charles DUPUY

 

Député de la Haute-Loire (1885-1900)

 

 

 

 

 

M. Charles Dupuy, sénateur de la Haute-Loire (1900-1923),

Décoré de la Médaille de 1870.

Photo, et Buste du Monument dû à Marcellin Sabatier


 


POSTFACE

 

Lubilhac a beaucoup évolué depuis 1926.

Sa topographie et son orographie n'ont pas subi de modifications, non plus que son climat ni son hydrographie.

Les routes et chemins sont plus larges et goudronnés. Le chemin de Massiac a été réalisé pour l'exploitation des mines de Daü, aujourd'hui fermées. Un remembrement du sud de la commune, en 1976, a réorganisé les terres et permis la création de nouveaux chemins.

La ligne de chemin de fer, objet de tant de polémiques à sa création, et réalisée avec tant d'efforts matériels et humains, a été fermée en 1954. Le tunnel sert de cave d’affinage pour le fromage de pays.

I - L'agriculture

L'agriculture s'est radicalement transformée. L'introduction des machines agricoles a modifié le paysage. Les champs inaccessibles aux machines ont été remis en prairies ou laissés en jachère. L'élevage a conservé une grande importance pour l'économie de la commune.

Voici la répartition des surfaces cultivables en 2002 :

 

Type de surface

Surface en hectares

Terres labourables

534

Prairies naturelles

483

Futaies résineuses

284

Taillis

381

Bois détruits par la tempête de 1999

89

Landes

536

Jardins, chemins, sols non cadastrés du domaine public

74

TOTAL

2408

II - L'élevage

Le cheptel de Lubilhac en 1998 compte :

        820 brebis mères

        35 chèvres mères

        2 boucs

        213 vaches laitières (860 000 litres de lait environ)

        255 vaches alaitantes

        5 taureaux

        6 juments

Quant aux vignes mentionnées par Jouishomme, elles ont disparu. La dernière cuvée de Monsieur Planche remonte à 1981.

III - La faune

Le nombre de sangliers a beaucoup augmenté depuis 1926, probablement à cause des nombreuses jachères et au moindre entretien des bois. Des cerfs et chevreuils ont été acclimatés vers 1970. Ils prolifèrent dans les bois au détriment des jeunes plantations, malgré les battues organisées par les chasseurs.

Le petit gibier a presque totalement disparu. Les lièvres et les lapins, touchés par les maladies, ou empoisonnés par les produits désherbants et les engrais, se font très rares. Plus de perdrix grises ou rouges, cailles, pigeons ramiers, tourterelles, alouettes, sans doute pour les mêmes raisons.

On ne voit plus d'écureuils, ou quelques-uns, très rares au cœur des forêts, pourtant les chasseurs, plus attirés par le gros gibier ne les recherchent plus.

Les rapaces sont de plus en plus nombreux depuis la création des parcs naturels des Volcans et de la Margeride : autours, buses, faucons, éperviers, milans et autres. Ce sont  des oiseaux splendides mais détestés par les éleveurs de volaille, au même titre que les renards, belettes, putois, et autres prédateurs de plus en plus nombreux et protégés. Des lynx ont été introduits dans le parc des Volcans. Un couple aurait été vu dans la région.

Les vipères étaient très nombreuses à l'époque de Jouishomme, qui en a détruit des centaines. Les habitants en avaient très peur. Nous n'avons pourtant jamais entendu dire qu'un lubilhacois soit mort à la suite d'une morsure, mais il y a eu quelques cas assez graves. Entre 1950 et 1980, les vipères avaient pratiquement disparu. Elles réapparaissent depuis. Nous attribuons leur disparition à la mécanisation du fauchage, les tracteurs étant très rapides par rapport aux bœufs utilisés autrefois. On trouvait, dans les années 50 et 60, de nombreuses vipères coupées dans le foin. L'extension des jachères, les ruines et les anciens chemins bordés de pierres sèches et abandonnés aux mauvaises herbes et aux ronces sont des caches idéales. Leur réapparition vient à point nommé fournir une nourriture aux rapaces.

Les oiseaux de nuit ne sont plus très nombreux et les chauves-souris se font aussi rares que les hirondelles. Il n'y a eu que deux nids d’hirondelles à Lubilhac cette année.

Les grands papillons de nuit ont disparu mais cette année, des papillons de toutes sortes que l'on ne voyait plus ont été nombreux.

Beaucoup de petits oiseaux comme les pinsons, chardonnerets, bouvreuils, rouges-gorges, mésanges, rossignols ont disparu. Quelques rouge-queue, beaucoup de moineaux, des étourneaux, merles, et pies, peu de corbeaux se voient encore.

Les freux que l'on ne connaissait pas ont fait leur apparition l'hiver dernier.

IV - La flore

La flore a peu changé, mais on ne trouve plus de bleuets et de coquelicots que sur quelques talus. Les œillets des poètes, ces si jolies fleurs roses, deviennent de plus en plus rares. Les grandes marguerites blanches que l'on cueillait à brassées dans les prairies ne se retrouvent plus que sur les bords des fossés. Les narcisses sont encore en grand nombre dans les prairies humides, mais les anémones pulsatiles, si belles avec leurs pétales presque noirs et irisés se rencontrent rarement.

Nous ne connaissons pas assez les graminées et autres plantes pour noter des évolutions.

Les habitants de la commune ne portent pas d'attention à ces évolutions qui ne touchent pas directement à leur métier, et nous n'avons jamais vu une femme du village faire un bouquet de fleurs sauvages !

V - La population de la commune : l'exode rural

Jouishomme pressentait la désertification du village. Elle s'est poursuivie. Le tableau suivant recense la population de 2002.

 

Lieu-dit

Habitants

Lubilhac

20

Les Martres

12

Vernières

12

Gliseneuve

3

Sauvagny

2

Tany

5

La Fage

15

La Versanne

6

Malpeyre

3

Garnigoule

5

Cistrière

5

Fraisse

3

Les Granges

2

Ceroux

3

La Palle

0

Baraque de Gliseneuve

4

Lachaud

4

Rouges

5

Montmège

6

Baraque de Vinzelles

0

Le Mercœur

0

Baraque de Treize-Vents

0

Le Monteil

0

La Gazelle

4

La Mine de Fraisse

2

TOTAL

121

 

La courbe suivante montre que la population de Lubilhac ne cesse de décroître depuis 1850 à un rythme moyen relativement constant mais inexorable.

L'automobile a réduit les distances, accélérant le contact des jeunes avec la vie de la ville. La télévision a fait pénétrer dans chaque foyer les images de la ville et a suscité de nouveaux besoins.

Mais, surtout, la productivité des exploitations, les rendements à l'hectare, permettent de produire plus avec moins de bras.

VI - Les maires depuis 1900

 

1900

Ginioux Antoine

1929

Cornet Gabriel Victor

1944

Pignol Jean

1953

Chargebœuf Evariste

1971

Granet Henri

1989

Bony Bernard

VII - Les maisons

Les maisons dites "modernes" par Jouishomme n'ont pas excédé le nombre de six sur la commune.

        Une à Lubilhac

        Une aux Martres

        Une à Garnigoule, sans habitant depuis 1997/98

        Une à Sauvagny, abandonnée depuis longtemps

        Deux à La Fage

Quelques vieillards habitent encore leurs vieilles maisons mais leurs enfants ont construit de nouvelles maisons à l'écart des bâtiments ruraux. Ces constructions n'ont pas de caractère particulier mais elles sont confortables, avec le chauffage central, salle d'eau, cuisine moderne et les extérieurs sont accueillants avec jardin fleuri et arbustes d'ornement pour la plupart.

Il y a peu de jeunes de la génération suivante qui restent au village pour travailler la terre. Ils ont trouvé du travail dans les villes voisines : Massiac, Brioude, Langeac, Issoire, et même Clermont-Ferrand. Certains font le trajet matin et soir. Ils ont souvent restauré une vieille maison pour vivre chez eux et non chez les parents. D'autres ne reviennent au village que pour les vacances ou les dimanches.

L'électricité a pénétré toutes les maisons.

L'eau courante a remplacé les fontaines des bourgs. C’est Evariste Chargebœuf qui a fait installer l’eau courante, puisée dans la source de la Fridaire, en 1965.

Le chauffage au fioul ou au gaz propane a remplacé le bois.

Les commerces sont tous fermés. Le dernier, le "café, bureau de tabac, poste, épicerie, restaurant" de la place de l'église a abandonné progressivement ses activités d'épicerie, de restaurant, de poste, puis de tabac. Avec la mort de Gabriel Mercier, le café a fermé en juin 1998, signant la disparition du dernier commerce de la commune.

VIII -  L'économie

Les mines de Lubilhac sont désaffectées. La dernière renonciation à concession date de 1932, à la suite de la grande crise économique. Des sondages du Bureau des Recherches Géologiques et Minières, de 1972 à 1978 ont confirmé la grande variété de minerais présents dans le sous-sol, mais la non rentabilité de leur exploitation. Ils ont aussi mis à jour des galeries et des fours de l'époque romaine. Ces fouilles ont été refermées pour assurer leur conservation dans l'attente de plus minutieuses recherches ultérieures. Les déblais des mines attirent les amateurs de minéraux de toute l’Europe.

IX - Les écoles

Il reste très peu d'enfants en âge scolaire.

L'école de La Baraque est fermée depuis 1983. Un transport scolaire est créé et une cantine aménagée à Lubilhac.

L'école de Lubilhac, depuis longtemps mixte et regroupée dans l'école de garçon, est fermée en 1996. Un transport scolaire sur Saint-Beauzire et Brioude est aménagé. Ceux du primaire prennent le car de ramassage pour aller à Saint-Beauzire. Les autres, collégiens ou lycéens, prennent le même car jusqu'à Brioude. La commune compte environ vingt jeunes en âge scolaire. Au moment où nous écrivons ces lignes, aucune naissance n'est envisagée sur la commune, ni aucun mariage.

L'école de fille est à l’abandon. Son rez-de-chaussée a été aménagé par les chasseurs de la commune en laboratoire de dépeçage.

L'école de garçon est louée par la commune comme maison d'habitation.

X - L’église

Après un incendie, le 9 novembre 1955, le clocher a été restauré en deux temps. Il présente maintenant un toit de tuile beaucoup plus plat qu'autrefois.

L'intérieur a été rénové, mais les paroissiens sont de moins en moins nombreux. Le curé du village est parti. C'est un prêtre de Brioude qui assure le service religieux un dimanche par mois environ.

Le cimetière a été agrandi par deux fois en 1957 et en 1988.

La cure est devenue la mairie.

XI - Lubilhac

Jouishomme ne reconnaîtrait pas le centre du village.

Le bassin où venaient boire les troupeaux de retour de la pâture a été supprimé. Plus de rempot pour jouer aux quilles. Plus de travail pour ferrer les bœufs.

L'ormeau devant la cure, planté par le Maire Isabel en 1792, les deux frênes plantés devant l'église en 1848 ; l'arbre du triomphe de Gambetta sur Mac-Mahon ; celui du centenaire de l'ouverture des Etats Généraux ; le magnifique tilleul à l'angle sud de l'école de filles, ont été tous sacrifiés sur l'autel de la toute puissante circulation automobile.

Le monument aux morts a été déplacé pour laisser plus de place aux machines agricoles qui manœuvrent sur la place et y stationnent souvent.

La majestueuse esplanade arborée et ombragée, écrin de l'église, qui ferait aujourd'hui le régal des touristes et autres promeneurs ne ressemble plus qu'à un parking sans âme.

Le reste du village s'est modifié sans grande harmonie. Rien n'interdit, apparemment, sur la commune les toitures en tôle ondulée qui se généralisent sur les granges. Le caractère auvergnat des constructions se perd peu à peu au profit de la simplicité et de la commodité d'usage. Seule concession à l'esthétique, la tôle est rouge.

XII - Vernières

Le château de la maison d'Apchon et du seigneur de Favars ne s'aperçoit plus de loin. Les tours et murs encore visibles du temps de Jouishomme n'existent plus. Ils ont été exploités comme une réserve gratuite de pierres pour la construction des maisons, parfois avec l'accord tacite de la municipalité. Certaines fenêtres et cheminées ont été pillées pour la restauration d'autres châteaux des environs. Les grilles en fer forgé ont servi de fer à béton. Le peu de mur qui reste sert d'appui aux cabanes à lapin et aux porcheries.

                                                               Lubilhac, 2002

                                                               Suzanne Bardel, petite fille Jouishomme


EPILOGUE

 

Lubilhac est un village particulièrement favorisé, par sa situation géographique au cœur de l'Auvergne, à proximité de Massiac et de Brioude, à huit kilomètres de l'autoroute La Méridienne, en un lieu qui lui donne une vue imprenable sur tous les monts d'Auvergne et à une altitude où souffle un grand air pur ; favorisé par la qualité de l'eau de ses sources ; par le climat sain qui en fait une terre d'élevage idéale ; par ses forêts, ses vallées profondes, ses chemins, ses prairies, et ses sources prédestinées aux randonneurs amoureux du calme et des paysages variés ; par la richesse géologique de son sol, connu de toute l'Europe et recherché par les amateurs de minéraux ; par son histoire : mines romaines, château médiéval, église romane ; par ses maisons désertes au cachet si typique, prêtes à revivre.

Lubilhac se meurt, comme des centaines de villages sont morts dans notre pays. Le départ de ses habitants est vécu collectivement comme une fatalité honteuse, les parents se sentent coupables de n'avoir pas su retenir leurs enfants au village, alors qu'ils n'y sont pour rien, que les causes sont beaucoup plus profondes, structurelles et anciennes.

Lubilhac se meurt aussi parce qu'il n'est pas dans les guides touristiques. La négligence, la méconnaissance et l'oubli de son passé lui ont laissé détruire des vestiges prestigieux et défigurer des sites attractifs. Les richesses du village ne sont pas mises en valeur. Les randonneurs ne s'y arrêtent pas, ils n'y trouvent ni ombre ni banc sur la place, ni fontaine où se rafraîchir.

Il se meurt enfin, malgré les maisons à vendre, parce que ses habitudes et sa culture lui rendent difficile d'accueillir de nouveaux venus, aux habitudes différentes, qui pourraient lui donner une nouvelle jeunesse, mais qui posent sur lui un regard qui dérange.

Mais nous croyons que Lubilhac peut vivre, parce qu'il n'est pas trop tard et qu'il dispose d'atouts que bien d'autres lui envieraient, qui ont réussi leur mutation. Un village ne meurt vraiment que quand il ne reste plus personne pour en parler. Tant que ses anciens seront assez nombreux pour témoigner, raconter et expliquer, Lubilhac existera.

Comment faire partager au monde moderne de la ville, du tourisme, du retour au vert, de la quête du passé, cette connaissance intime de la vie des fermes, avec ses difficultés, ses servitudes et sa noblesse ?

Qu'ils sont avides, ces étrangers de passage ou ces nouveaux habitants, de découvrir les gens du pays dans toute leur force physique, leur résistance, leur puissance de travail, leur générosité, avec leurs mains calleuses, leur bon sens, leur méfiance et leur pudeur ; de découvrir les lieux avec leurs noms étranges, leur histoire et leurs légendes ; les noms des plantes ; les animaux qu'ils n'ont vu que dans les livres ou à l'écran, qui les fascinent et les effraient en même temps : chien menaçant qui ramène tout seul un troupeau entier et connaît les bêtes par leur nom, étables à la chaude et puissante odeur, naissance du veau, cochon égorgé, sanglier dépecé, lapin tenu par les oreilles et poules par les pattes, qui battent des ailes, œufs tout chauds collés à la paille, mai aussi buses et milans, renards, putois, chevreuils !…

Ils recherchent le calme, la beauté, les fleurs des champs, des belles histoires et de l'air pur, ils découvrent la vraie vie, celle de ces paysans sans le travail desquels ils ne trouveraient plus rien à manger, eux qui savent tout juste s'occuper de leur chat et de trois géraniums accrochés au balcon.

Comment faire partager au monde paysan, sollicité heure après heure par son bétail,  soumis au rythme impatient de la nature comme à ses caprices, qui compte un par un les euros gagnés à main nue sans un jour de congés, ces besoins profonds et véritables des gens de l'autre monde.

Vous qui venez de Brioude, du Puy, de Paris ou de Londres, vous êtes pour les lubilhacois un étranger, un inconnu qui ne partage pas les mêmes valeurs, un enfant qui a un jour quitté son village, ou peut-être pire. Il vous faudra de la patience, vous dont la différence est une richesse : vous avez vécu d'autres expériences, avez d'autres points de vue, d'autres idées, des connaissances différentes ; vous qui avez la même générosité, la même méfiance et la même pudeur, vous ne les exprimez pas comme eux. Il vous faudra du temps et de la patience pour qu'ils vous adoptent et comprennent que vous venez à Lubilhac en ami, pour vous ressourcer, retrouver des racines, des repères, du calme, et faire des rencontres avec des personnes de bon sens, qui vous parlent avec leurs tripes, de leur métier, de leur histoire, et de leur village.

Comment faciliter cette ouverture mutuelle pour que Lubilhac devienne un jour un lieu de rencontre, de passage, de villégiature ou de résidence ? Pour que des enfants rejouent sur la place, et, qui sait, dans la cour de l'école de Jouishomme ?

C'est vous, habitants de Lubilhac, qui possédez la réponse.

Jouishomme, longue vie à ton village !

 

 

                                                               Lubilhac, 2003

                                                               Michel Bardel, arrière-petit-fils

 


Table des matières

Présentation   3

Préface_ 7

Géographie de la commune_ 9

I - Plan de la Commune de Lubilhac_ 10

Description topographique_ 11

I - Carte géologique et reliefs du sol_ 12

Nature et Formation du sol_ 13

I - Relief – Sections verticales_ 14

Orographie_ 15

Climatologie_ 16

Hydrographie_ 17

I - Ruisseau du Ceroux_ 17

II - Ruisseau de Daü_ 17

III - Ruisseau de Cistrière_ 18

Voies de communication_ 18

I - Chemin vicinal d'intérêt commun N°17_ 19

II - Chemin de Massiac_ 19

III - Route de Brioude-Saint-Flour_ 20

IV - Chemin de fer de Brioude à Saint-Flour_ 20

Agriculture, commerce_ 21

I - Carte agricole_ 22

II - Statistique agricole_ 23

Sylviculture_ 24

Arboriculture_ 25

Viticulture_ 25

Apiculture_ 26

La Faune_ 27

La Flore_ 28

La population et sa vie_ 31

Population de la commune  d'après les recensements de : 32

Linguistique, qualités physiques, caractère et mœurs_ 32

Situation économique_ 34

Maison rurale classique_ 36

I - Façade de la maison rurale classique_ 36

II - Deuxième étage_ 37

III - Façade de la maison rurale moderne_ 38

L'habitation moderne_ 39

I - Rez-de-chaussée_ 40

II - Premier étage_ 40

III - Grenier_ 41

Costume_ 41

I - Bon ménage_ 43

Les repas – la table_ 43

Une journée de batteuse_ 44

Préjugés – Superstition_ 45

Adages, proverbes, dictons populaires_ 46

Chant populaire_ 48

I - Chant de la Passion_ 48

Autre chant populaire_ 50

I - La Pâquerette_ 50

Partie historique et descriptive  53

Ecoles_ 55

I - La maison d'école de Filles_ 55

II - Ecole de Garçons_ 56

Le Maire_ 57

I - Tableau des maires depuis 1789_ 58

II - Conseil municipal actuel_ 58

III - Composition de la municipalité  d'après les élections de 1925_ 59

IV - L'Eglise et la place publique_ 60

Eglise_ 61

I - Clocher et Cloches_ 62

Cimetière_ 63

Presbytère_ 63

Monument commémoratif aux Morts pour la France durant la guerre 1914-1918  64

I - Liste des soldats morts pour la France_ 65

II - Aux Héros de la Grande Guerre_ 65

Lubilhac_ 69

I - Tableau des curés de Lubilhac_ 70

La fête patronale – Saint-Bonnet_ 71

I - La place d'armes du château féodal de Vernières_ 74

Château féodal de Vernières_ 75

Le village de Vernières_ 77

I - La Marion_ 77

La Palle_ 78

Les Martres_ 79

L'Hermitage_ 79

Laversanne_ 79

Château de Malpeyre_ 80

Cistrière_ 80

Lafage_ 81

LE Mercœur_ 82

Ceroux_ 83

Le Rouge_ 84

Montmège_ 85

Daü_ 85

Tany_ 86

Gliseneuve_ 87

Sauvagny_ 88

Garnigoule_ 90

Labaraque_ 90

Le Fraisse_ 91

Le Monteil_ 92

Partie documentaire_ 93

Etat religieux de la paroisse.  Calvinistes. 95

Abjuration des Protestants des Martres et des Bordes_ 95

Feu de joie  fait avec les livres, titres constitutifs, terriers etc.  des châteaux de Vernières et de Malpeyre. 96

Déclaration de Vital Granet prêtre sous la Révolution_ 97

Serment de l'abbé Granet_ 98

Vente des débris du clocher_ 98

Culte catholique_ 99

Etat de l'actif mobilier et immobilier affecté aux fondations et aux fabriques situées dans la commune de Lubilhac - Année 1793. 99

Actes de l'état civil. 100

I - Naissance_ 100

II - Mariage_ 100

III - Autre mariage_ 101

IV - Décès_ 101

V - Naissance_ 101

VI - Mariage_ 101

VII - Décès_ 101

Lettre de Ranssiliac Pierre, volontaire à l'armée d'Italie. 102

Autres lettres de soldats de la guerre d'Italie_ 103

I - Lettre de Jean Mazenc_ 104

II - Lettre de Jean Brun_ 106

Brouillard d'une lettre à un ami sur les affaires du temps. 107

Quelques considérations sur l'histoire et la géographie locales_ 111

Numismatique_ 112

I - Monnaie de Claudius_ 112

II - Monnaie Henri II 112

III - Monnaie de Henri III 112

IV - Monnaie de henri iV_ 113

V - Monnaie d'auguste_ 113

VI - Monnaie d'agrippa_ 113

VII - Monnaie de Charles VI 114

VIII - Monnaie d'Auguste et Agrippa_ 114

IX - Monnaie de la ville du Puy_ 114

Archéologie_ 115

I - Hache de silex porphyroïde_ 115

II - Hache de silex verte_ 116

III - Pierre de serpent_ 117

IV - Moule Fleur de lis_ 118

V - Tête de divinité_ 119

Objets de la vie courante_ 120

I - Sabot à bascule de la Limagne_ 120

II - Landier en fer forgé_ 120

Costume_ 121

I - L'avant-dernière mode_ 121

II - Un jour de fête_ 122

III - Un ancien_ 123

M. Charles DUPUY_ 124

 



[1] Qu'il ne faut pas confondre avec la commune du même nom.

 

[2] Il paraît que ce fait des soldats de Probus n'est qu'une légende et que l'origine de la vigne est antédiluvienne. En effet, des empreintes de feuilles de vigne parfaitement caractérisées ont été trouvées dans les gisements tertiaires de certains endroits. Nous en possédons un échantillon découvert à Vic-sur-Cère (Cantal).

[3] La loi votée par le parlement, qui fixe à huit heures la durée journalière du travail dans l'industrie, appliquée sans considération, n'a pas peu contribué à provoquer la crise économique actuelle.

[4] Le dessin du landier est reproduit à la page 120

[5] Voir page 121 des clichés sur le costume local

[6] Voir le dessin de ce sabot page 120

[7] La transcription de ce chant pieux nous amène ainsi à dire un mot de l'état des esprits au point de vue religion.

[8] Le Recteur a été remplacé par l'Inspecteur d'Académie

[9] La description et l'historique de l'école mixte sont placés au chapitre : "Labaraque" page 90

[10] Le jardin de M. Pellegris

[11] L'acte de donation est reproduit page 99

[12] Théodoric, roi des Wisigoths qui possédaient l'Aquitaine

[13] Extrait de "La vie des Saints", ouvrage édité par Benoît Michel Mauteville, libraire, rue Tupin près l'Empereur, à Lyon. Avec la permission de sa majesté le roi Louis XV. Année MDCCLX.

[14] L'Eglise a condamné certaines modes féminines.

[15] NDLR : Fin du premier Livret manuscrit (page 184)

[16] D'autres diront que le nom Mercœur provient de celui d'un temple dédié au dieu Mercure. Nous pensons fermement qu'ils sont dans le faux. Mercœur est un nom commun à un grand nombre de localités qui toutes sont ou ont été des centres miniers et dérive de mercure, le métal liquide assez semblable à certains métaux en fusion, l'antimoine par exemple.

[17] NDLR : La dénomination de ce village n'est pas constante au long de cet ouvrage. On trouve indifféremment Le Rouge, Rouge, Rouges. On parle au début du 21e siècle de M. Granet de Rouge(s), mais l'annuaire de France Telecom donne Le Rouge comme adresse..

[18] NDLR : Voir ces monnaies page 113 et suivantes

[19] Il y a déjà quelques années qu'il est allé chez Pluton rejoindre sa victime. Sa famille a quitté définitivement la commune.

[20] NDLR : voir page 114

[21] NDLR : voir page 114

[22] Mme Jouishomme, née Cornet Eugénie Jeanne est née à Sauvagny le 23 mars 1862 et a dirigé l'Ecole de Filles de Lubilhac depuis le 29 septembre 1890 jusqu'au 1er octobre 1911, c'est à dire durant une période de 21 ans.

[23] Avant la Révolution la paroisse avait été constamment desservie par un curé et un vicaire.

[24] Ancienne mesure agraire valant sept cartonnées

[25] La livre équivalait au franc de notre monnaie

[26] Le carton correspond au double décalitre et valait douze coupes

[27] Coupée, ancienne mesure agraire valant un douzième de cartonnée.

[28] Jour : le levant ; nuit : le couchant ; bise : le nord ; midi : le sud.

[29] L'emplacement de ce presbytère est exactement celui de l'école de fille actuelle.

[30] Ce passage est la reproduction de la mention faite au titre : Presbytère, page 63

[31] Cette rente a définitivement été remboursée par Granet-Privat des Martres à M. le curé Cosse pour construire la sacristie en 1858.

[32] Lubilhac, district de Brioude

[33] beaucoup

[34] santé

[35] à l'être suprême

[36] mauvais

[37] Il s'agit des assignats qui n'ont point cours en Italie

[38] quarante sous métalliques valent cent francs en assignats.

[39] saison

[40] l'ennemi

[41] tous les jours être de service et presque toutes les nuits coucher dans les retranchements

[42] les poux

[43] Il met son espoir dans une grande bataille projetée, probablement Castiglione, après laquelle il en contera les péripéties à sa mère.

[44] Beaux-frères et belles-sœurs

[45] vous me direz si la récolte est belle

[46] Il a quelques assignats de la Passe-Royale dont on ne veut point : s'ils passent au pays, ils les enverra à sa mère.

[47] Jean Mazenc ignore encore que c'est l'ère de la première campagne d'Italie qui va s'ouvrir

[48] Il veut dire qu'il n'a aucune nouvelle à donner du pays de Grenoble qu'il ne connaît pas

[49]NOTA : Il manque ici une partie de l'adresse par déchirure du papier de la lettre.